Je sais pas trop ce qui m'a pris mais lorsque j'ai reçu tes messages et surtout ta photo c'était une évidence. Ne pas merder cette fois. Je sais pas ce que j'attends mais c'est plus fort que moi, ça me paraît être une évidence. Tu m'enverras peut-être promener mais je veux montrer que je peux être autre chose qu'un crétin  de temps à autre. Je me dis aussi que si le destin m'a remis sur ta route ce n'est pas par hasard. J'aurais sans doute laissé tomber si tu ne m'avais pas parlé après nos retrouvailles chaotiques mais là, je ne peux tout simplement pas te savoir seul et ne rien faire. Alors, je prends mon courage à demain, emmène des choses pour grignoter, de quoi améliorer le confort de l'hosto même si je sais pas combien de temps tu y resteras. Tu as l'air de t'être fourré dans de beaux draps. Le froid me cueille au dehors, j'ai attendu que les visites soient possibles après avoir téléphoné pour demander ton numéro de chambre. J'ai même poussé le vice jusqu'à prendre un bouquet, de roses noires. Parce qu'après tout, pourquoi pas ? Je suis nerveux dans l'ascenseur, sachant pas comment tu vas réagir, souriant nerveusement à l'infirmière qui se retrouve avec moi. Je déboule dans le couloir, pas forcément de bons souvenirs pour la plupart d'entre nous dans ce genre d'endroit. Ebloui par la lumière blafarde qui vient davantage blanchir les murs aseptisés du service , odeur caractéristique de nettoyants et produits médicaux qui me donnent un semblant de nausée. La voici. Ta porte. Je frappe nerveusement, trois coups, entendant ta voix qui répond, loin de se douter du merdeux qui se trouve de l'autre côté. Battant glissé sans réfléchir laissant se dévoiler ta silhouette malmenée par tes chaos. « Salut. » dis-je en souriant rapidement, me rapprochant pour te tendre les fleurs. « Tiens, j'ai pensé que ça te ferait un peu de bien. » De me voir je sais pas, mais de savoir que quelqu'un se soucie de toi même si je sais que tu ne manques pas d'amis. Te glissant aussi le sac. « Et de quoi te requinquer. » Je reste statique, prêt à me faire rejeter, ne sachant pas trop quoi faire.

Pourquoi je lui avais envoyé ce message...? Ava m'aurait probablement tué pour ça. Ou alors elle m'aurait regardé d'un air blasée pour ne pas avoir suivi son conseil. Partir en courant, voir hurler pour alerter les passants. Quelque chose au fond de mes tripes me demander de parler avec lui. De mettre les choses à plat une bonne fois pour toute pour tourner définitivement la page de notre histoire. C'était probablement une mauvaise idée. Néanmoins son regard s'était exprimé bien mieux que tous les mots que qu'il aurait pu trouver... Et cela m'avait troublé plus que je ne voulais l'admettre.

Tapotant l'écran de mon téléphone, récupérant les données sur mon drive pour reprendre possession de mes armes, j'entends finalement taper à la porte. Probablement le médecin, il devait passer dans l'après midi. Oui ? J'essaye de me redresser dans mon lit mais mes côtes me rappellent à l'ordre. Je serre les dents et lache gémissement douloureux avant de relever la tête. Pas de blouse blanche mais une silhouette que je ne connais que trop bien... Et il arrive les bras beaucoup trop chargés à mon gout. Ebété, aucun mot ne sort de ma bouche alors que le pansement de nez barre une partie de mon visage. Les yeux cernés d'un bleu virant vers le noir, je le suis de mes pupilles, s'approcher du lit. Ce n'est que lorsque j'ai les fleurs dans les bras que j'arrive finalement à articuler. Qu'est-ce que tu fous là ? Et surtout pourquoi tu continues de faire comme si j'étais quelqu'un dans ta vie alors que j'essaye de t'effacer de la mienne. Je regarde le sac qu'il tient entre ses mains, prêt à refuser lorsque je vois une cannette de Monster. Instinctivement, je la sors du sachet et essaye de l'ouvrir sans succès à une main, tel un drogué en manque... Il allait peut être falloir revoir ma consommation...

