Envie irrépressible d’oublier. Envie incontrôlable de juste tout effacer. D’effacer tout le monde. D’effacer la totalité de ces derniers mois qui s’étaient écoulés sur Boston. Ces mois s’étaient enchaînés avec leurs lots d’histoires et de drames. J’avais rencontré du monde au cours des derniers mois et, putain, j’avais cru tomber amoureux de plus d’un mec. Plus d’une fois je m’étais mis à paniquer. Plus d’une fois je m’étais mis à m’engager dans une sorte d’histoire. Mais, dans le fond, je savais que tout ça était faux. Ça n’avait pas réellement vibré en moi. Je n’avais pas réellement aimé qui que ce soit. J’avais ressenti des choses il était vrai. J’avais ressenti des sentiments enfouis depuis le décès de mon mari des années plus tôt. Mais, putain, ce n’était pas du vrai amour. Je n’y aurais plus le droit à ça de toute manière. Mon vrai amour était mort et je n’avais fait que chercher à m’accrocher à des hommes pour ne pas me retrouver seul le soir. Stupide Ange. Il y avait eu Georgie. Il y avait eu Eben. Il y avait eu Sean. Il y avait eu Étienne. Ils m’avaient tous fait vibrer plus ou moins fortement, mais bordel, ça n’avait jamais été réellement de l’amour. De toute manière, cela importait peu. Georgie, Sean et Étienne n’étaient plus là du tout. Ils ne faisaient plus partis de mon existence. Les pages s’étaient effacées de mon histoire. Les pages avaient été arrachée de mon existence. Quant à Eben, il était encore là parfois comme une sorte d’ami sans que je ne parvienne à réellement l’accepter. Tout ça n’était qu’un lot de conneries. Je m’étais amouraché comme une gamine de quinze ans devant ses idoles. J’avais voulu croire à ces quelques choses pour ne pas sombrer plus profondément. Ben vous savez quoi ?! C’était un échec. J’étais seul et je sombrais plus profondément chaque jour. Secouant la tête pour chasser les pensées qui s’emmêlaient à l’intérieur de mon esprit, je me redressais à peine pour terminer la bouteille d’alcool que je venais de vider. La deuxième bouteille en trop peu de temps. Et, sans perdre plus de temps, je glissais la main dans la poche de mon jean pour attraper le sachet qui contenait les pilules miracles. Ces pilules qui me permettaient de tenir debout. Ces pilules auxquelles je devenais de plus en plus accro. Ange qui ne savait plus se passer des substances.

Le sachet se retrouvait sous mes iris bleues et le soupir passait la barrière de mes lèvres. Il était vide. Il n’y avait plus rien. Me redressant soudainement, je me mettais en quête d’un quelconque autre sachet que j’aurai pu planquer au sein de mon bureau au Queer Lips. Oui, j’étais encore et toujours échoué sur mon lieu de travail plutôt que dans mon appartement. Je retournais le bureau comme le drogué en quête de sa dose que j’étais et le cri de rage m’échappait. Rien de rien. Il n’y avait rien. Attrapant ma veste, je m’empressais de l’enfiler et de quitter les lieux. La seule solution était de me rendre au sein de mon appartement pour vérifier mon stock chez moi avant d’envisager d’aller voir un dealer pour chopper quelque chose de nouveau. Descendant les escaliers du Queer Lips, je manquais de chuter à cause de cet alcool qui circulait dans mes veines. Je me rattrapais de justesse avant de quitter les lieux plissant vivement les yeux lorsque le soleil rencontrait mes prunelles. F*ck il faisait vraiment beau dehors et il y avait du monde en plus. Rabattant la capuche de ma veste sur ma tête, je glissais mes mains dans mes poches avant de me mettre en marche. Éviter tout le monde et aller à mon appartement. Pourquoi diable avais-je oublié ma voiture chez moi hier ? J’aurai tant préféré conduire que de devoir me payer le chemin à pied. Un chemin qui n’allait pas être tranquille. Une voix m’interpellait soudainement me poussant à grimacer. Je n’avais pas envie de faire face à qui que ce soit. Pourtant, je me retournais doucement posant mon regard sur l’officier Wenston. Marlon si mes souvenirs étaient exacts. Il se souvenait lui aussi de mon prénom tiens et ça me faisait sourire tandis que je hochais simplement la tête pour confirmer mon identité. Les questions tombaient alors me poussant à froncer les sourcils avant de souffler « Je suis simplement en train de marcher ça se voit non ? » Sourire amusé collé au visage, je m’approchais d’un pas de l’officier avant d’hausser les épaules et de rajouter « Arrêter mes conneries n’est pas au programme désolé monsieur le sexy officier ». Cela ne le serait d’ailleurs jamais. J’avais besoin d’alcool et de drogue pour tenir debout. J’avais besoin de ces substances pour rester dans ce monde jusqu’à ce que la mort ne vienne me faucher. L'une de mes mains venaient se poser sur le bras de Marlon. Mes doigts remontaient lentement le long de son bras alors que je plantais mon regard dans le sien pour demander « Tu vas m'arrêter ou je peux rentrer chez moi tranquillement ? » Ange qui avait follement envie de rentrer chez lui. Ange qui avait tant besoin de trouver sa dose.

