She takes a dip in my daydreams. (João)

SHE TAKES A DIP IN MY DAYDREAMS

Le froid mordant de cette soirée d’automne semblait vouloir s’infiltrer à travers chaque couche de vêtement que je portais. Ils ne sont pas nombreux, un jogging, un pull qui recouvre le maillot de l’équipe et un bonnet. L’air était saturé du mélange familier de l’odeur de la terre battue et de l’humidité des feuilles tombées sur l’herbe. On s’entraînait comme d’habitude, malgré le vent glacial qui siffle à nos oreilles. Le claquement net de la batte contre la balle a retenti dans l’obscurité naissante, suivi des cris de mes coéquipiers. « João, elle est pour toi ! » cria l’un d’eux. Je lève les yeux aussitôt. Une balle bien frappée. Trop bien frappée. Elle monte haut, bien au-delà de ce que j’aurais pensé possible. Mes jambes se mettent à bouger avant que mon cerveau ne prenne le temps de commander quoi que ce soit. Je cours, vite, à travers le terrain, ne regardant rien d’autre que ce petit point blanc qui fend l’air, comme une seconde lune. Plus rien n’existe, ni le froid, ni le sol sous mes pieds. Juste moi et la balle. Alors que je calcule l’angle, prêt à tendre ma main pour la saisir au sommet de mon saut, tout mon corps s’écrase violemment contre quelque chose – ou plutôt quelqu’un. Le choc est assez brutal, inattendu, et je bascule en avant, m’étalant lourdement au sol, aux côtés de ma victime. Encore sonné, je soulève le haut de mon corps en appuyant les paumes de mes mains. Je regarde un peu autour de nous, un livre, des talons et elle. Toi, tes yeux qui rencontrent les miens. Mes oreilles bourdonnent encore, je n’entend plus rien autour sauf mon cœur qui tambourine. Derrière nous, au loin, les coéquipiers rigolaient de ma défense mais ils ne parvenaient pas à attirer la moindre importance. Vous allez bien? L’obscurité m’empêche de bien discerner ton visage J’suis désolé, j’voulais pas…. Nan je voulais juste rattraper la balle sur l’espace de jeu, je ne suis donc pas en tord mais je crois que cela n’arrangerait rien de le souligner. Je préfère m’excuser et tendre ma main vers toi cette toi, pour que nous nous aidons à se relever mutuellement.

@Nienke van Dijk

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J’essaie de me redresser en même temps que toi, c'est mon initiative. Mes muscles sont encore tendus de l’effort, et le choc m’a laissé un goût métallique dans la bouche. Nos corps synchronisés parviennent à retrouver la verticale mais connaissent une nouvelle fois un choc, plus agréable que le premier. Je sens la douceur de ta mains sur la mienne, ton contact léger mais ferme, presque timide, et ça me perturbe un peu, parce que ça ne ressemble à rien que j’aie connu. Tes doigts effleurent les miens, puis se tendent, et je reste là, immobile, comme un idiot, ne sachant pas si je dois lâcher prise ou m’y accrocher davantage. Je descend la tête, et je vois la curiosité dans ton regard. Tu m'observes, mais il y a aussi ce petit quelque chose que je n’arrive pas à définir tout de suite. C’est comme si tu attendais quelque chose de plus, mais sans en faire trop. Tu n’as pas l’air de vouloir briser ce moment. Et, dans un sens, je me sens suspendu dans cet espace entre nous, comme si tout avait ralenti, comme si le monde autour de nous avait disparu. Tu ôtes mon gant pour le laisser tomber au sol à son tour, attrapant ma seconde main de la tienne. Je me prends à vouloir sourire. Mais je le sais, ce n'est pas un sourire facile. Pas comme ceux que je laisse filer d'habitude, sans y penser. Non, celui-ci, celui que tu attends, il doit être sincère, spontané, sans artifice. Il doit naître de quelque chose de vrai. Je vois bien que tu attends, tu attends que ce sourire vienne, que je te montre quelque chose. Alors je m’efforce de laisser tomber la tension pour te le donner. Nos paumes collées qui s'élèvent un peu plus proches de nos visages et c'est à cet instant précis que la foudre me frappe. Cette fois, je te regarde vraiment, comme si je te voyais pour la première fois. Quelque chose dans ton regard, ton sourire léger mais suffisant, me rappelle… ce que nous avons partagé. Ces messages échangés. Ces petites confidences en ligne, les sourires en filigrane derrière chaque mot, chaque phrase. Et voilà que nous sommes scellés, par accident, mais c’est toi. J'avais jamais vraiment douté. Et comme pour marquer que c'est bien réel, j'entrelace nos doigts pour voir ton tatouage. Une fois dans mon champ de vision, je reviens fixer ton visage. La chaleur aux creux de nos mains. Je me sens presque déséquilibré, mais ce n’est pas un déséquilibre négatif, c’est un vertige. Un vertige exaltant, comme si quelque chose d’immense était en train de se construire entre nous. Mon esprit est un peu en surchauffe, trop d’émotions à la fois. J'ai envie de bouger, de dire quelque chose, mais je n’arrive pas à sortir les mots.

