die with a smile ─ Lenace

Aucune volonté face à la moindre résistance, vraiment. Le voilà couvert de la tête aux pieds, caché derrière une casquette, elle-même planquée sous une capuche, des lunettes pour cacher les yeux et une écharpe pour planquer le bas de son visage. Venu en taxi, pour éviter qu'on le reconnaisse avec sa moto ; l'anxiété de pouvoir être vu l'oblige à se planquer alors qu'il débarque chez Lena. Même s'il a dit qu'il n'y viendrait pas. Peut-être le sentiment que s'il lui arrive un malheur, il se sentira responsable. Il s'annonce, on lui ouvre, et dévoila son accoutrement ridicule alors qu'il entre et attend d'avoir refermé la porte derrière lui pour commencer à retirer quelques couches de vêtements. J'sais pas ce que ma présence va changer... mais si ça t'évite de faire une connerie... Plus qu'elle n'en a déjà fait, à voir le chaos au sol.

devant la table, genoux rouges de frotter sur le tapis. allers retours. les rails à moitié sniffé, lignes difformes, trop épaisses. gouttes d’alcool sur la nuisette que j’ai pas enlevé. abîmer tout ce que j’avais préparé. pour lui. pupilles dilatées, le téléphone à l’écran bousillé, laissé sur le côté. tout éteindre. arrêter de lire ses derniers messages. arrêter de remuer le couteau qui creuse plus profond la plaie. toque à la porte, pieds nus, esquive la vaisselle qui tapisse le sol. les éclats de verres et de céramiques. portrait d’un carnage acerbe. réalise pas de suite, que c’est toi. sous couche de textile. caché sous un masque et une casquette, jusqu’à ce que tu te débarrasses de tout. - t’as plus peur qu’on dise que t’es venu m’baiser ? rictus au coin des lèvres. dissimule le mal par poison d’euphorie.

Visage découvert, traits tirés et fatigués, les yeux encore un peu bouffis mais bien dégonflés par rapport à l'après-midi. Il pose l'écharpe et la casquette à l'entrée, mais garde ses chaussures pour s'éviter une coupure malencontreuse ; et il soupire. Ça serait pas la première fois qu'on l'pense, hein... Il pose les yeux sur elle, enfin, regarde son visage dans un état aussi pitoyable ─ voire plus ─ que lui. T'as conscience que là on va forcément s'prendre la tête avec c'que t'es en train d'faire ? Parce qu'il a toujours été contre ces trucs, lui. Ouvertement. Et qu'il la laissera pas se ravager davantage.

j’m’en branle de c’qu’ils pensent tous.[/color] déambulante, au milieu du chantier des sentiments abandonnés. reviens reprendre la même place, dos appuyé contre le bord du canapé. - m’prends pas la tête ace.. j’t’ai pas demandé de venir pour ça. pour écouter les mêmes discours. les mêmes mises en garde. que j’ai jamais écouté. même pas pour lui. le résultat est pitoyable. le regard dans le vide. tourne la tête vers toi, observe les traces de tes propres peines. détourne les yeux. immobile, penche la tête en arrière. retiens les larmes qui ont déjà trop coulées. le plafond immaculée, le vide insoutenable dans le poitrail. rejoue la scène. les mots d’amore. j’ai envie d’crever.. pour ne plus l’entendre. pour ne pas avoir à vivre sans. à affronter l’oubli. encore. - il m’a proposé son putain d’glock.. raconte. incohérente. la paume de la main qui appuie contre le front, comme pour enfermer la peine.

À chaque fois qu'ils se sont vus, ça a toujours été pour parler de la souffrance d'un autre. De celle d'Amore, en l'occurence ; mais jamais de la leur. Ace s'avance pour la rejoindre sur le canapé, en douceur. Pas de geste précipité ou brouillon, juste de la lassitude et de la fatigue dans chaque respiration ─ il est usé. Le regard se promène un peu sur la table basse, puis il tourne la tête vers l'italienne à côté de lui. J'aimerais être surpris, mais j'le suis pas... Nouveau soupir alors qu'il laisse son regard vagabonder dans le vide, songeur ; et il se rappelle de leur dernière altercation physique, début octobre, qui aurait pu tourner au drame. La tête se baisse légèrement. Pourquoi tu m'as demandé de venir, exactement ? Pour pas être seule, juste ?

je pensais pas pouvoir t’appeler toi, un jour. trop de temps passé à se détester. aveuglément. à défendre l’indéfendable sur le dos d’un amour qui n’a jamais existé. renifle, excédant de poudre encore plein les narines. récupère la bouteille qui règne au milieu de la table, avale une longue gorgee. - j’te propose pas, hein ? lève les yeux vers toi. paquet de mascara coincé sur les cils humides. hausse les épaules, laisse traîner le silence à la question qui a pas vraiment de réponse. - j’sais pas. j’sais que t’es dans le même état que moi, j’avais pas envie d’être seule, j’crois que je t’ai mal jugé depuis l’début de tout ça. soupir. lassitude dans le son de la voix. - pourquoi t’es venu, toi ? pour t’donner bonne conscience, juste ? sourire sans vie. ouais, sûrement ça. pas vouloir te sentir coupable, être certain que j’allais pas me flinguer comme il avait demandé.