Quiétude troublée. Oubli repoussé. Solitude dérangée. Je n’emmerdais personne dans cette rue. Ange qui ne faisait que passer comme une ombre dans cette rue ensoleillée. Une ombre invisible des autres. Je me contentais de faire sagement mon chemin pour rejoindre mon appartement sans me trouver sur la route des autres. Je ne voulais pas parler. Je ne voulais pas échanger. Pas aujourd’hui. Pas maintenant. J’étais la seule et unique cible de ma destruction. J’étais le solitaire qui plongeait seul et tentait toujours de n’attirer personne au fond du gouffre. Juste moi. Seul. Encore et toujours. Capuche sur la tête, mains enfoncées dans les poches, je traçais ma route sans prêter d’attention au monde. J’évitais les gens sur le trottoir. Je ne fixais personne. Je ne parlais pas. Je ne souriais pas. Je me contentais d’avancer le plus vite possible. Je voulais pouvoir me faufiler au sein de mon appartement et me laisser tomber sur mon canapé avec un sachet de pilules miracles. Je voulais avaler l’une de ces pilules et la laisser m’emmener loin de toutes ces horreurs qui tournaient dans ma tête. Je désirais consommer cette substance miracle qui me permettait de tenir debout et qui me permettrait d’offrir le visage de l’Ange que les autres connaissaient. Ange souriant. Ange fêtard. Ange fou. Ange dragueur. Juste rentrer, consommer, laisser passer quelques heures de solitudes avant de rejoindre de nouveau le Queer Lips pour trouver quelqu’un avec qui passer ma nuit sans qu’elle ne soit peuplée de cauchemar. Trouver un mec avec qui baiser simplement pour ne pas avoir à dormir. Cependant, les plans étaient contrecarrés bien trop vite lorsqu’une voix m’interpellait dans la rue. Je n’avais pas envie de me retourner. J’avais envie de jouer la sourde oreille. Juste continuer à avancer. Simplement accélérer le pas. Pourtant, malgré la grimace qui passait un bref instant sur mon visage, j’acceptais de me retourner sagement pour faire face à l’officier que je connaissais un peu trop et qui me reconnaissait si aisément. Ange loin d’être sage. Je me contentais d’hocher la tête et de sourire lorsqu’il déclinait de lui-même mon identité. Néanmoins, le silence ne m’habitait pas très longtemps alors que je rétorquais à son interrogation avec un sourire amusé collé sur le visage. Un sourire amusé qui se transformait en rire à la réponse que Marlon soufflait. Ma langue glissait sur mes lèvres et je rétorquais « Que veux tu c’est difficile de se cacher quand on fait bander n’importe qui juste en marchant dans la rue. » Mes prunelles se plantaient dans les siennes un instant. Ange cru sans la moindre hésitation. Ange sans contrôle qui se plaisait à jouer ce jeu aussi plaisant que dangereux.

