no. ─ Rosace

À peine arrivés dans l'appartement. Ace avait été sombrement silencieux une fois descendu de la moto, et il déposait les affaires de Rose à côté de l'entrée avec un soupir, avant de marcher jusqu'à la cuisine. Le bruit d'un tiroir qui s'ouvre se fit entendre, puis des bruits métalliques, avant qu'Ace ne revienne. Il tenait un couteau par la lame et après avoir viré le téléphone des mains de Rose pour le jeter sur la commode, il lui força le manche du couteau entre les mains. « C'est ça la prochaine étape ? Vas-y, plante-moi. »

L'expression de son visage est sévère. Ace ne plaisante pas et la force à maintenir l'arme, même s'il comprend sa panique. « C'est pas c'que tu veux pourtant ? À venir provoquer Esteban à ton tour, comme si Amore, Inês, lui et moi on suffisait pas, tu veux te rajouter à la liste ? Bah vas-y. Fais-le, va jusqu'au bout. » Il la tirait vers lui, rapprochant l'arme. « Esteban, t'y toucheras pas. J'irai prendre les coups à sa place. Il est intouchable, tu piges ? »

« PARCE QU'IL EST COMME MON FRÈRE ! » Mots hurlés, le regard ouvert, rivé sur elle, le coeur fou. Mais il se ressaisit vite, baisse d'un ton, même si la voix exprime bien l'intensité des émotions. « Esteban est ma seule constante depuis mon adolescence. C'est lui qui m'a ramassé en morceaux quand ma mère est morte, c'est lui qui m'a sorti de mon trou à rat quand j'faisais mes crises, c'est lui qui me défend comme personne d'autre ne le fera jamais. » Ses doigts enserrent mieux la main de Rose, l'arme toujours dans sa direction. « Il a ses travers, comme tout l'monde. Mais il a fait ce qu'Amore aurait fait pour toi si tu lui avais dit pour Chris, pas vrai ? Et si tu l'touches, c'est moi que tu trouveras sur ton chemin. Tu veux venger Amore ? » La pointe contre le ventre. « Vas-y à la source. »

De son autre main, Ace lui prend le poignet pour l'empêcher de se dégager de son emprise. Il garde l'arme ainsi ; il veut que la pointe reste sur lui, quitte à faire pression dessus avec son épiderme, laissant comprendre que si elle bouge, elle le coupe. « J'suis celui qui a tout commencé. C'est normal que ça s'termine par moi. » qu'il lâche froidement. « C'est d'ma faute. C'est moi qui lui ai donné le nom de ton frère. C'est moi qui l'ai laissé faire. C'est moi qui ai frappé Amore en premier. C'est moi qui cherche à t'isoler d'ta famille. Esteban protège juste la sienne, et c'est d'ma faute s'il s'en est mêlé. C'est moi le coupable que tu cherches. Que ça te plaise, ou pas. » Des demi-vérités, mensonges déformés pour satisfaire l'histoire conté par autrui. C'est plus facile d'être l'ennemi. Mais enfin, sa main relâche la sienne. La voix tremble, la culpabilité le faisant baisser le regard. « Et je sais pas comment arrêter tout ça. »

Le regard d'Ace est douloureux à ses mots, encore plus à la vue de la blessure qu'elle s'inflige. Le coeur se noue, la gorge se serre, et il relâche la pression sur elle. Une main vient retirer la blessée en douceur, l'autre se fraye un chemin pour dégager le couteau et le reprendre, afin de le laisser tomber derrière lui. Il prend ses mains dans les siennes, bien plus doux, et repose enfin son regard sur le sien. « C'est plus facile d'avoir un coupable. » Il se rapproche, fait un pas vers elle, tenant ses mains contre lui. « Tu sais aussi bien que moi qu'on se fout de la vérité et des intentions, il ne reste que les actes et leurs conséquences. Le discours qui tiendra, c'est que j'ai trahi Amore en couchant avec toi, que j'ai essayé de me taper son ex ; que ma jalousie de pas être comme lui me dévore, et que comme Lena et toi l'avez choisi, j'ai pété un plomb contre lui ; que parce que j'suis un lâche, j'ai envoyé Esteban se battre à ma place et tout balancé à Sienna. Et si c'est ce qu'il faut pour qu'on arrête les effusions de sang, alors je tiendrai ce même discours. » Sa main caresse nerveusement la sienne, celle qui tenait précédemment l'arme. La voix basse, rauque, maladroite ; « C'est moi le coupable. »