(lena) addicted to escaping reality.

La ruelle est étroite, suffocante, pleine des murmures étouffés des immeubles qui l’entourent. Tu avances, les mains enfoncées dans les poches,  le pas hésitant. Chaque mètre te rapproche du coin de la rue, là où le marchand de rêve traîne. Tu t’arrêtes brusquement. Le goût de l'héroïne caresse effleure ta mémoire, caresse brûlante fait frémir ta langue et picote au fond de la gorge. Paupière se ferment un instant. Tu inspires l’air froid, tente de te raccrocher à ce qu’il te reste de volonté. Fragile. Puis, une collision. Choc inattendu te sort de tes pensées, une jeune femme trébuche contre toi. Dans la chute, tes orbes voient la poudre s’éparpiller en un nuage délicat avant de retomber en pluie silencieuse sur l’asphalte sale. Sachet translucide repose entre vous. Tu le fixes, incapable de détourner le regard. Les mots peinent à sortir de ta bouche. La tentation trop bruyante, si bien que tu ne t'entendrais pas toi - même. L’appel est là, une voix insistante qui martèle au fond de son crâne.

le pas pressé. sans but. déambulante dans les sales coins de boston. le bleu grisant par plaisir éphémère, poudreux, laisse l’empreinte du vice dans les rétines absentes. colmate le vide et les usures. cœur encore plus mort qu’hier, lui aussi, pulse sans vie. l’ivresse en songes d’une accalmie qui ne vient jamais. boucan fracasse l’intérieur, quand l’oubli devient addiction éternelle. j’en veux encore. sniffer jusqu’à en gerber les douleurs. plus rien avoir sous la peau, juste la chair abîmée par les excès. plus rien. plus son prénom. plus son absence. plus les messages que j’ai jamais supprimé. sachet plein froissé entre phalanges possessives. heurte le corps dans la fuite. farine déborde, explose pour tacher le bitume de son poison. -   fais chier, putain ! grogne, canines féroces qui crachent venin à la gueule. te regarde à peine, l’attention sur les dégâts éparpillés. antidote foutu en l’air. -  tu t’excuses pas ? azurs remontent enfin. saisissent obsidiennes absentes. cavale sur ta peau, dessins sur le derme collés un peu partout.

Collision qui n’a rien d’extraordinaire. Une épaule qui en accroche une autre, un froissement à peine audible. C’est le bruit du sachet qui éclate au sol qui fait tout basculer, pour toi. Chuinement étouffé de poudre qui s’éparpille dans une pluie sale. Pas besoin de regarder pour comprendre. L’odeur te monte au nez, chimique, presque cruel. La brune réagit comme si tu avais renversé l’monde. Crocs dans sa voix  t’arraches un sourire nerveux que tu ravales aussitôt.  Elle a l’air prête à te déchiqueter pour ce qu’il reste au sol. La brune a à peine le temps de t’accuser que ton regard se baisse sur le désastre : Le poison qui gît, inutile. Le manque te ronge, te crie d’te mettre à quatre pattes pour tout inhaler mais tu résistes. Ton regard remonte enfin, s’accroche. Bleu contre noir. Azur contre charbon. Tu devrais détourner le regard mais tu soutiens son regard par fierté idiote ou par curiosité malsaine. —  Pourquoi m’excuser alors que c’est déjà foutu ? Mots sortent sans réfléchir, comme un crachat. Lentement, tu t'accroupis, ramasses le petit  sachet qui colle à tes doigts. La poudre s’accroche à ta peau. Tu te redresses et le sachet vers elle sans sourire. —   C'est tout ce que t'as ?   Glisses lentement la longueur de ton index sur ta lèvre inférieure, nerveux, raclant les résidus de poudre qui y restent accrochés d'un geste instinctif :  —   Je te paie le double pour me faire pardonner ?