we want you (ji-hun)

Le téléphone coincé entre l’épaule et l’oreille, je soupire doucement. Je sais ce que je fais. Et je te rappelle que tu m’envoies vers Ji-Hun parce que, justement, je le connais et que vu le profil, ça risque de peser dans la balance dans ta faveur. Alors que, clairement, je ne suis pas la mieux placée pour l’approcher et tenter de le faire craquer. Mais mon père est persuadé que c’est peut-être parce que j’ai passé de nombreuses heures à travailler en compagnie du Coréen que j’ai un quelconque avantage. Et si ça ne marche pas, il enverra mon frère qui sera bien plus calé en chiffres et opportunités concrètes. Accessoirement, la prochaine fois que tu ne croiras pas assez en moi pour préparer des plans B et C, n’oublies qui a mis Jay dans ton viseur. Et, avec ces mots, j’appuie sur la touche de mon téléphone pour raccrocher au nez de mon père. S’il y a bien une chose que je déteste, c’est de ne pas être prise au sérieux par l’homme qui m’a élevé et qui m’a aidé à devenir la femme que je suis aujourd’hui. Il n’y a pas un jour où les enseignements de mon paternel ne me servent pas et cette interaction le montre à nouveau : on ne joue pas avec moi comme on jouerait avec une poupée en chiffon. Je suis celle qui peut faire changer le monde et je compte bien convaincre Jay de venir nous rejoindre chez Pfizer. Je ne sais pas s’il a signé quoi que ce soit ailleurs mais nos avocats trouveront la faille pour qu’il puisse se désengager sans trop de souci. Alors que je marche dans les couloirs de l’université, un large sourire se dessine sur mon visage. Bon sang, ça me manque de ne plus être ici même si j’aime ma vie en dehors de ces murs. J’y ai passé onze ans et les heures passées dans les laboratoires ne sont même pas dénombrables. L’odeur des désinfectants me chatouille les narines. Mais ce n’est pas une odeur désagréable. C’est un peu comme la Madeleine de Proust. I’m home, honey. Et lorsque j’arrive devant le laboratoire et que je vois Jay, complètement concentré dans ce qu’il fait, je prends quelques secondes pour me redresser, regarder mon reflet dans l’écran de mon cellulaire et d’attacher mes cheveux dans un chignon rapide. Autant éviter de laisser traîner mon ADN de partout. Je passe la porte et adresse un large sourire à celui que je considère comme un ami et, je l’espère, pourrais appeler collègue dans les semaines et mois à venir. Futur Docteur Hwang. Que je souffle en lui adressant un sourire. Je ne peux pas encore l’appeler Docteur mais ça ne saurait tarder. T’es en plein environnement stérile ou je peux entrer ? Que je demande en passant la tête dans la salle, sans toucher à rien. Il est encore dans le sas donc ça ne devrait pas être le cas mais qui sait, je ne veux pas compromettre ce qu’il est en train de faire. S’il le faut, j’enfilerai une blouse par dessus mon short en cuir bordeau, une paire de surchaussures sur mes Louboutin bordeau et une charlotte sur mes cheveux. Sans oublier les autres accessoires qu’il ne me tarde pas de devoir passer. Mais je le ferai. Parce que je respecte le Pforzheimer et son travail plus que tout.

