RHAPSODY IN AUGUST（八月の狂詩曲）⸻ chloé

août 2024.

cartons vides. meubles éparses. la disposition de la chambre d'elliot a pris du temps à s'ajuster entre le chaos du déménagement de chase et son indécision invariable. pourtant, le vingt-neuf du mois, un éclair de génie a enflammé le garçon. et le voilà prêt à tambouriner la porte de chloe, l'unique juge (à ses yeux) du bon goût de l'appart.

⸻ chloe ? chloe ? chloe ! son poing s'affole un peu, matraquant au passage l'entrée en bois de sa comparse. j'ai besoin de ton avis ! réveille-toi !

en vérité, la jeune femme n'a pas besoin de se réveiller du tout. il est 20h24.

ce n'est pourtant que lorsque la porte s'ouvre qu'une idée insolite germe dans son esprit. alors, faisant mine de rien, elliot dit :

⸻ ah, tiens. te voilà enfin.

les limites de sa patience, après tout, sont indéchiffrables. c'est bien connu du grand public. ce qui est certain, toutefois, c'est qu'elles sont minces ⸻ vérité universelle suffisante pour prendre la confiance de chloé pour acquise. elle ne se doutera, à ses yeux, absolument pas de la chute de sa requête. son sens de la plaisanterie est de mise.

⸻ j'ai besoin de toi. tu voudrais bien venir dans ma chambre ? pause. avec moi ? seconde pause. juste... tous les deux ? sourire macabre. il apprécie déjà ce qui se profile.

malgré les menaces de chloe, ce n'est certainement pas elliot qui compte se presser. au contraire. bien décidé à faire durer le suspens, le garçon se glisse jusqu'à l'entrée de sa propre chambre, sa main posée contre sa poignée. mais il n'ouvre pas la porte : un temps de suspension demeure dans le silence avant qu'il, en se raclant la gorge, annonce sa surprise à l'intéressée.

⸻ hm, hm. ladies and gentlemen... il prend un accent typiquement new-yorkais, un peu à la robert de niro dans les films de scorsese. un fin sourire se dessine sur ses lèvres : il donne vaguement l'air d'être un être malicieux, plein de fourberies derrière son expression stratège. après un mois et treize jours de rénovation... en vérité, il surjoue peut-être un peu. ses travaux ont duré près de vingt-quatre jours. ... bienvenue dans mon antre !

et, comme s'il actionnait un levier théâtralement, le locataire laisse place à la magie de sésame qui s'ouvre finalement.

en vérité, la chambre d'elliot est un petit bijou d'architecture sorti tout droit des bas-fonds de tumblr, quelque part entre les rayons "chaotic academia" et "teenage dirtbag". peu sont ceux qui sauraient maîtriser un chaos aussi organisé que celui là. à en juger par l'entassement de ses vieux livres, de sa pile de disque et de tout un immense fatras, la frontière entre capharnaüm et méthode est mince. c'est à son image : un micmac de kitsch, un carnage. un véritable foutoir. il est clair qu'un œil mal aiguisé comme celui de chloe ne pourrait y voir que de la négligence ⸻ et pourtant ! le garçon sait qu'il n'en est rien.

⸻ t'es juste aigrie. il insiste sur le qualificatif en descendant d'un cran son ton dans un élan dramatique, suivi par un mouvement de tête nonchalant. tout ça, c'est tout un art, tu sais. pas étonnant que tu trouves ça laid : t'y connais rien de toute façon.

il hausse un sourcil lorsqu'elle évoque le nom de leo. "elle est en architecture ?" difficile de dissimuler sa surprise. après tout, il était persuadé que non. "j'pensais qu'elle faisait des études d'infirmière. ou un truc un peu neuneu du même genre." il sonne un peu méprisant, mais bon. elliot ne l'a jamais caché : il a toujours pensé être le plus fin de sa coloc'.

@Chloe Shores