[4] six pack of beers (taylor)

Mes affaires arrivent aujourd’hui, et forcément je suis de repos, et j’avoue que je suis plutôt soulagée de quitter l’hôtel dans lequel je vis depuis que je suis rentrée. Même si l’appartement est petit. Même si c’est une case départ, ça me donne cette sensation de broyer un peu moins de noir. Puis il faut avouer que Mad n’a pas été des plus coopératifs sans compter sur le personnel un brin dérouter de devoir se heurter au caractère grossier de mon Saint-Bernard.

Cela dit, j’ai récupéré les clefs sans encombre, et mon molosse a été accepté dans l’immeuble sans trop de négociations. Mais dans ce genre de quartier… J’imagine que ce n’est pas franchement nécessaire de s’attarder sur ce genre de détail, pas vrai ?
Alors si au départ j’ai tenté de ramener les différents cartons avec Mad, j’ai vite cédé à une autre solution, celle de le laisser à l’intérieur et de prendre le risque qu’il saccage le peu d’espace habitable. Et quand je ressors pour tenter d’en récupérer au maximum, je me laisse surprendre par un ; « Je... Taylor?! » Tay, t’es affreusement reconnaissable. Un rictus dépité vient s’imprimer sur mes traits, mal à l’aise parce que j’ignore sur qui je vais tomber. Boston a rétréci en une année, je pourrais le jurer. « Oui ? » Articulé entre les mâchoires serrées. J’inspire longuement avant de me retourner complétement. Mais tu vois, le fait est que je m’attendais à tout le monde sauf à toi. Tu fais partie des vestiges d’un passé encore plus vieux que celui que j’ai quitté. J’avoue que ça m’empêche quelques secondes de parler. J’essaie de remettre les évènements dans l’ordre dans ma tête. Ce qui a été et ce qui aurait pu être. Je me sens aussi, un tantinet, bête. « Jonas ? » Mais je le sais déjà, ça ne peut qu’être toi. Sauf que, je n’ai pas le temps de tergiverser. Pas le luxe de baragouiner, de tenter. Mad s’excite de l’autre côté. « T’as deux secondes ? » Ou minutes. Heures. Parce que ce foutu chien est en train, j’en suis persuadée, de tout bousiller de l’autre côté.

 

En fait, j’ai appris à gérer les surprises, les êtres qui reviennent, les relations qui s’entrecroisent. C’est une foutue vérité à Boston. Cette ville, aussi grande soit elle, est en réalité trop petite. Mais d’entre toutes les possibilités, je préfère encore que ce soit Jonas qui soit actuellement sur mon palier. « Ça alors... De toutes les personnes... » Minuscule Boston. Mais je laisse de côté les retrouvailles et les vérités du passé, on y reviendra plus tard, j’en suis persuadée. C’est le cas depuis que je suis revenue, tout le monde veut me le faire payer. Alors oui, les questions qui fâchent finiront par être posées…

Je préfère te demander de m’aider, j’ai conscience que ça vient de nulle part, que c’est inexpliqué… Que je suis pathétique, c’est vrai. « Euh... ouais. » Tu vois, je crois que c’est pour ça, que ça n’aurait pas pu marcher toute la vie, entre elle et toi. Parce que je sais que t’as pas le temps, mais t’es déjà en train d’accepter de m’en donner, aveuglément. « Besoin d'aide avec tes cartons ? » Ce n’était pas l’idée première, mais ça peut tout aussi bien le faire. Mon regard glissant sur lui tandis qu’il en tient un, « Faut juste faire attention au chien. » Si on peut se servir de cette appellation pour désigner le molosse qui se trouve de l’autre côté.

Plus vite tous les cartons seront rentrés, plus rapidement je serais enfermée dans l’appart et je pourrais surveiller ce qu’il fait. Du coup je tourne la clé, j’ouvre l’antre de la bête, avec beaucoup de pensées contraires dans la tête. « Mad est… » compliqué. Comme sa maitresse, cet animal est bourré de faiblesse. Et je me suis résignée, ça ne sert à rien que je le dresse. A peine la porte ouverte, un aboiement nous parvient, et je ferme les yeux, je soupire, putain.