@Nienke van Dijk

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C’est un vertige, un abîme, et je me demande si tu le ressens aussi, si tu le vois, toi qui me regardes avec cette intensité inouïe. Je suis sur le point de te dire quelque chose, mais l'air autour de nous se fait plus lourd, comme un drap qu’on étend pour masquer la lumière. Puis je l'entends après avoir senti cette main sur mon épaule, la voix de Ethan, de l’autre côté, rauque et pleine de cette fausse légèreté qui lui est si familière. « João, t’as décidé de t’entraîner avec elle maintenant ou on va finir ce match ? » C'est une intrusion violente dans notre silence. Une intrusion qui brise tout, qui casse l’équilibre fragile que nous venons à peine de tisser. Son regard s’attarde sur nous deux, sur cette scène étrange où tout s’effrite sous l’effet de son arrivée. Sa silhouette impose sa présence, mais c’est son ton, son attitude qui m’irritent. Pourquoi maintenant ? Pourquoi ici ? La colère me monte dans la gorge, comme un goût acide. Je me fige un instant, mes doigts qui étaient en train de se serrer sur les tiens se desserrent légèrement, mais je ne lâche pas complètement ta main. Je la garde là, juste assez pour que tu saches que je ne suis pas encore prêt à partir. Je sens que Ethan perçoit immédiatement l’inconfort. Il me scrute, puis tourne les yeux vers toi. Et ça me dérange. Ça me dérange d’autant plus qu'il ne semble pas vouloir nous laisser dans cet espace suspendu. Il ne comprend pas que ce moment, ce que nous venons de partager est en train de prendre une forme particulière. Un moment suspendu, fragile, qui mérite d’être respecté. Je suis un peu ailleurs, mais quand tu décides d'enlever tes doigts, l'atterrissage est brutal. Je saisi le gant que tu me tends mais dans un seul but, le tendre à mon tour vers mon coéquipier L'entrainement est fini pour moi. Ma voix est ferme, peut-être un peu trop, mais c’est nécessaire. Je veux qu'il comprenne que j’ai pris ma décision. Il semble hésiter un instant, ses yeux passant de moi à toi, avec une incompréhension évidente. Il déglutit, scrute mon visage, comme s’il y avait quelque chose qui clochait, mais il finit par hocher la tête, attrape le matériel et tourne les talons pour rejoindre le reste de l'équipe. Je pose doucement ma main sur ton bras, juste au niveau du poignet. Pas trop, juste assez pour que tu le sentes. Pas de pression, juste une caresse légère, un geste discret, mais affirmé. Je veux que tu saches que je suis là. Je suis là, et je veux qu'on continue, même si on ne sait pas exactement où tout cela va nous mener. Nienke... J’hésite une fraction de seconde, par peur de la mauvaise prononciation. Ça sonne étrangement, ce prénom sur mes lèvres. Je ne veux pas connaitre le vide qui s'installerait si nous devions nous quitter.  

