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De toute évidence, elle n’était pas le public cible pour cette soirée d’ouverture de l’exposition. Elle se félicite d’avoir choisi une tenue sobre : petite robe noir, talon de la même couleur. C’est classe mais ça reste passe partout, l’équivalent d’une chemise et d’un jean pour les hommes. Elle avance de quelques pas quand un homme lui propose un verre de champagne, enfin plus exactement un simple vin pétillant dans un verre en plastique, elle sourit, elle grogne intérieurement aussi à la fois contre ce faux champagne mal servi et contre son propre goût pour le luxe qui lui fait penser cela alors qu’elle devrait simplement se contenter de contempler les peintures. L’homme au gobelet s’éloigne et elle prend le temps d’observer les gens, comme elle le fait toujours. La plupart ont l’air d’être des initiés, une majorité d'hommes même si il y aussi quelques femmes. L’artiste est au milieu d’un petit groupe, il semble encerclé, comme quoi peu de fan mais de très bon c’est cool aussi. Elle décide qu’elle essaiera d’aller lui parler plus tard, elle est clairement venue dans l’objectif d’acheter une toile mais elle aimerait savoir ce qu’elle représente avant de sortir son chéquier.
En attendant, elle s’écarte un peu du groupe, contemplant une toile où un jeu d’ombres grise met en valeur le reflet du soleil sur une mer agitée. Elle reste quelques secondes comme ça autant face à ce tableau que face à elle-même. Que fuit-elle constamment pour se retrouver seule ici à acheter une peinture qui couvrira le mur d’une pièce dont personne ou presque ne connaît l’existence ? Même ses clients n’auront pas la vue sur ce second tableau de l’artiste à moins qu’elle ne l’échange avec le premier qui est toujours placé juste derrière elle face à la caméra. Elle n’a pas besoin de sa main entière pour compter le nombre de gens qui l’ont remarqué de toute façon. Pourquoi est-ce qu’elle a autant de mal à accepter d’acheter quelque chose juste pour elle ? Un rare objet qui n’est pas là pour être montré au monde à la manière de ses vêtements, des meubles design de son appartement, de son maquillage et de tout le reste. Si ce n’était pas complètement interdit, elle caressait l'œuvre du bout des doigts, juste pour sentir la rugosité de la peinture, les différentes textures. Parfois elle regrette de ne plus être une enfant à qui on pardonnerait ce type d’écart même si son père n’aurait jamais accepté ce genre de chose venant de la petite qu’elle était.
Elle se reconnecte finalement à la réalité, à la galerie, aux passionnés, aux petits fours qui passent sur un plateau juste devant et qu’elle refuse poliment quand on lui propose d’en goûter un. Elle regrette presque en les voyant s’éloigner dans les mains du serveur, elle aurait peut-être dû en goûter juste un en priant pour ne pas y revenir encore et encore comme ça lui arrivait souvent avec ce genre de petite chose salée. En se retournant pour voir les œuvres derrière elle, elle remarque un homme qui l’observe discrètement à l’écart du groupe. Avant qu’elle n’ait le temps de lui sourire, il baisse les yeux timidement. La soirée suit son cours et elle recroise plusieurs fois ce regard qui l’a marquée au début sans comprendre qu’elle lui est familière même si lui est un parfait inconnu. Finalement, elle saute sur l’occasion en le voyant regarder un tableau, elle s’approche à pas feutré et vient se placer à côté de lui sans être trop proche pour ne pas le mettre mal à l’aise. “Je crois que ça représente un bateau mais…” Elle fait la moue et détourne le regard du tableau pour se concentrer sur lui. “J’en suis pas vraiment sûre.” Un petit rire s’échappe de ses lèvres,de ceux qu’elle ne contrôle pas vraiment. “Je pense qu’on est les deux plus jeunes personnes ici alors on va être obligé de se serrer les coudes un peu”. Elle murmure, un sourire accroché à ses lèvres, la salle un peu moins vide maintenant qu’elle a trouvé un peu de compagnie.
En attendant, elle s’écarte un peu du groupe, contemplant une toile où un jeu d’ombres grise met en valeur le reflet du soleil sur une mer agitée. Elle reste quelques secondes comme ça autant face à ce tableau que face à elle-même. Que fuit-elle constamment pour se retrouver seule ici à acheter une peinture qui couvrira le mur d’une pièce dont personne ou presque ne connaît l’existence ? Même ses clients n’auront pas la vue sur ce second tableau de l’artiste à moins qu’elle ne l’échange avec le premier qui est toujours placé juste derrière elle face à la caméra. Elle n’a pas besoin de sa main entière pour compter le nombre de gens qui l’ont remarqué de toute façon. Pourquoi est-ce qu’elle a autant de mal à accepter d’acheter quelque chose juste pour elle ? Un rare objet qui n’est pas là pour être montré au monde à la manière de ses vêtements, des meubles design de son appartement, de son maquillage et de tout le reste. Si ce n’était pas complètement interdit, elle caressait l'œuvre du bout des doigts, juste pour sentir la rugosité de la peinture, les différentes textures. Parfois elle regrette de ne plus être une enfant à qui on pardonnerait ce type d’écart même si son père n’aurait jamais accepté ce genre de chose venant de la petite qu’elle était.
Elle se reconnecte finalement à la réalité, à la galerie, aux passionnés, aux petits fours qui passent sur un plateau juste devant et qu’elle refuse poliment quand on lui propose d’en goûter un. Elle regrette presque en les voyant s’éloigner dans les mains du serveur, elle aurait peut-être dû en goûter juste un en priant pour ne pas y revenir encore et encore comme ça lui arrivait souvent avec ce genre de petite chose salée. En se retournant pour voir les œuvres derrière elle, elle remarque un homme qui l’observe discrètement à l’écart du groupe. Avant qu’elle n’ait le temps de lui sourire, il baisse les yeux timidement. La soirée suit son cours et elle recroise plusieurs fois ce regard qui l’a marquée au début sans comprendre qu’elle lui est familière même si lui est un parfait inconnu. Finalement, elle saute sur l’occasion en le voyant regarder un tableau, elle s’approche à pas feutré et vient se placer à côté de lui sans être trop proche pour ne pas le mettre mal à l’aise. “Je crois que ça représente un bateau mais…” Elle fait la moue et détourne le regard du tableau pour se concentrer sur lui. “J’en suis pas vraiment sûre.” Un petit rire s’échappe de ses lèvres,de ceux qu’elle ne contrôle pas vraiment. “Je pense qu’on est les deux plus jeunes personnes ici alors on va être obligé de se serrer les coudes un peu”. Elle murmure, un sourire accroché à ses lèvres, la salle un peu moins vide maintenant qu’elle a trouvé un peu de compagnie.
(Isabella Harper)