Good night ─ Cace #5

Fissure colmatée. Ace souriait, la rejoignit même dans son rire alors qu'elle le taquinait. L'attitude était détendue, la gestuelle accompagnait son sentiment d'aise. Comme deux amis qui s'entraident, se relèvent l'un et l'autre, se tirent vers le haut. Il en avait besoin, de ce sentiment. De partager de l'affection avec une personne qui n'attendait rien de lui, et dont il n'attendait rien non plus. Ils se donnaient naturellement l'un à l'autre, s'écoutaient et s'aidaient sans y réfléchir, sans même hésiter. C'était... naturel. Et ça faisait du bien, de se dire qu'il pouvait avoir une amitié sans condition. Et même s'il était facile d'imaginer qu'avec quelques tensions et les questions de ce soir, ils pouvaient être amenés à déraper, l'idée n'effleurait même pas l'esprit d'Ace. Le songe n'existait pas. Cassie, c'était Cassie. Même lorsqu'elle le regardait avec ce sourire et qu'ils se regardaient pendant de longues secondes, il vivait cet échange comme on apprécie les premiers rayons de soleil au printemps. On ne tombe pas amoureux du soleil pour sa lumière. C'était pareil. Ace se redressa, retirant son poing contre sa tête, laissant son bras retomber mollement avec un soupir, mais sans perdre de son sourire. « Et toi aussi t'as le droit à l'erreur. Et j'pense, en un sens, que tu donnes aussi un peu exemple. J'ai même envie d'te dire... peut-être que t'es plus chanceuse que lui. » Se penchant en avant, les coudes se posant sur ses genoux, il regarda la rivière sombre, songeur. « Landon a été la cible d'une rumeur dégueulasse à cause de mon... de notre entraînement. Mais peut-être que lui n'a pas la chance que toi et moi on a de pouvoir parler comme on l'fait. » Il tourna la tête vers elle. « Ce qu'on a, toi et moi, c'est assez rare, en vrai. Et là d'ssus, je nous trouve chanceux. Je pense qu'il faut pas l'oublier. » Deux amis capables de parler à coeur ouvert comme ils le faisaient, s'écouter, se conseiller et se tirer vers le haut, pour terminer avec des rires et des sourires, c'était d'une rareté déconcertante. En tout cas, du point de vue d'Ace, c'était la première fois qu'il vivait ça ainsi.

tw : alcool

Cassie resta silencieuse un instant, absorbant les mots d'Ace avec une certaine gravité. Il avait raison, ce qu'ils avaient était rare, précieux même. Une amitié si dénuée de sous-entendus, de complications, juste la transparence et la confiance brute. Elle sourit doucement, consciente de la chance qu'ils avaient tous les deux de pouvoir se parler ainsi, sans se juger, sans pression. Elle croisa les bras, s'appuyant un peu plus contre le dossier du banc, ses yeux glissant vers la rivière sombre qui s'étendait devant eux. « Ouais, t’as raison. C'est rare. Et t'as raison sur Landon aussi. Peut-être qu'il n'a pas ce genre de relation avec qui que ce soit d'autre. » Elle réfléchit un moment, le regard perdu dans l'obscurité. « Peut-être que je devrais lui offrir ça... » Elle tourna ensuite son visage vers lui, plus sérieuse. « Tu veux pas aller boire quelque chose ? » Elle haussa les épaules, un peu songeuse. « J’ai pas encore envie de rentrer. » Un sourire doux étira à nouveau ses lèvres. « Vaut mieux que je sois avec toi, que toute seule non ? » Elle sourit, son regard restait lumineux.

@Ace Chung

« Boire ? » Il jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule, en direction du bar. Les mots de Rose lui restaient en tête ; une fois sur deux, tu reviens complètement défoncé. Il hésita, et un sourire désolé se peignit sur ses lèvres. « Non, sans façon. » Il inspira, puis s'exprima dans un soupir. « J'ai quelques soucis avec l'alcool en ce moment. Par contre, j'peux y manger ou me prendre un truc style coca. » Il se leva, et l'invita à le suite en direction du bar, s'étirant au passage. « Allez, viens ! Ce s'ra ma tournée en plus, alors profite. » Malgré l'attitude qu'il voulait afficher comme étant détendue, l'idée d'entrer dans un bar et se trouver à proximité de l'alcool le rendait quelque peu incertain et hésitant. Lui n'avait pas pensé rentrer dans de tels états, n'avait même pas fait attention à la régularité, et c'était peut-être justement deux problèmes, non ? Deux preuves qu'il y en avait un plus gros. Et juste avant d'entrer à l'intérieur, il lançait un regard à Cassie. « J'compte sur toi pour m'arrêter, quitte à m'taper, si jamais je cède, ok ? »