We want you

Pharmaco Lab2, Harvard Medical School, Boston
afternoon, november
none

Thèse pratiquement terminée, plus qu'une relecture était à prévoir avant de l'envoyer, sa défense était prévue pour janvier. Alors Ji-hun avait accepté un dernier contrat avec l'université, son superviseur le lui avait expressément demandé parce qu'il le savait aussi motivé que passionné. Ses heures, il ne les avait jamais compté depuis qu'il avait commencé, et aujourd'hui encore il ne voyait aucun inconvénient à rester une bonne partie de la soirée. Probablement qu'il s'endormira sur le canapé de la salle de repos des employés si les résultats tardaient à arriver. Contrairement aux autres objectifs fixés, il n'allait pas travailler sur des agents infectieux potentiellement dangereux, la sécurité du laboratoire dans lequel il bossait était uniquement de niveau deux. Il y avait tout de même un sas à l'entrée qui assurait un meilleur confinement, les bureaux étaient séparés. Ce fut à la sortie de l'un des box intermédiaires qu'il fut interpellé, voix féminine qui vint s'imposer, la tête passée alors qu'il était installé sur l'un des bancs depuis une dizaine de minutes à refaire le point sur ce qu'il avait observé. Une revenante, ce fut ainsi qu'il se décida à la saluer, sourire en coin affiché dès lors qu'il n'eut aucun doute sur l'identité, ne me dis pas que l'université te manque, je ne te croirai pas. Tout du moins, pas tant que ça. Comment tu vas, il l'interrogea, lançant un signe de tête à un autre collègue qui entra - véritable fourmilière, ça ne faisait que ça. Il se redressa, un départ vers les bureaux ça annonça. Le sien était toujours au même endroit, un peu plus d'espace depuis qu'on lui avait offert un meuble plus large. Il jeta son bloc-notes sur la paperasse en tas, bien rangée, c'était probablement à son travail qu'il était le plus organisé. Et plutôt que de tourner autour du pot, il rit puis répliqua : allez, crache le morceau. Une fesse posée, bras croisés au milieu de sa cravate foncée, il finit par ajouter : qu'est-ce que tu veux ? Se montrer directe était probablement le mieux.

@Willow Pfizer & @Ji-hun Hwang
mise en page par (c) lovebug

Mon père aime me mettre au défi, il aime me pousser en dehors de ma zone de confort et même si je déteste cela, je hais encore plus de ne pas y arriver. Alors, après le Gala de mi-octobre, c’est sur le cas Ji-Hun que je me penche. Cela devrait être un peu plus facile parce que je le connais. Mais je ne sais pas si c’est assez pour pallier mon manque de connaissance dans son domaine. Personne n’est jamais la bonne personne à cent pour cent pour débaucher quelqu’un. Il y a toujours des domaines sur lesquels on pêche et d’autres dans lesquels on excelle. Si je dois lui parler de la vie aux laboratoires, je suis celle qu’il faut. Alors, c’est avec cet état d’esprit que je pénètre dans les laboratoires de l’université, la tête haute et le pas assuré. Un rictus se dessine sur mon visage quand il me qualifie de revenante. C’est de bonne guerre et réel. Je ne mets pas souvent les pieds ici depuis que j’ai quitté les bancs d’Harvard il y a plus d’un an. Pourtant, ça me manque des fois. Mais pas assez longtemps. Ce qui me manque, c’est de toujours avoir quelqu’un à porté de mains pour discuter, pour challenger mes découvertes et me faire aller plus loin dans mon raisonnement. Au labo, c’est un peu plus solitaire, ce qui me convient parfaitement sauf lorsque j’ai l’impression d’être face à un mur. Mais ça va, et toi ? J’espère le cueillir pendant un bon moment de sa vie, pendant une période où tout est beau et où mes questions ne lui ajouteront pas une dose d’angoisse supplémentaire. Bien que Ji-Hun ait toujours l’air sûr de ce qu’il fait et entreprend, je ne peux imaginer une vie si paisible pour n’importe qui. Je le suis jusqu’à son bureau et tente de me souvenir de la taille de celui qui pourrait être le sien à Pfizer. Mes yeux parcourent l’espace et sa question me prend de court. Eh bien, prendre de tes nouvelles. Que je souffle tout simplement. C’est vrai, mais une partie infime de la réalité. Et voir ce que tu avais prévu pour l’année prochaine. Une candidat comme toi sur le marché du travail, ça ne passe pas inaperçu. Encore moins quand il s’agit de l’un de mes amis et que je connais son éthique de travail. Nous avons besoin de plus de Ji-Hun si nous souhaitons changer le monde comme il se doit.

