where do broken hearts go?

Thea soupire en haussant un peu les épaules quand les premiers mots qui sortent de la bouche de son amie sont sa mauvaise tête… il n’y a probablement pas plus d’une once de méchanceté chez Haiwee et Thea, au contraire, et si cela prouve une chose c’est - outre le fait que Thea ait vraiment une sale tête - que son amie s’inquiètent pour elle. "Je peux quand même entrer ou c’est que les gens beaux ?" demande-t-elle, légèrement taquine et sans une once de méchanceté ou de frustration. "Toi, en revanche, t’es toute belle et reposée." Elle enlace doucement son amie, prolonge l’étreinte sans doute un peu plus longtemps qu’elle ne le ferait habituellement et se laisse guider dans cet intérieur qu’elle connaît par cœur. "Je nous ai acheté des choux à la crème à peu près tous les goûts qu’il y avait dans la boutique, je n’arrivais pas à choisir." Et si le sucre est moins enivrant que le vin ou la tequila, il a le mérite de tout de même mettre du baume au cœur.
Une fois sa veste retirée, elle secoue doucement la tête en voyant la façon dont la regarde Haiwee. Elle se pince les lèvres, se concentre comme elle peut et s’éclaircit légèrement la gorge avant de lâcher le morceau : "je suis célibataire." Les mauvais sont douloureux, mais nettement moins que de devoir annoncer qu’elle n’est plus avec Milo. Les conséquences sont les mêmes, les mots à prononcer évite soigneusement les quatre lettres qui ne formeront jamais le mot Voldemort, mais un peu quand même ces derniers jours. "Il a merdé, encore. Et ce soir ça aurait du être notre anniversaire." Elle souffle doucement pour chasser les émotions qui manquent de la terrasser. Au moins c’est dit, c’est fait. L’éléphant dans le magasin de porcelaine a sûrement brisé un peu l’ambiance de la soirée mais il suffira d’orienter la discussion vers les voyages et aventures de son amie pour que la soirée soit plus légère. Pas vrai ?

Thea ne sait pas vraiment si le pire dans cette rupture a été de devoir trouver la force de se lever et partir ou si c’est de devoir l’annoncer aux gens en ne s’effondrant pas à nouveau sur le sol. Il faut feindre d’être sûre de soi, taire les insomnies où le monde est refait cinquante fois et  changer d’avis au moins mille fois. Avec Haiwee, c’est différent ; Thea s’imagine que son amie comprendra à quel point c’est difficile. Elles sont proches, vraiment et c’est plus simple de lui dire à elle que de corriger ses collègues qui lui demandent quand elle va enfin leur présenter l’homme avec qui elle partage sa vie. Elle s’est contentée de sourire doucement ou alors à dévoiler la vérité, de quelques mots rapides. Oh, on s’est séparés avant de prendre la fuite prétextant un patient qui avait urgemment besoin de son aide. Mais la fuite a toujours été possible jusqu’alors. La réaction d’Haiwee, elle doit s’y confronter, elle n’a pas le choix. Elle comprend la surprise d’ailleurs et les questions. “On peut commencer par un verre d’eau ?” Histoire de trouver les mots à utiliser, de s’asseoir. Histoire de retrouver la force de ne pas s’effondrer en larmes aussi ; Thea a d’autres ambitions pour la soirée. Elle hésite une seconde, puis soupire : “Il écrivait à quelqu’un d’autre… Des messages très clairs sur ses envies, et il a beau dire qu’il ne ferait rien, je n’ai pas supporté.” La description est aussi factuelle que possible, du moins aussi factuelle que Thea est capable de l’être aussi rapidement. “Il précisait qu’il ferait rien, mais honnêtement… on sait comment ça commence et surtout comment ça finit.” L’histoire se répète : les hommes sont tous les mêmes, même si Thea tait cette dernière partie à Haiwee. Car, aussi courtes soient-elles, les périodes de bonheur sont précieuses - et pour son amie, encore plus après ce qu’elle vient de traverser.

Le choc se lit sur le visage de Haiwee et Thea ne sait qu’en penser. Elle ne sait pas vraiment si ça la rassure, de savoir qu’elle n’a pas été la seule à être prise par surprise ou si c’est la décision de Thea qui la surprend. Les doutes commencent à l’assaillir et il ne ressort généralement rien de bon de ce genre de situation. L’étudiante sait pertinemment qu’elle n’aurait pas supporté de rester et aurait passé plus de temps à lancer des pics à Milo qu’à reconstruire la confiance perdue mais vient-elle vraiment d’envoyer valser ce qu’ils ont vécu pour quelques messages ? Ou plutôt, vient-il vraiment de le faire ? La situation semble encore irréelle et plus le temps passe plus les explications de Milo perdent de sens. Pourtant, une part d’elle, celle à laquelle Milo manque, ne peut s’empêcher de se demander si elle aurait mieux fait de rester et de se battre. La réponse de Haiwee, pourtant, la rassure légèrement. Elle a pris la meilleure décision pour elle, c’est exactement ça - et exactement ce dont elle avait besoin. Peu importe ce que d’autres gens auraient fait, ce que Milo aurait voulu qu’elle fasse. Thea a fait ce qu’elle pouvait, dans les circonstances qu’elle avait et elle a choisi la meilleure solution pour elle. Evidemment qu’elle souhaite que tout s’arrange, que les choses prennent une meilleure tournure. Mais en cet instant, elle ne peut pas rester, ne pas se battre et s’imaginer que tout ira mieux. “Le pire dans tout ça, c’est sans doute qu’une part de moi attend que lui, prenne la meilleure décision.” Qu’il la choisisse, elle, plutôt que n’importe qui d’autre. Plutôt que cet inconnu venu de nul part… Mais Thea n’est pas naïve; s’il a su s’immiscer dans l’esprit de Milo alors qu’elle était là, il n’y a aucune raison qu’il ne prenne pas plus d’espace alors qu’elle est partie.