where nobody hides ─ Brice

Beaucoup ne reconnaissent pas Ace dans son comportement, depuis l'article de Veritas ─ ou plutôt, ils revoient celui d'avant, mais en pire. Une version plus exacerbée, plus agressive et rancunière. Ils sont tous coupables à ses yeux, et même s'il apprécie Cassie et Brinley, elles aussi sont la cible de sa mauvaise humeur. Mais... différemment. Parce qu'il n'est pas en colère. Le lien renforcé entre lui et la Morelli, depuis qu'elle l'avait retrouvé dans le cimetière, laisse un arrière-goût amer chez Ace qui voit encore sa relation avec Rose et Amore s'effriter entre ses doigts. Et peut-être que c'est mieux de faire partir Brinley aussi. Invitée pour discuter, faire le point sur son état et la situation. Elle est là, assise sur le canapé, et il dépose devant elle un verre, alors qu'il prend place à côté avec un soupir. « Ça t'fait pas chier d'avoir constamment le cul entre deux chaises ? T'as tes problèmes à gérer, aussi. » qu'il lui lance en portant son propre verre à ses lèvres. Juste de l'eau. Une fois sur deux tu rentres défoncé.

Ace m'avait convoqué chez lui. Enfin le mot convocation était pas vraiment le synonyme adéquat, fallait qu'on parle tout court. Lui et moi. Et par message c'était vraiment différent qu'en face, notre relation avait évolué en vitesse V depuis que j'avais été spectatrice de cette crise. J'avais pris place sur son canapé, jambe que je croisais sur l'autre alors qu'il revenait au salon avec deux verres. Le mien il le déposait devant moi, tandis qu'il venait s'installer à côté. Ce que j'appréciais chez lui c'était son franc parler, il passait pas par mille et un chemins pour dire ce qu'il pensait. — Ça te préoccupes toujours autant que je sois coincée comme un sandwich ? On en avait déjà parlé mais je crois qu'il arrivait pas à concevoir ce que j'étais en train de faire. Probablement parce que ça concernait Rose, moi et Amore. Surtout. Parce que je défendais l'ennemi pour des raisons totalement obscures si on analysait ça d'un point de vue extérieur. Je prenais le verre pour boire quelques gorgées. — Les miens sont en stand-by ou c'est pas le même niveau d'importance. Si on veut, d'une certaine façon. Ou pas mais il était pas obligé de le savoir.

Le verre aux lèvres, il boit quelques gorgées, l'écoutant sans la regarder. Évidemment que ça le préoccupe de la savoir dans cette position. Puis il profite que ce soit à son tour de boire pour poser son verre et répondre. « C'est ta famille, et quand j'vois le traitement que Rose a eu la fois d'avant... ouais. » Amore qui l'ignore pendant des jours, refuse de la voir, se distancie... Il l'avait isolée, à ce moment là. Il tourne la tête, regarde Brinley pensivement, et finit par se tourner légèrement sur le canapé pour lui faire face et la regarder droit dans les yeux. « T'es pas responsable de moi, Brinley. t'as pas à t'occuper de moi, me materner ou m'prendre en pitié après ce que t'as vu. Ouais ok c'était une vision pitoyable... » Il hausse les épaules, voulant afficher un air d'indifférence. « Mais c'est ma vie. T'as pas à faire les frais d'mes conneries, ni à m'défendre. D'autant que... » Il inspire ; puis soupire. « C'est pas comme si j'étais pas le connard décrit par Veritas. »