Forcément que tu t'attends pas à me voir, que sans doute la dernière chose que t'as envie de voir c'est ma tronche. Mais c'est moi. Me voilà. Le dernier des couillons dans notre remake, mais du style à s'accrocher quand même. Paradoxe ambulant. Je suis de ces pions qu'on ne peut pas vraiment saisir. Ce qui fait mon charme, et ma malédiction. Mais j'ai appris à écouter mon cœur, à ne plus trop le fuir dès qu'il trépigne trop dans la douleur du manque, de ces possibles fuites que j'appréhende. Je fuyais pour ne pas être attaché, pour ne pas être celui qu'on laisse. Encore une fois... Je sens ton malaise, mais je suis déterminé à être là, prenant soin de choisir un assortiment, de choses que tu aimais, que j'aime aussi... un peu des deux. Prêt à me rembarrer lorsque finalement, tu tombes sur la canette de ta boisson fétiche. Je peux pas m'empêcher de sourire. Sourire malgré le fléau que tu t'es pris en pleine tronche. « T'avais pas passé ta période Emo romantique ? » Marquer la porcelaine de nuances et d'ecchymoses un drôle de lot présenté entre les draps blanchis de l'hôpital. Corbeau égaré. « J'ai suivi mon instinct et j'avais envie d'être là. » dis-je finalement en attrapant la canette entre mes doigts pour l'ouvrir en un geste appuyé. Te la rendant pour que tu puisses boire. « Tu douilles pas trop ? » Sourcils froncés à contempler ton portrait abîmé par des phalanges que je me plais déjà secrètement à maudire.

Non, en effet. Tu étais bien la dernière personne dont j'attendais la visite entre ses murs. Personne n'a envie d'aller à l'hôpital car ce lieu est bien trop souvent le théâtre de mauvais souvenirs. Pourquoi es-tu là...? Pourquoi continues-tu de venir chambouler ma vie alors que je t'avais fermé la porte...? Palpitant qui s'emballe sans raison valable. Des nuits trop courtes qui avaient aidés à développer mon addiction à cette boisson sucrée, il s'en souvenait encore malgré les années. Ca non plus, ça n'avait pas changé... On ne sort jamais de sa période emo. Romantique ou sad. Contraste imposant entre mon corps et l'environnement.

Prenant la canette pour en boire une gorgée, je l'écoute parler parce que je sens la boisson descendre le long de ma gorge, ça faisait un moment que je n'avais pas avalé quelque chose visiblement. Mon regard se pose vers les roses noires et je me surprend à en apprécier leur beauté l'espace d'un instant. Réalisant par la chaleur au fond de mon estomac à quel point il était agréable que quelqu'un se soucie de mon sort. Même si je le savais déjà, le voir était autre chose. Ils m'ont collés sous morphine donc ça va pour le moment... Reprenant une gorgée avant de lui en proposer. Tu me dois rien, tu sais... Levant mon regard ébène dans sa direction.

J'en ai fait des caisses, c'est une certitude, mais je suis ainsi, trop extrême. Fuyant ou bien pot de colle, sans doute rongé par la culpabilité oui. Sous-estimant le poids de mon absence, je m'étais persuadé que mon départ n'aurait pour toi pas grande importance. Que c'était mieux ainsi. Loin de me douter que ça te précipiterait au fond du gouffre. Comment je peux provoquer ça chez quelqu'un ? C'est impossible. Et j'imagine que tu devais me voir bien mieux que je suis. « Au moins tu sais comme je suis vraiment maintenant. » Un connard, un gamin, lâche de surcroit. Dos courbé, incapable de porter plus lourd que soi. Parce que les lambeaux sont disparu dans les lueurs tendres de ma sœur, la vie tout juste offerte emportée par le souffle de mon monde. Tragique presque romanesque et pourtant une réalité dégueulasse quand on la vit. L'amertume en gorge et le ventre désespérément noué. Carapace de fuite, visage trop solaire, gueule d'avorton belliqueux, j'incarnais les masques jusqu'à en oublier ma propre peau. M'oublier oui. C'est mieux. « ça te va toujours bien en tout cas. » Regard appuyé mais vite absorbé par ton geste. « Tant mieux, je suis accompagné d'éléphants roses ou ca va encore ? » Je me permets de m'asseoir sur le rebord de ton lit, juste un bout de corps, presque en équilibre, mais pour donner l'illusion tu sais qu'on est peut-être pas en guerre. « Tu m'as écrit alors... » Je me suis dit que peut-être t'avais pas envie de me voir disparaître pour toujours. Et depuis c'est con mais j'arrive pas à te sortir de ma tête. Je suis comme ça, obstiné, presque déraisonnable dans mes manies. « C'est qui ces mecs ? » Je vais pas passer par quatre chemins, je veux savoir dans quel pétrin t'es rendu.  