tw : alcool

Cassie hocha la tête, un sourire en coin, à la fois amusée et sérieuse. « T'inquiète, j'ai une bonne droite, » répondit-elle, mimant un crochet de boxe dans le vide pour détendre l’atmosphère. Mais au fond, elle savait que c’était un sujet délicat. La demande d’Ace n’était pas une simple boutade ; c’était une reconnaissance de ses faiblesses, un appel à l’aide voilé. Elle le suivit à l’intérieur, les épaules un peu plus raides que d’habitude, consciente du poids de ce qu’il venait de lui demander. Dans les néons tamisés du bar, l’odeur familière de l’alcool et des rires bruyants envahissait l’espace. Cassie pouvait sentir la tension chez Ace. Ils prirent place au comptoir, et elle s’assit à ses côtés, laissant son regard vagabonder un instant sur les bouteilles alignées derrière le barman. « Coca pour lui, et… » Elle fit mine de réfléchir. « Un jus d’orange pour moi. » Son choix sobre était délibéré, une façon subtile de l’encourager sans en faire des caisses. Cassie n’était pas là pour juger ou lui faire la morale. Elle était là pour le soutenir, dans cette bataille invisible qu’il menait. « Ça va aller, » lui souffla-t-elle doucement, sans tourner la tête vers lui, mais les mots pleins de sincérité. Ca leur était destiné à tous les deux. « Et deux assiettes de frites aussi ! » Leurs boissons arrivèrent, et elle leva son verre de jus d’orange, un sourire complice aux lèvres. « À nous, et à toutes les fois où je vais devoir te taper dessus pour te remettre sur le droit chemin. » Leur frites arrivèrent. Elle savait qu’elle n’allait pas tarder, mais prolonger cette soirée, même de quelques minutes, en compagnie de Ace lui faisait du bien.

@Ace Chung

Ça va aller. Des mots qui l'ont fait sourire et l'ont rassuré, sur le moment. Les verres levés, ils trinquent sans alcool, mais avec le sourire, et l'envie d'aller de l'avant. « À toutes les belles gamelles qui nous attendent et les conneries qu'on assumera tant bien qu'mal ! » Une belle phrase, belle ironie du sort. Les frites arrivaient, et Ace piochait déjà dedans avec le sourire. Quelques unes partirent, mais rapidement, son téléphone attira son attention quand la vibration d'une notification le fit soupirer. Veritas. Encore. Quelle dinguerie cette fois-ci ?
Ç'aurait pu être des trucs stupides et inutiles comme les fois d'avant, mais pas cette fois. Pas cet article, dont il était la première cible. Ni bonjour, ni merde, son nom était affichée d'entrée de jeu, et suivi de vérités. C'était probablement ça le pire ─ quoiqu'un peu déformées pour satisfaire la narration. Mais ça, c'était du détail parce que l'essentiel était là. On exposait son expérience avec Lyssandre, un secret entre les deux hommes dont Ace ne voulait même plus parler ; Fallon, avec qui il s'était effectivement retrouvé dans le carré VIP, et où ça avait manqué de déraper. Mais qui l'avait vu ? Qui l'avait observé ? Je suis partout. Un frisson, une sueur froide, et la peur au ventre ; les pupilles se dilataient, et il se demandait si c'était dans sa tête. Tu ne peux pas me fuir. La respiration forte, le regard fixé sur le vide devant lui, ne percevant même pas la panique qui s'installait progressivement sur son visage. Où es-tu, Ace ? Voix féminine, seule, isolée ; Ace se retourna brusquement sur son tabouret, les pieds revenant au sol, et chercha du regard la source de la voix. « Omma ? » Non, non, c'était pas elle. « Non... » Il lança un regard vers Cassie, et c'était évident que quelque chose clochait. Sa vision semblait se flouter un peu par intermittence, et il ne parvenait plus à garder son regard immobile ; quand du coin de l'oeil il vit certaines chaussures. Un sursaut léger le prit, il levait les yeux, mais il n'y avait rien. Ace... « Omma... ! » Ça lui revenait. Il faisait nuit, au moment de l'accident. C'était pas très loin d'ici. Je te suivrai partout. Et cette voix masculine qui le hantait ; le téléphone glissant de la main, la terreur écrite sur le visage alors que son regard balayait la salle, Ace fit un pas en arrière. Juste un seul, et le bruit de son téléphone touchant le sol le fit violemment sursauter. Et il détala ; sans crier garde, sans explication, sans avoir même conscience de sa propre panique alors qu'il ne pensait qu'à une chose. Fuir loin de ces chaussures, loin de la voix, loin de la nuit, des gens, des traîtres, des menteurs ; de violents coups d'épaules donnés pour sortir, il se rua à l'extérieur et s'enfuit, traversant toute l'avenue en courant, traversant les routes sans regarder, avec l'illusion de mains prêtes à l'attraper dans son dos, et que chaque regard, chaque souffle vivant, l'espionnait et l'accusait.