Faut pas croire que ça a toujours été comme ça entre mes cousins et moi. Si de base on s'entendait bien et que nous étions proches, ces derniers mois avaient été plus que mouvementés. Lien qui était maintenant en dents de scie avec chacun d'eux, pour différentes raisons. — C'est Amore qui t'inquiète le plus j'me trompe ? Je pouvais lire entre les lignes et entre les deux c'est mon cousin le plus impulsif. J'avais déjà eu droit au fait qu'il regrettait d'avoir pris ma défense face à Andréa à l'époque - avant de revenir sur cette pensée. Ace se tournait pour me faire face, plantant ses yeux dans les miens. Je le laissais déverser ce qu'il pensait, cette position le faisait royalement chier à coup sûr. — Parce que jusque-là je t'ai materné ? Non. J'te prends en pitié ? Non plus. Je t'ai promis que je dirais rien sur tes problèmes psychologiques ou sur ce que j'ai vu. Et j'crois que j'ai bien tenu parole. Je replaçais une mèche de mes cheveux derrière mon oreille pour dégager mon visage. — Je cautionne pas les réactions d'Amore et il sait très bien comment j'suis. C'est vrai que la violence ça règle tout. Un coup de poing et coup de pied, tout est réglé ? Nan. J'vais pas m'excuser de pas partager l'avis de vous deux à ce sujet. Et je te demande pas de comprendre mon point de vue. Je repensais à la vidéo où Lyssandre se faisait huer de coups et à cette haine que mon cousin éprouvait vis-à-vis d'Ace. — C'est quoi la vraie version ? Tu t'es vraiment tapé une autre fille pendant que t'étais avec Rose ? Et me mens pas. Si je l'avais laissé tranquille avec cette histoire, fallait bien qu'on en parle à un moment ou un autre.

Ace fronce les sourcils. À quel moment a-t-il donné l'impression que seuls les poings peuvent régler le problème ? Il n'approuve pas ─ même s'il est sanguin, il sait bien que ce n'est pas la solution, surtout quand ça implique d'autres personne. Mais il avoue être peut-être trop habitué à ce que la violence soit dirigée contre lui, aussi. Puis elle aborde le sujet épineux de la tromperie. Le fameux mystère. Ace soupire et s'enfonce dans le canapé, glissant jusqu'à avoir la tête posée dessus, le nez vers le plafond. « J'ai... » Dire la vérité ? Mentir ? C'est quoi la solution au problème ? Ça le gonfle. « ... pas couché avec Fallon. » Pas trompé. Vraiment ? « Mais j'ai flirté. J'avais envie d'elle. Pour me venger, parce que dans ma tête, j'étais persuadé que Rose était retournée vers l'autre. Ou qu'elle me cachait des trucs à son égard. Genre, il est sa roue de secours, ou elle se le tape dans mon dos. » Son visage se relève pour qu'il se gratte l'arrière de la tête. « C'est ce qui m'a fait prendre conscience que j'suis pas... apte à pouvoir tenir une relation de ce genre. L'fait que je sois capable de potentiellement la tromper, sur un coup d'tête. Parce que j'me fais des films, et que j'suis en colère. » Le regard se pose sur Brinley. « Pathétique, hein ? »

Peut-être que j'aurais dû ne rien dire tout compte fait et laisser Amore régler ce qu'il avait à régler avec Ace, sans que ça implique un tiers de personne. J'avais pas le contrôle sur ce qu'il pouvait faire, ni sur ses agissements, ni sur les répercussions. J'avais essayé de retourner la situation dans ma tête sous tous les angles, d'analyser ça d'un autre oeil. Question lancée, je le sentais être inconfortable. Il se laissait glisser dans le canapé, regard qui m'évitait pour regarder ailleurs. Autre gorgée d'eau, je posais le verre sur la table basse devant moi avant de me retourner vers lui. Vérité qui sortait de sa bouche, il me confessait tout. Du moins, en ce qui concernait cette fille. J'avais enfin l'autre côté de la médaille mais est-ce qu'il me disait tout ?— T'es vraiment un abruti. Du moment où le mot exclusivité était prononcé, flirter, embrasser ou coucher c'était de la tromperie. Et le fait qu'il ait eu envie d'elle.. ouais, moi je considérais ça comme de la tromperie. Pendant un laps de temps il avait oublié Rose. — T'sais qu'elle a jamais douté de toi elle ? C'est plutôt d'elle-même qu'elle doutait, avec son passif. Elle avait peur de recréer le même schéma. Ace savait de quoi je parlais, je lui apprenais rien. Je hochais la tête. — Tu veux savoir ce que je trouve pathétique ? C'est que tu sois encore là en train de me parler. Va lui dire ça à elle, tout ce que tu viens de me dire. Bouge ton boule ouais. — Tu te rends pas compte à quel point.. le mensonge est pire qu'une vérité. J'étais en plein dedans avec Marcus. — Pourquoi t'es en colère ? demandais-je, finalement.