M’approchant d’un pas de l’officier, j’haussais doucement les épaules pour répondre à une autre interrogation. Ces conneries n’étaient pas prêtes de s’arrêter. Ce n’était pas au programme. Cela ne pourrait jamais l’être. Je me fichais que les autres ne comprennent pas. C’était juste ainsi. Je ne pouvais pas tenir sur mes deux jambes sans ces conneries. Je ne pouvais pas trouver le courage de faire face au monde sans ces substances. Elles me permettaient de vivre autant qu’elles me détruisaient dans le fond. Je le savais. J’en avais conscience. Néanmoins, je ne savais pas m’arrêter. Je n’avais d’ailleurs même pas envie d’apprendre à m’arrêter. En entendant les propos de Marlon, mes yeux se levaient au ciel. Ouais, nous avions déjà parlé de mon addiction à bien trop de substances. Nous avions parlé de ce que j’étais censé faire pour marquer la fin de ces conneries. Je m’en souvenais parfaitement tout comme je me rappelais que ces discussions me faisaient royalement chier. Je n’avais pas envie de cesser mes addictions. Je ne voulais pas arrêter ces conneries. Toutes ces discussions n’étaient que des mots auxquels je ne pouvais guère donner vie. Je préférais garder le silence. Je préférais ne rien dire face à ces mots dérangeant. Je ne répondais pas déposant ma main sur le bras de Marlon. Mes doigts remontaient avec lenteur le long de son bras. Ange tentateur. Ange joueur. J’aimais tant me brûler avec ce feu. Regard planté dans le sien, je tentais de connaître la suite des événements. Je tentais d’en savoir plus sur ce qui allait se passer pour savoir si mes plans allaient tomber à l’eau. L’officier ne tardait pas à répondre m’envoyant un trop plein de questions. Mes sourcils se fronçaient. Les mots se mélangeaient dans ma tête. J’avais du mal à suivre. J’avais du mal à savoir ce que j’étais censé répondre. Putain, attendez… C’était quoi les questions déjà ? Soupirant, je finissais par lancer « Vu que c’est à moi de te dire, je propose que tu me laisses simplement rentrer chez moi. Je ne fais chier personne ici. » Et, comme pour confirmer mes dires, j’écartais les bras tournant sur moi afin de montrer que tout le monde se fichait bien de ma présence. Je n’étais pas une gêne. Je n’étais pas une emmerde. Juste un Ange sans ailes qui rentrait chez lui pour plonger dans son antre d’horreur. Reposant ma main sur les bras de Marlon, je plantais mes iris dans les siennes pour rajouter « Je ne cherche qu’à rentrer sagement à mon appartement. Ce que je fais chez moi ensuite ne regarde que moi. Si tu me laisses, je trace juste ma route jusqu’à mon appartement où je reste jusqu’à ce soir. » Vérité absolue. Ange qui ne voulait que rentrer chez lui. Je voulais rentrer pour prendre ma dose ouais, mais ça il n’avait pas besoin de le savoir. Je n’avais pas besoin de lui offrir toutes les vérités. Je n’avais pas besoin de lui confier tout le programme. Retirant ma main de son bras, je fouillais dans mes poches pour tirer une cigarette que je coinçais entre mes lèvres. J’allumais le bâtonnet de nicotine avec difficulté. Je finissais par y parvenir tirant lentement dessus avant de demander « C’est bon je peux y aller ? Ou peut-être que tu veux me raccompagner chez moi ? » Haussant un sourcil, j'attendais la réponse. Ange agacé. Ange impatient.