tw : alcool

Cassie resta pétrifiée pendant une seconde, tandis qu'elle observait Ace, totalement figé et pris dans une panique qu'elle ne comprenait pas encore. La transformation fut brutale, presque surréaliste, comme si son esprit venait d'être happé par quelque chose d'invisible et d'incontrôlable. Son nom à peine murmuré, « Omma... » l’avait glacée. Elle savait qu'Ace avait ses démons, mais ce qu’elle voyait là, c’était autre chose. Quelque chose de plus profond, de plus sombre. Elle ne l’avait jamais vu dans cet état. Lorsqu’il fit tomber son téléphone et se retourna brusquement, elle se redressa d’instinct, les muscles tendus, prête à agir. Elle n’avait pas eu le temps de comprendre qu’il était déjà en train de s’échapper, de fuir. « Ace ! » Son cri resta suspendu dans l’air, impuissant, tandis qu'il dévalait à toute allure hors du bar, son corps désordonné heurtant des tables, bousculant les gens sans ménagement. Cassie se précipita derrière lui, le cœur battant à toute vitesse. Elle slaloma entre les chaises, attrapant son sac en courant, et s’élança à sa poursuite. La nuit dehors était fraîche, mais elle sentait à peine le vent. Ses yeux cherchaient frénétiquement dans la rue, mais Ace était déjà loin, une silhouette floue au milieu de la circulation, des voitures qui klaxonnaient en vain, des passants qui regardaient sans comprendre. « Merde ! » Elle jura, augmentant la cadence, courant aussi vite que ses jambes pouvaient la porter. Le chaos d’Ace résonnait en elle. Il n’était pas question qu’elle le laisse seul dans cet état. Pas ce soir. Pas après tout ce qu'ils s'étaient promis. Les souvenirs de leurs discussions lui revinrent en rafale, leurs échanges sur les erreurs, les combats, les promesses faites sans mots, mais aussi l’amitié sincère qui les liait. Ce qu’il vivait maintenant était bien plus effrayant que tout ce qu’ils avaient abordé, et elle savait qu’il n’avait jamais voulu qu’elle le voie ainsi, aussi vulnérable, aussi brisé. Elle traversa la rue sans regarder, les phares des voitures lui frôlant la peau tandis qu’elle hurlait encore, désespérément : « ACE ! ARRÊTE ! » Elle le perdit de vue. Tentant de courir encore devant elle à sa recherche, elle trébucha, s’écorchant le pantalon, légère trace de sang qui apparut. Douleur à la cheville gauche, elle resta au sol quelques instants. Le temps de comprendre qu’elle l’avait perdu et qu’il ne lui restait que son téléphone. Ne sachant pas trop quoi en faire, elle se releva et regarda l’objet. Main tremblante. Il avait disparu, mais ce n’est pas pour autant qu’elle allait l’abandonner. Pas après tout ce qu’ils s’étaient dit ce soir. « Je suis là Ace. » Se dit-elle, oubliant la douleur, trouvant une force quelque part en elle pour l’aider. Ou qu’il soit.

the end.