La bibliothèque de Boston a toujours eu cet effet apaisant sur moi. Les longues rangées de livres, l’atmosphère feutrée et le faible murmure des étudiants concentrés créent une ambiance parfaite pour étudier. C’est là que je me sens le mieux, loin du chaos des manifestations ou des fêtes de campus. Ici, je peux enfin me plonger dans mes révisions, essayer d’oublier un instant les démons qui me poursuivent en permanence.
Je m’installe à une table près de la fenêtre, un peu à l’écart du reste des étudiants. Mon objectif est simple : avancer sur mes lectures en psychologie et prendre de l’avance sur les cours. J’ai besoin de me concentrer, de rester dans cette bulle studieuse que je me suis construite. Mais alors que je sors mon ordinateur portable et commence à ouvrir mes documents, une notification attire mon attention.
Curieux, je clique sur l’article qui s’affiche. Un homme y raconte avoir retrouvé la trace de ses parents biologiques après des années de recherche. L’histoire me frappe en plein cœur. Malgré moi, mes yeux parcourent les lignes avidement, me reconnaissant dans chacun des mots de cet homme qui, tout comme moi, a grandi sans connaître ses véritables parents. Je me souviens du jour où j’ai retrouvé ma mère biologique… mais mon père reste un mystère. Jusqu’ici, je n’ai jamais vraiment cherché à creuser cette part de mon histoire. J’ignore si c’est par peur ou par manque d’intérêt. Mais lire ce témoignage réveille quelque chose en moi.
Une impulsion me pousse à taper le nom de mon père dans la barre de recherche. C’est la première fois que je le fais, et mes mains tremblent légèrement. Je ne suis pas sûr de ce que je veux trouver, ni de ce que je suis prêt à découvrir. Mon esprit se bouscule. Si je trouve quelque chose, est-ce que je suis prêt à faire face à ce qu’il est devenu ? Peut-être qu’il a refait sa vie, peut-être qu’il n’a jamais voulu de moi.
Le moteur de recherche affiche des résultats. Mon cœur s’accélère. Je clique sur quelques liens, mes yeux parcourant des informations sans vraiment les enregistrer. Photos, articles de journaux, réseaux sociaux… tout est là, à portée de main. Pourtant, je me sens soudain envahi par une vague d’angoisse. Une partie de moi veut refermer cette boîte de Pandore, rester dans l’ignorance. Je n’ai jamais eu de père, pourquoi est-ce que cela devrait changer aujourd’hui ?
Alors que je m’apprête à cliquer sur un lien particulièrement intrigant, une voix m’interrompt.
Je sursaute légèrement en relevant la tête. Ollie, une jeune femme que j’ai croisée quelques fois dans cette bibliothèque, se tient devant moi. Je ferme rapidement la fenêtre de mon navigateur, mon cœur battant toujours à tout rompre.
(Ian Beaumont)