Tout est toujours intense avec toi. La passion comme la peine. A tel point que je ne suis pas certain que deux êtres comme nous puisses être compatible... Je suis incapable de me préserver de ce genre de sentiments. Comme consumer par un brasier trop violent. Je m'accroche à tous les semblant de normalité que l'on peut m'offrir au risque d'être emporté par le moindre courant. Ton départ m'a démoli... Bien plus que tu ne peux l'imaginer. Tu as fait voler en éclat le reflet si fragile de mon âme. Ma confiance envolée. Ma vie détruite... J'avais voulu mourir... Et cela m'arrive encore parfois aujourd'hui.

Mes yeux noirs le dévisage. Si je sais qui tu es...? La seule chose que je sais, c'est que tu as l'air aussi paumé que moi dans ta vie... Trainant probablement un joli lot de casserole derrière toi. Une nouvelle gorgée sucrée descend le long de ma gorge alors qu'il me répond que ça me va toujours aussi bien. Je roule des yeux sans même m'en apercevoir avant de secouer la tête. Pas d'éléphant rose... Je n'expliquais toujours la raison qui m'avait poussé à lui écrire... La façon dont on s'était séparé la dernière fois ne m'avait pas satisfait. Un gout d'inachevé... Une valeur quantique dans mon schéma binaire.

Mon visage semblait se refermer lorsque tu me poses cette maudite question. Est-ce que je pouvais vraiment te répondre sincèrement...? Une partie de moi s'y refusait alors que l'autre se disait : Après tout pourquoi pas... Le regard vers la fenêtre, le pouce caressant les pétales des roses, je réponds finalement : Des Yakuzas...

J’avais cette conscience d’avoir merdé. D’être parti comme un lâche. Parce que ce n’était pas la première fois et après tout ce ne serait sans doute pas la dernière. Gamin entêté, bien trop occupé à fuir l’attache pour se laisser prendre quand toi tu cherchais un semblant de normalité. C’est ridicule quand on y pense qu’on se soit aimés. Mais voilà, on vient sans doute nourrir ce credo des contraires qui s’attirent. Trop addicts à cette vibration qui s’était déployé entre nous pour laisser notre attention se porter sur nos phalanges déjà bien cramées. Et que dire du cœur ? Les écorchures qui se comprennent, l’intensité qui se partage et un instant on relègue la folie au placard. On souffle de se savoir compris et on étouffe à nouveau de la peur de la prison, du poids sur les épaules, ou de la perte à venir… Complexe. Et j’en attends plus grand-chose aujourd’hui. Je sais juste que je dois être là à tes côtés, dans ce moment difficile de ta vie. Sans attendre quelque chose en retour. Mes yeux dérivent sur tes empreintes, caressant le velouté sombre des pétales, dans ce geste d’amour désintéressé pour une fleur mortifère. Elan qui fait naître un pâle sourire avant que mon corps s’alerte de la confidence. « Des Yakusas ? » Je fronce les sourcils. On est dans un film ? « Qu’est-ce qu’ils te veulent ? » Tout ce que j’en sais, c’est que ces mecs là ne plaisantent pas avec l’honneur.