We want you

Pharmaco Lab2, Harvard Medical School, Boston
afternoon, november
mention suspicion homicide volontaire, décès

L'université semblait parfois manquer à Willow, mais Ji-hun était persuadé qu'elle avait bien des dossiers à terminer sur le dos pour se trouver un moment propice à faire une simple balade dans l'un de ses anciens labos. Il s'assura alors que tout allait bien de son côté, et la question lui fut retournée. Est-ce qu'il devait mentir ou bien dire la vérité ? Il avait enchaîné les moments difficiles depuis la rentrée, notamment à cause de son papa qui était décédé - qu'on avait osé tuer. Il en était persuadé mais les autorités du sud de la Corée avaient très vite clos le dossier. Après quoi le mental avait été au plus bas, est-ce qu'il devait la mettre dans la confidence de tout ça ? Il se leva du banc sur lequel il s'était installé afin de prendre des notes sur ce qu'il avait pu remarquer. Incapable de mentir, il ne répondit pas mais ne montra pas que quelque chose n'allait pas. Il écrivit quelques mots supplémentaires avant de poser le bloc-notes sur le reste de ses affaires, bien rangées sur le bureau qu'on lui avait assigné jusqu'à ce qu'il finisse ce contrat qui sera le dernier. Fessier à moitié posé sur le coin du meuble qu'on lui avait changé, bras croisés sur le poitrail qu'il continuait à travailler, séances de sport qui lui permettaient de tout évacuer, une question sortit de ses lèvres bien formées, où une seule cicatrice venue du passé comptait pour aspérité ; on y venait, au sujet. Tu veux dire qu'on ne t'a pas prévenue, il demanda, taquin, le nord-coréen, que je n'étais d'ores et déjà plus candidat. Le marché du travail ne l'y trouvera pas, sur son profil, une entreprise du New Jersey avait déjà mis le doigt et lui avait proposé un contrat qui ne se refusait pas. Je déménage dans quelques mois, une fois que j'aurais terminé... tout ça, il l'informa, terminant sa phrase en regardant le gros dossier qu'on lui confiait - voilà les nouvelles qui le concernaient, tu fais bien de me rendre visite maintenant, ce sera plus compliqué après. Il lui sourit, car ça lui faisait plaisir de la revoir aussi, ils ne comptaient plus le nombre d'heures passées ensemble ici. Tu travailles sur quel(s) projet(s) en ce moment, il s'intéressa, parce qu'il en avait terminé avec ce qu'il deviendra. Le(s) même(s) ou il y avait du changement ?

@Willow Pfizer & @Ji-hun Hwang
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Ji-Hun est perspicace et bien trop intelligent pour son propre bien. Je le sais, que je ne vais pas réussir à le duper mais si j’arrive à nous gagner quelques minutes de paix, je le fais. La simplicité de ses mots me fait quelque chose, je dois l’avouer. Et je pense aussi à sa petite amie. Va-t-elle quitter Boston pour le suivre ou est-ce que tout cela sera la fin de leur histoire ? C’est la curieuse en moi qui est en train de pointer le bout de son nez mais je ne suis pas légitime à poser ces questions. Je le suis à peine à les utiliser comme poids pour le faire rester ici. Qui dit que ce sera plus compliqué ? Le New Jersey n’est pas la Californie ou la Corée du Nord. Bien que, l’avantage d’être une Pfizer reste quand même d’avoir accès à un palmarès de moyens de locomotions rapides et privés. Toujours la même chose. La recherche contre le cancer du sein. Que je souffle rapidement. Mon cheval de bataille, la cause pour laquelle je ne cesserai jamais de me battre. Mais là, je suis en pleine phase de culture alors… C’est un peu long mais c’est nécessaire. Il faut voir si tout se passe comme on le souhaite, si les médicaments approuvés par les Autorités de Santé ont l’effet escompté. Quelques déceptions récentes mais c’est le lot de la recherche. On recherche littéralement une aiguille dans un botte de foin. Mais parce qu’il est impossible de le faire au milieu d’un champ, on trouve des outils pour nous aider. La radiothérapie, la chimiothérapie, les médicaments. Mais il faut essayer tellement de mélange et de paramétrage que c’est long, difficile quand on pensait avoir trouvé la foutue aiguille - enfin, le crabe dans ce cas - mais qu’il ne s’agissait que d’une illusion. Les déceptions sont quotidiennes mais la récompense d’un sourire ou d’un coup d'œil de la part d’un malade vaut tout l’or du monde. C’est d’ailleurs pour cela que je continue toujours à aller à l’hôpital dès que j’en ai l’occasion. J’ai besoin de ça, de ce lien avec les gens, de cette réalité et de ne pas oublier ce pour quoi - et qui - je me bats. Le New Jersey, c’est définitif ? Juste histoire de savoir quelle approche je dois emprunter. Tu sais que tout ce qu’ils t’offrent, Pfizer peut le doubler. D’un point de vue salarial mais je sais que ce n’est pas la seule motivation de Jay. À moins qu’il ait changé du tout au tout mais ça, j’ai du mal à y croire. Vraiment beaucoup de mal à y croire…

