La course, comme à chaque fois qu’il se retrouve avec un trou dans son agenda, est salvatrice. Elle vient le sortir de ses pensées, de cette boucle infernale dans laquelle Matteo se trouve depuis un an et demi. Il ne peut pas s’arrêter. Il a essayé, pourtant. Il a tout tenté, de l’occupation la plus banale à la méditation, mais rien n’y fait. Dès qu’il se pose, qu’il s’octroie une minute pour ne rien faire, les onze dernières années de sa vie tourne en boucle dans sa tête, comme un mauvais film. Combien de fois a-t-il eu envie de l’envoyer balader, avant de se rappeler qu’il s’agissait de la mère de son fils ? Il s’est juré de la protéger à jamais, peu importe ce que ça lui coûtait, tout ça pour rien. Pour une parole qu’il n’a même jamais remise en question. Pour une femme qu’il a perdu et qu’il ne pourra jamais confronter, alors qu’elle a détruit sa vie comme un chateau de cartes, post-mortem. S’il n’arrive pas à regretter les années à aimer et élever Cael, Matteo saisirait l'opportunité d’effacer les bons comme les mauvais souvenirs sans la moindre hésitation si quelqu’un se présentait avec une baguette magique et l’offre sur la table. Et le voilà reparti. Même les poumons en feu et le cœur battant à tout rompre, il ne parvient pas à se débarrasser de sa rancœur et de sa peine. Dans le doute, il accélère encore un peu le rythme, comme si la vitesse (et la douleur qui l'accompagne) était la réponse à tout, jusqu’à ce que Laia attire son attention parmi les autres coureurs et passants. Elle est de dos, mais il n’a pas le moindre doute sur son identité. Le rythme de la jeune femme n’est pas celui qu’il lui connaît, elle semble être au ralenti, ce qui lui donne une bonne excuse pour la doubler et prétendre ne pas l’avoir vue et reconnue. Matteo pourrait aussi faire demi-tour et passer inaperçu, ce qui semble être une option moins cruelle - elle ne saurait jamais qu’il était là. Sauf qu’au moment où ses pas se font plus lents, pour lui permettre de prendre une décision avant de se trouver aux côtés de Laia, ses yeux s’accrochent à la silhouette de la jeune femme qui vascille. Matteo n’a ni le temps, ni les réflexes suffisants, pour la rattraper et lui épargner une chute mais il se trouve rapidement à genoux à ses côtés, une main suspendue dans sa direction sans savoir quoi faire.Merde, ça va ? De toutes les fois où ils se sont retrouvés pour courir, il ne se souvient pas lui avoir vu un jour un air si épuisé.Tu t’es faite mal ? Son égo a forcément dû prendre un coup mais c’est surtout sa condition physique qui l'intéresse pour l’instant.
(Matteo Verdasco)
ABSENTE DU 5 au 10 SEPTEMBRE.