Négation d'un mouvement de tête quand elle lui propose de l'alcool. S'il peut se réjouir d'une chose, c'est que son traitement semble très bien fonctionner. Aucune ombre. Aucune hallucination. Aucune crise d'angoisse non plus. Alors autant ne pas tout foutre en l'air sur un coup de tête, non ? Lena boit, elle, et Ace déplore inconsciemment de la voir dans cet état. Celle qu'il déteste, pourtant. Lena, pour qui il n'a jamais eu la moindre compassion, lui fait mal au coeur, et il sait pas si c'est une mauvaise blague de la vie ou juste la réalisation qu'ils sont pas si pires, l'un et l'autre. La main d'Ace se tend pour récupérer pourtant la bouteille, et s'il ne la boit pas, c'est juste pour en lire distraitement l'étiquette ─ ou plutôt, la regarder. Je sais pas vraiment si on est dans le même état. J'suis juste... las. Fatigué. Épuisé par tout ça. J'comprends juste pas comment on en est arrivé à de tels extrêmes pour... ça. Il repose la bouteille en soupirant. J'vais finir par croire que c'est un truc d'italiens d'être aussi extrême et explosif. Puis il la regarde à nouveau, croise son regard. Y'a un court blanc, avant qu'il se risque à l'ombre d'un sourire pas convaincant. T'as l'mascara qui a coulé.

refuse l’élixir qui joue pourtant bien son rôle de cataplasme. éphémère. bouche la plaie le temps d’une soirée. à espérer que demain ce sera moins pire. que les effets vont perdurer. bouteille s’échoue pourtant entre tes doigts. divertissant tes prunelles le temps d’un instant. futilités. - mh.. moi, j’sais que j’ai les sentiments excessifs. j’sais qu’ils me bousillent, pour ça qu’en général je les fuis. sauf avec lui. maintenir le passé en vie pour finalement l’enterrer. le remettre à sa place, trinquer au-dessus de l’épitaphe d’une histoire qu’on aurait jamais dû raviver. - mais, toi.. comment t’as fait pour en arriver là ? comment t’as fait pour l’aimer autant et finir comme ça ? arrive à décrocher un sourire. hausse les épaules. - p’têtre que c’est ça. faut éviter les italiens. ou les italiennes.. retrouve ton regard. silence. puis change de sujet, soulève le maquillage ruiné. phalange passe sous les cils, tente d’effacer le noir qui colle à la peau. - enlève le moi. j’dois être degueu là !

Elle les fuit ─ il les fuyait, lui aussi. Avant tout ça. Avant Rose. Peut-être qu'il aurait dû continuer ─ est-ce qu'il regrette vraiment tout ? Il se le demande, maintenant. Trop gourmand... pas fiable... manipulateur... infidèle... hypocrite, aussi, va savoir... et j'en viens à m'demander si je l'aime. Sa main se tend et il essuie du doigt le mascara sur la joue de Lena, en même temps qu'il parle. Amore n'est qu'une seule personne de son entourage qui me désapprouve et m'a volé dans les plumes. Le noir retiré, il laisse retomber sa main, et continue son explication. Je sais pas ce que je fais de mal exactement... mais en l'espace d'un mois... je dois bien avoir quatre ou cinq personnes venues me voir pour me cracher d'ssus, supposément j'donne des espoirs... j'suis malhonnête, je joue avec les sentiments des gens, ce genre de choses. Doit y avoir une part de vérité pour qu'on m'le dise aussi souvent. Il a pas le sentiment d'avoir fait ça, lui. Mais si autant de gens lui disent... peut-être qu'il est bien ce qu'ils décrivent.

adjectifs qui défilent sur tes lèvres. écho de ce que j’ai déjà entendu des tas de fois. pointer du doigt le mauvais pour en oublier le reste. sûrement que c’est plus facile pour les autres, de se dire qu’on est juste ça. les derniers mots qui saisissent les bleutées. ombre d’un froncement de sourcils. - vraiment ?.. tu t’poses vraiment la question ? dans un presque murmure. laisse faire, tes doigts qui nettoient les désastres d’un autre. belle ironie. toi qui soigne quand c’est lui qui blesse. rends la fin encore plus amère. - tu voulais quoi, toi ? tu te voyais vraiment avec rose ? s’il y avait pas eu toutes ces histoires. s’il y avait pas eu son frère et tout ce qui s’est passé. tu serais resté ? qu’avec elle ? délaisse la place. m’éloigne un peu de toi pour redessiner les lignes. la carte entre les doigts, ramasse résidus pour tracer les tas. laisse retomber la fine plaque sur la table pour attraper le billet roulé. - m’regarde pas. honteuse. d’être aussi lamentable c’soir. loin du cliché de la poupée sulfureuse. ne reste que l’intérieur en ruines. pas beau à voir.