clean eyes ─ ft. Anya

Back Bay, quartier huppé s’il en était, comportait des immeubles et des demeures de toutes sortes. Le logement d’Anya et de son époux n’était pas en reste et représentait bien l’importance du fait de paraître riche aux yeux des autres pour celui-ci, quitte à s’endetter et à devoir enchaîner les magouilles pour pouvoir le conserver. L’appartement était accessible par un ascenseur s’arrêtant juste devant la porte. Il s’agissait d’un appartement lumineux à dominante coquille d’œuf dont le rez-de-chaussée était divisé en trois parties sans aucune séparation murale. Le loft en duplex était composé d’une entrée, d’une cuisine sur la droite séparée de la salle à manger par un grand ilot central. À gauche de la table et en face de l’entrée se trouvait un salon en contrebas cerné de marches. Tout à gauche de l’appartement se trouvait un escalier menant à l’étage du duplex. Des commodités et une buanderie étaient encastrées à l’intérieur. L’étage supérieur comportait une salle de bain, deux chambres ainsi qu’un bureau. De hautes fenêtres apportaient de la lumière à l’appartement qui paraissait plus modernes à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Ayant déjà fait les courses et le repassage la veille, Anya n’avait pas grand-chose à faire ce jour-là hormis s’occuper du nettoyage de son appartement et de s’occuper du repas. Elle avait également prévu de préparer des biscuites ce jour-là, choses qu’elle faisait assez régulièrement. Elle opta ce jour-là pour des biscuits aux amandes, une recette d’origine chinoise qu’elle avait trouvé sur internet et qui symbolisait la bonne fortune. La recette était relativement simple et la jeune femme eu tôt fait de les terminer et de les enfourner après avoir ajouté une amande au sommet de chacun d’entre eux. Elle s’essuya les mains dans son tablier puis activa ensuite le minuteur lorsqu’elle entendit frapper à la porte. Un homme se tenait devant la porte d’entrée et se présenta comme étant quelqu’un effectuant de la maintenance, en indiquant qu’une fissure suspecte s’insinuait sur le mur extérieur. Cela expliquait la présence d’échafaudages sur une partie du bâtiment mais ceux-ci ne montaient pas jusqu’à sa fenêtre.  La brunette arborait un sourire poli et aimable à la ‘Bree Van de Kamp’ et lui désigna l’intérieur de son appartement dont la vue directe donnait sur le salon. « Je vous en prie, veuillez vous donner la peine d’entrer » lui dit-elle avec son léger accent trahit par ses « r » et ses « l ». Elle n’osa pas imposer ses règles de vie à un ouvrier et se dit qu’elle renettoierait le sol après. Le plus important étant de ne pas laisser son bourreau voir la présence de son ‘invité’. Laissant la porte entrouverte, elle observa ses fenêtres, se rendant compte qu’elle ignorait totalement laquelle pouvait être concernée. À l’étage du bas, il y avait une fenêtre au niveau de la cuisine et une de l’autre côté du salon, au niveau du bas des escaliers. Il y avait également d’autres fenêtres à l’étage. « Par quelle fenêtre souhaitez-vous commencer ? » lui demanda-t-elle poliment.