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Pharmaco Lab2, Harvard Medical School, Boston
afternoon, 25th November
none

Ji-hun aurait pu se douter de la réponse que Willow allait donner. Tous deux avaient cette même façon de travailler, de ne jamais laisser de côté le sujet qu'ils avaient commencé à étudier, ils voulaient coûte que coûte le solutionner, même si ça pouvait être compliqué. Les problèmes que la jeune femme cita il les connaissait, rencontrait des déceptions, des aléas, mais toujours il avançait, parce qu'il gardait en tête ce pour quoi il avait débuté, ce pour qui il s'était engagé. Le visage de sa sœur lui apparaissait à chaque fois qu'il s'était trompé, et quand il ne pourra plus s'en rappeler, dû au temps écoulé sans jamais l'avoir retrouvée ? D'autres sauront s'inviter pour que jamais il ne puisse oublier ce pour quel métier il était destiné. Est-ce que je dois te rappeler les coupures d'électricité, un sourire bien plus large affiché ; celles qui venaient s'immiscer de temps en temps en fin de soirée, quand les machines avaient presque fini de tourner, obligeant à tout recommencer, à allonger de quelques heures supplémentaires la journée. Ça, ça ne doit pas te manquer, osa-t-il supposer que chez Pfizer, les problèmes de ce genre ne déboulaient pas à toute heure. Exceptionnels, mais peut-être l'infirmera la demoiselle ? Et puis, les y voilà, à parler de ça. Du New Jersey qui lui avait ouvert les bras. Il acquiesça, le faciès ne mentit pas. Rien à voir avec la proposition d'un stage ou d'un post-doctorat, il l'informa de la réalité du contrat, je suis pré affecté à une équipe pour fin avril. S'il faisait ses preuves durant ses premières années d'engagement, il pourra d'autant plus approfondir ses recherches les temps suivants, un petit groupe lui sera dédié, un laboratoire à moitié, histoire qu'il puisse avancer sur le sujet traité. Souffle échappé à la proposition répétée, il n'hésita pas à lui rappeler : je sais oui, il me semble qu'on m'en a déjà informé. De cette possibilité de voir son salaire doublé, ce qui pourrait tout changer face à Monsieur Arnault et la maigre estime qu'il pouvait lui porter. Pourtant, ce ne sera jamais ce qui pourra le décider. Quand d'autres auraient sauté sur l'occasion, lui ne voyait que son ambition, l'envie d'être reconnu comme le meilleur dans son domaine, diriger était une tâche qui coulait dans ses veines, sur le long terme, il savait que le centre n'y verrait pas de problèmes. Pfizer n'avait rien à envier, mais leurs grandes lignes n'avaient rien à voir avec sa spécialité. Il fixa son amie, s'était déjà douté de la raison qui l'avait menée jusqu'ici, et il lui sourit. C'est gentil, il dit - de penser à lui. J'ai bien remarqué que vous développiez cette branche qu'est la recherche autour du système nerveux en ce moment, fit-il référence à des articles qu'il avait lu récemment, je vous souhaite d'y arriver. Ne manquait certainement plus qu'à promouvoir un chef d'équipe sur d'autres projets à développer. Pas le plus facile quand un mauvais choix pouvait mener à une mauvaise publicité.

@Willow Pfizer & @Ji-hun Hwang
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