@Nienke van Dijk

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J'veux bien. Promis, ce sera pas long. Le temps nécessaire pour attraper mon sac de sport et partir d'ici, ensemble. Et puis, il y a ce moment. Ce contact. Tes doigts qui agrippent le mien, et tout à coup, la décharge d’énergie qui me traverse. Comme une onde qui parcourt ma peau, jusqu'à chaque cellule de mon corps. Je sens cette chaleur qui envahit mes doigts, mais c’est plus que ça. C’est un vide soudainement comblé, un instant suspendu où tout semble possible. C’est aussi ça qui fait peur, non ? Cette impression de partir dans un autre monde. Et ça me touche, plus que je ne voudrais le dire. Cette petite prise de contact, fragile, presque timide, mais tellement pleine de tout ce que tu n’arrives pas encore à comprendre. Et cette question, cette question de vols pour Rome… Je sais ce que tu veux dire, même si tu n’oses pas. Tu veux t’évader, tu veux t’échapper, mais pas de la façon dont on l’entend habituellement. Non, tu cherches à t’échapper dans un rêve, dans un lieu où tout est encore possible, où tout reste à inventer. Rome, les lumières, l’idée d’un départ. Ce n’est pas une fuite, c’est juste un espoir, une porte ouverte vers un ailleurs, même si cet ailleurs est aussi flou que le brouillard qui t’envahit Je dirais celui là! Ma main libre, froide, qui pointe vers le ciel sur une lumière au hasard. Pour ce que j'en sais, L'Italie est peut-être bien au point cardinal à l'opposé. Mais ça me permet de tourner le visage vers toi pour te regarder t'illusionner. Et je ne te crois pas folle, non. Pas du tout. Parce que, parfois, rêver, c’est tout ce qui nous reste. Et parfois, rêver, c’est ce qui nous permet de respirer à nouveau, de retrouver une forme de calme, d’espace. Parfois, dans cette folie douce, on trouve la clarté. Et je crois que tu es là, dans ce moment suspendu, à chercher cette lumière, à chercher quelque chose qui fasse sens. Même si c’est juste un vol, une idée qui s’échappe, un rêve d’enfant qui te fait croire que tout peut être différent. Tu entres avec moi? Dans ce vestiaire, car proche de la porte nous arrivons.  Il est encore calme, presque silencieux. Les vestiaires ne sont jamais vraiment vides, mais là, c’est différent. L’odeur du bois poli, légèrement humide, flotte dans l’air, mais elle n’a pas encore été remplacée par celle de la sueur, du cuir chaud et du lin transpirant qui viendront plus tard. J'ai beaucoup de questions Nienke, bien meilleures que celle-là je te le promets, mais j'ai besoin de quitter ce terrain avant de t'interroger sur des éléments plus importants à mon coeur.

@Nienke van Dijk

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Tu marchais à mes côtés dans le couloir, ton pas léger mais déterminé, et moi, je n'arrivais pas à détourner mon regard de toi. C'était une soirée étrange, pleine de coïncidences. Une rencontre brutale sur le terrain, puis un instant de déconnexion où on s'était simplement regardés, un peu surpris, avant de réaliser qui on était l'un pour l'autre. Et là, dans ce vestiaire, il y avait encore cette tension, ce contact qui électrise autant qu'il rassure. Je m’en veux un peu de t’avoir emmenée dans cet endroit froid, austère. Un lieu qui sent le métal, la sueur et la fatigue. Loin de la lumière douce des étoiles que tu scrutais plus tôt, loin des airs légers qu’on aurait pu partager si l’on était restés là, à observer le ciel. Mais là, dans ce vestiaire, tout semblait figé, presque oppressant. Il picote, ce moment où nous devons rompre ce lien, comme un pont fragile entre deux rives qui ne se sont jamais vraiment croisées avant ce soir. Je m'empresse d'attraper mon sac pour y fourrer sans soin, mes affaires. Je te vois te glisser hors de ton jean, sans trop d’hésitation, sans chercher à cacher ce que tu fais. Une part de moi voudrait détourner le regard, mais l’autre, celle qui me dit que je peux être plus qu’un simple spectateur, celle-là me pousse à observer. Je m’efforce de ne pas te déranger, même si l’espace est clos, même si ce n’est pas un moment intime à proprement parler, il y a quelque chose dans l’air qui te rend plus vulnérable, plus réelle. Tu te relèves sans un bruit, puis, tu tournes le coin, et j’entends l’eau couler. Mais moi, ce que je remarque, c'est ta cheville qui semble te faire souffrir. Cette cheville que tu as si négligemment exposée, sans même faire semblant de cacher la douleur. La façon dont tu t’es déplacée, à la fois fluide et en retrait, me laisse penser qu’elle te lance. Je me rapproche sans vraiment y penser, à pas lents, cherchant à comprendre ce que tu ressens. Je m’arrête juste qvant la carrelage, mais sans vouloir te gêner. Il y a cette hésitation, cette frontière floue entre la politesse et l’envie de prendre soin de toi.  Ca va? Ma voix résonne dans l’espace clos, un peu plus basse, un peu plus intime qu’il ne faudrait Si tu veux, je peux t’aider avec ça… Je te fixe un moment, attendant ta réponse, avec une culpabilité qui me pèse J'suis désolé. Je reste là, un peu perdu, à chercher une réaction, quelque chose, un signe, que tout va bien. Mais je sais au fond que je ne peux rien faire d’autre que ça : m’excuser, sans vraiment savoir si c’est suffisant.

@Nienke van Dijk