Patins aux pieds, robe cintrée lui arrivant au niveau des genoux, tablier ajusté et cheveux tirés en un chignon impeccable, la jeune femme semblait sortie d'une publicité pour une tarte dans les années 40. Rien ne semblait très naturel ni très vivant dans cette maison et pourtant il s’agissait de sa vie. Un masque de perfection dissimulant des horreurs sous le couvert de la nuit. Allant rapidement à l’essentiel, l’homme lui demanda si elle lui permettait d’aller voir, ce à quoi la jeune femme s’empressa d’acquiescer tandis qu’il lui désignait la fenêtre au pied de l’escalier près du coin salon. Ils contournèrent les marches qui encadraient le renfoncement. Anya, toute affairée à ses tâches qu’elle était, n’avait pas fait attention au fait que les ouvriers travaillant à l’extérieur étaient arrivés au niveau de son étage et fût surprise de voir un morceau de lune passer dans son champ de vision. Elle ne put s’empêcher de retenir une petite expression de surprise alors qu’ils arrivèrent près de la fenêtre.  Elle décida de se concentrer sur le mur, recherchant une fissure qu’elle ne voyait décidément pas. Soit celle-ci était très discrète, soit l’ouvrier se payait sa tête. Interrogative, elle décida cependant de voir où celui-ci allait en venir, restant un brin méfiante. Elle n’avait jamais laissé rentrer autant de monde chez elle que durant ce dernier mois. L’un de ses voisins de quartier l’autre jour, maintenant cet homme. Si ses voisins l’avaient remarqué, cela allait finir par jaser et elle se trouverait à nouveau corrigée même s’il n’y avait là aucun geste déplacé. Le brun observa très attentivement le mur puis le plafond, s’arrêtant sur un détail qu’elle n’avait encore jamais remarqué, une minuscule tâche au plafond. Il fallait savoir quoi rechercher pour la voir, mais la maîtresse des lieux ne voyait pas le rapport avec la supposée fissure extérieure. En se concentrant, elle discerna un léger éclair qui partait du mur. Voici donc la coupable. Il lui expliqua les conséquences possibles de ce type de problème sur un bâtiment. La jeune femme blêmît une fraction de seconde, imperceptible, avant de reprendre son masque de perfection. Elle savait la réaction que ce type de nouvelle allait provoquer chez l’homme qui partageait sa vie. Sentant le regard de l’asiatique sur elle, elle fit bifurquer le sien de la fine rayure et ses grands yeux clairs rencontrèrent les sombres prunelles de celui qui venait de lui annoncer une si terrible nouvelle qui pourtant aurait pu ne rien être pour tout autre couple normal. Elle l’écouta reprendre son questionnement et lui répondit : « Mon marrri est le propriétaire. ». L’appartement si parfait qu’ils possédaient ne l’était finalement pas tant que ça et ce n’était pas le mur qui allait le plus trinquer dans cette situation. Malgré le cheminement de ses pensées, Anya fit comme si cette nouvelle ne l’atteignait pas et poursuivit leur échange : « Comment peut-on y rrremédier ? » lui demanda-t-elle avec une assurance toute travaillée.

L’homme qui s’était présenté à elle sembla réfléchir à la meilleure option concernant cette fissure qui s’était présentée sournoisement dans son plafond. Il retira son casque et glissa sa main dans ses cheveux, l’air songeur avant de lui répondre en évoquant les différents scénarii qui pourraient se présenter  à eux. L’eau semblait être le cœur du problème, l’eau qui se fraye toujours un chemin, même à travers la pierre. Trop d’eau dans ses yeux, trop d’eau dans son habitat, cela semblait logique quand on y pensait. Le diagnostic initial semblait plutôt rassurant, surtout si l’essentiel des travaux se faisait depuis l’extérieur. Si tout se passait bien, dissimuler la fissure serait un jeu d’enfant. Le problème allait être l’obligation de prévenir son mari. Elle espérait qu’il ne prendrait pas trop mal la nouvelle, lui qui était très fier de son loft en plein cœur de Back Bay.

Afin d’étoffer et surtout de confirmer son premier diagnostic, le façadier lui demanda si elle avait quelque-chose sur lequel il pourrait monter. La jeune femme acquiesça et se rendant vers l’une des portes dissimulée sous l’escalier, elle lui répondit : « J’ai un escabeau, je vais vous le chercher. ». Elle sortit l’objet de grande taille de la buanderie et l’apporta près de la fenêtre. Celui-ci était plutôt lourd, mais la distance à parcourir était brève. Elle le posa au pied de la première marche formant une estrade carrée entre l’escalier et la fenêtre, juste à côté du salon en contrebas. « Est-ce que ceci vous convient ? » lui demanda-t-elle. Elle espérait que oui même si elle savait que cette partie était plutôt haute, probablement l’endroit où le plafond était le plus haut de l’appartement. Elle s’en servait pour faire les poussières, mais pour cela elle utilisait en prime le manche d’un balai afin de pouvoir retirer les toiles d’araignées des coins de l’appartement. Le brun était plus grand qu’elle, mais cela suffirait-il à ce qu’il puisse bien voir ce que donnait la fissure là-haut ?