La musique gronde dans mes tympans alors que je papillonne de client en client, m'assurant qu'ils ont tous à boire, une compagnie de qualité et la possibilité d'une danse personnalisée. Un masque protège mon être profond au risque de me perdre dans les ténèbres de cet antre des plaisirs. Pour l'heure, j'effectue un bon d'hôtesse sans éprouver la crainte de me trahir. Il suffit cependant d'une œillade à l'attention de mon boss pour comprendre que j'ai intérêt à appâter un client dans les dix prochaines secondes. Bonsoir Monsieur, puis-je vous proposer un breuvage plus exotique ou une danse afin d'enivrer vos sens ? Je glisse mes doigts fins contre l'épaule d'un jeune homme dont je n'ai pas encore vu le visage. Quelques secondes suffisent pour que mes neurones retournent mon hippocampe et atteignent l'information capitale que mes prunelles émeraudes observent d'un air surpris. Oh pardonnez-moi je ne vous avais pas reconnu ! C'est un plaisir ! Un franc sourire étire mes lèvres maquillées. J'ai soigné mon make-up, comme toujours, mais sur mon bras, une large trace plus bleutée orne ma peau, mal camouflée par du fond de teint, pressée que j'ai été par nul autre que mon boss qui me fusille encore du regard. Souhaitez-vous passez dans un salon privé ou rester ici ? Je m'engage à égayer votre soirée personnellement que je reprends alors que muscles se sont tendus d'un coup d'un seul.

ce n'est pas ton genre de fréquenter ce genre d'endroits, tu as plutôt tendance à les dédaigner. mais tu as suivi l'un de tes collègues hier soir et t'as remarqué cette fille. tu sais pas si c'est quelque chose dans le timbre de sa voix, dans son regard, sa fausse jovialité mais quelque chose a attiré ton attention. tu veux découvrir ce qui se cache derrière ce sourire, les personnes intéressantes ne courant pas les rues et tu refuses de la laisser filer. une grimace tire les traits de ton visage dès que tu franchis le pas de la porte, ton regard la cherche à travers la foule mais c'est finalement elle qui vient à toi. t'es perspicace et calculateur, cez. mais t'es aussi un fin observateur qui remarque rapidement le fond de teint mal tamponné sur le bras de ton interlocutrice. ❝ salon privé. ❞ t'aimes pas les oreilles indiscrètes. et si t'es venu pour oublier ton insomnie, ce que tu viens de remarquer vient de changer tes plans. éloignés de tout, tu finis par reprendre la parole. ❝ un client un peu trop nerveux ou un patron trop agressif ? ❞ que tu demandes en désignant son bras d'un signe de la tête.

Alors que je hoche simplement la tête face aux deux termes salon privé, croiser le regard de mon boss à nouveau me pétrifie l'espace de quelques secondes. J'ignore si le client que j'accompagne vers des oreilles plus lointaines et moins indiscrètes s'est rendu compte de ce duel d’œillades, mais je ne prends pas le risque de poser la question. Parvenir à me reprendre manque de ne pas fonctionner mais je suis portée par ce rien de culot qui débarque d'on ne sait où. Qu'est-il donc arrivé à la jeune anglaise timide et réservée ? On l'a piétinée et vendue tel un morceau de barbaque ne valant pas des roupies de sansonnet. S'adapter était donc une question de survie... Oh ça ? Ce n'est rien, je suis d'une maladresse légendaire, ce qui me connaissent un peu le savent... Je tente un sourire qui se veut amusé et charmeur, mais bientôt, mon manque cruel de prédisposition au mensonge me rattrape à grand galop. Ne dites rien, s'il vous plaît... j'ai besoin de ce travail... je... Imaginer les coups qui risquent de pleuvoir plus tard dans la nuit tend à l'extrême le moindre de mes muscles alors que mes iris émeraudes se tournent vers le sol, honteux.

calculateur et observateur, tes yeux se posent sur le bras mal maquillé, les hématomes mal dissimulés. toi aussi tu trempes dans des affaires louches, cez. mais pas comme ça. tu cautionnes pas la violence sur les êtres innocents, ça te fait entrer dans une rage terrible. pourtant tu gardes ton visage impassible, toujours dans l'analyse de la situation. son mensonge t'arrache juste une légère grimace qui tord tes traits quelques secondes. ❝ ça ne ressemble pas vraiment à des blessures causées par une simple chute. ❞ tes yeux finissent par trouver les siens alors que la vérité s'échappe des lèvres de ton interlocutrice. tu brises la distance qui vous séparer, ta main trouve délicatement son menton pour lui faire relever la tête. ❝ ton patron ? pourquoi ? ❞ parce que c'est un monstre, qu'il la considère comme une chose, sans aucun doute. les doigts de ta main libre se referment, ongles qui s'enfoncent dans le creux de ta main et y laissent des marques de croissant de lune. ❝ tu dois quitter cet endroit, laisse moi t'aider. ❞

Je me retrouve perdue face à sa question, comme une bête sauvage devant les phares d'une voiture quelques secondes avant impact. La méfiance est de mise, surtout dans ce milieu où les hommes considèrent davantage les hôtesses du club comme de vulgaires morceaux de viande. Le fait qu'il soit physiquement proche de moi fait battre mon coeur mais pas de gêne, davantage de crainte. Et s'il était de la même trempe que ce patron considérant mon corps comme un sac de boxe ? N'est-ce pas l'excuse que l'on présente sur un plateau dans ces cas-là ? Ses doigts font redresser sans dureté mon menton, incitant mes iris d'émeraude à croiser son regard. Quelque chose m'interpelle dans ses yeux, sans que je ne puisse mettre de mots sur cette impression. Rien de négatif, en tout cas pas tourné contre moi, surtout si je me fie à mon instinct. C'est... compliqué. J'ai besoin de ce travail... Mon être se met à trembler à l'évocation de ce qui pourrait se passer si j'étais renvoyée de ce job. Pourquoi voulez-vous m'aider ? Vous ne me devez rien. Vous ne me connaissez pas... Je n'ai hélas pas le temps de dire quoi que ce soit d'autre que mon boss se radine, l'air menaçant. Un problème Monsieur ? Je peux vous offrir une danse avec une hôtesse plus docile, si c'est à votre goût. Timerra n'est pas notre danseuse la plus douée. Sans que je ne m'en rende compte, mes tremblements s'intensifient.

Ta respiration ralentit alors que tu réfléchis à la situation dans laquelle se trouve la jeune femme, emprisonnée entre les griffes d'un homme dangereux et violent. Tu ne sais pas vraiment si tu vaux mieux que lui, tout aussi calculateur et perfide, mais la violence en moins - ou presque. À l'instant présent tes poings pourraient s'abattre sur le visage de l'homme pour que tu deviennes une énième fois un justicier. La voix de la jeune femme te sort à nouveau de tes pensées, ton visage se tourne lentement vers elle. ❝ Si, mais mentir ne vous sied pas au teint. ❞ tu mords dans ta lèvre inférieure, réfléchissant à la suite des évènements. Tu imagines facilement le patron, l'oreille attentive à votre conversation, aux bruits qui s'élèvent dans votre petite pièce. ❝ Parce que l'on ne se connaît pas, je devrais vous laisser finir vos jours dans cet endroit sordide ? Si je le voulais je pourrais faire fermer cet établissement en claquant des doigts. ❞ et l'homme pénètre dans votre antre, coupant net votre discussion. Tes doigts glissent et entourent le poignet de la dénommée Timerra, sans la regarder ta voix tranche de nouveau le silence : ❝ Es-tu capable de faire confiance à un parfait inconnu ? ❞