T'es vraiment un abruti. Le visage d'Ace se détourne à nouveau, et il regarde encore le plafond un instant ; mais plus elle parle, plus il a du mal à encaisser, alors il ferme les yeux, jusqu'à ce que la question le fasse bondir hors du canapé. Il fait quelques pas, l'esprit agité maintenant. « Pourquoi j'suis en colère ? » Il se retourne, regard Brinley, puis refait quelques pas en essayant de trouver un point de départ à ce qu'il veut lui répondre. « Je... j'en sais rien Brinley ! » Il fait volte face pour la regarder, désigne la porte dans un geste brusque. « Le monde entier me fout en colère ! J'suis en colère parce que j'arrive pas à faire confiance à Rose, j'suis en colère parce que j'me fais pas confiance moi-même, en colère parce que Fallon m'dit qu'elle m'aime bien et que mon pote est amouraché d'elle et que j'me retrouve au milieu d'ces histoires et j'fous la merde juste par ma simple présence ; j'suis en colère parce que je sais pas qui est ce tocard dans l'ombre de Rose, et parce qu'Amore m'a retourné le crâne en m'disant que c'était ptet possible qu'elle me trompe pour ensuite m'dire l'inverse ; en colère parce que Neriah veut absolument m'aider et cherche à tout prix à établir un lien avec moi que j'sais même pas si j'suis capable de le faire ; en colère parce que j'ai mon connard de père qui rôde et doit attendre le moment où j'touche le fond pour venir me récupérer et s'poser en héros, en m'arrachant à ma vie d'ici ; en colère parce que tous les gens à qui je parle ou que je fréquente finissent irrémédiablement blessés, par moi ou un autre, à cause d'une connerie que j'ai faite ; » Il reprend sa respiration, complètement agité dans sa colère, « en colère contre Lyssandre parce que cet abruti refuse de m'croire quand je dis que le vingt-cinq, j'étais pas dispo, et qu'il est convaincu que j'l'ai ignoré toute la journée alors que j'étais juste dans mon putain de délire paranoïaque à imaginer j'sais même plus quoi ; j'suis en colère parce que je comprends rien de ce qui m'arrive, de ce qui arrive aux autres, et j'sais pas prendre soin des gens, tout comme je sais pas prendre soin de moi-même ! En colère parce que mon connard de psy semble pas me croire quand j'parle de mes soucis, en colère parce que je dois constamment me justifier, m'expliquer, parce que j'suis pas fiable et qu'on me fait pas confiance ! » Avec un ultime haussement d'épaule, il lève les bras, qui claquent ensuite sur ses cuisses en retombant. Puis ses mains se posent sur ses hanches, et il regarde vers la porte. « J'suis en colère, parce qu'avant l'arrivée de Rose dans ma vie, j'étais salement seul, mais j'avais moins de problèmes. J'avais envie d'rien. Et que maintenant qu'elle est là, j'me retrouver à espérer obtenir des choses, que j'sais pourtant pas mériter, ou incapable de protéger. » Est-ce que ça le soulage, de pester ainsi ? Non, pas vraiment. La boule dans le ventre, dans la gorge. « Et j'suis en colère, parce que j'me suis jamais senti aussi seul que d'puis que j'ai fait rentrer plein d'gens dans ma vie. » Le regard sur Brinley, enfin. « J'suis juste... tout le temps en colère. Et j'sais pas quoi en faire. »