Langage cru passant la barrière des lèvres. Mots directs lancés dans l’arène. Peu importait qui se trouvait face à moi, je me comportais toujours de la même manière. Je n’étais pas le genre de personne qui tournait autour du pot ou qui cherchait à utiliser de jolies formules pour faire entendre ses pensées. Je n’étais guère le genre de mec qui hésitait sur les propos à balancer. Je me contentais de laisser les mots passer la barrière de mes lèvres sans la moindre hésitation. Je laissais mes vérités m’échapper me foutant totalement de l’individu qui pouvait se trouver en face de moi. J’étais ainsi. Ange qui n’avait jamais eu peur de s’exprimer. Ange qui n’aimait pas se perdre dans des milliers de mots ou dans des mensonges. J’étais direct. J’étais clair. Et, j’étais bien trop régulièrement foutrement cru dans mes paroles. Pour me voir hésiter sur les propos à tenir, il fallait être vraiment proche de moi. Il fallait être suffisamment proche pour connaître l’Ange humain au-delà de l’Ange façade que tous les autres connaissaient. Cette opportunité était rare. Rares étaient les personnes à me voir hésiter sur les mots. Rares étaient les personnes à découvrir un autre Ange derrière celui si confiant et cru. Et pourtant, il y avait tant de choses dont j’avais du mal à parler. Parler de mon défunt mari, parler de ce que je pouvais ressentir face à ça ou face à cette impression de porter la poisse, parler d’amour ou d’attachement, parler des douleurs qui entachaient mon quotidien, parler des cauchemars qui hantaient mes nuits, parler de ma souffrance, parler de sentiments… Tout ça, c’était foutrement compliqué pour moi et, fort heureusement pour moi, ça n’arrivait pas souvent. Il n’y avait pas suffisamment de personnes qui connaissaient cet Ange humain pour que ces difficultés soient quotidiennes. Bien au contraire. La majorité du temps, j’étais juste cet Ange au mots directs et au langage cru. Là, dans la rue, face à l’officier, je n’hésitais même pas à utiliser un mot trop cru. J’étais simplement sincère. J’étais juste direct en espérant abréger au plus vite cette rencontre qui tombait au mauvais moment. Marlon ne tardait pas à réagir me soufflant de faire gaffe à mon langage et avouant que je filais mal. Franchement, je n’avais qu’une envie, c’était de lui faire un doigt d’honneur et de lui dire d’aller se faire foutre. Ça pulsait en moi. Ça cognait dans mon être. Mais, il était en service et ça risquait de me foutre dans la merde. Enfonçant mes mains dans mes poches, je restais sage me contentant d’hausser les épaules pour toute réponse.

Néanmoins, ça ne s’arrêtait pas là. Marlon ne semblait pas prêt à me laisser partir pour rejoindre mon chez moi comme je le voulais tant. Il se mettait à parler de mes conneries alors que, bordel, il savait autant que moi que je n’étais pas prêt de les arrêter. C’était ma vie. C’était ainsi. Je levais les yeux au ciel devant le nouveau sermon qui tombait peu ravi de l’entendre. Il me faisait perdre mon temps. Il m’agaçait. Alors, je décidais de passer à l’offensive m’approchant de l’officier pour déposer ma main sur son bras laissant mes doigts y remonter avec lenteur. Les mots s’échangeaient. Je tentais d’obtenir l’autorisation de rentrer chez moi parce que, clairement, je n’embêtais personne ici et je ne faisais rien de mal. Je n’étais qu’un passant parmi les autres. Pourquoi était-il venu me voir ? Je n’avais rien fait. J’avais envie de siffler qu’il n’avait aucune raison de me retenir dans cette rue et qu’il n’avait aucune raison non plus pour m’embarquer. J’étais libre. Je n’avais rien fait de mal. Je ne faisais rien de mal. Je voulais juste rentrer chez moi pour faire mes affaires tranquillement tout seul sans déranger personne. Fouillant mes poches, je finissais par sortir une cigarette que je glissais rapidement entre mes lèvres dans l’attente de la suite des évènements. Pourtant, je n’avais toujours pas le droit de partir et ça m’agaçait. Ça me poussait  à demander si c’était bon, si je pouvais partir ou s’il voulait me raccompagner chez moi. Le sourcil se haussait à cette proposition qui était bien loin d’être innocente. Il ne me répondait pas. Sa voix résonnait de nouveau pour m’interroger. Quoique… Les mots ressemblaient plus à des faits ou même des accusations. Cela ne sonnait pas vraiment comme des questions. Le rire amusé passait la barrière de mes lèvres tandis que je secouais négativement la tête en réponse. Non je n’avais rien sur moi. Non je ne m’étais pas ravitaillé. Je n’étais pas stupide au point de me promener avec de la drogue sur moi en plein jour dans les rues bondées. Avant même que je ne puisse ouvrir la bouche, le collègue de Marlon débarquait disant qu’on me contrôlait ce qui ne faisait qu’élargir mon sourire. Je n’avais rien à cacher sur moi. Mon portefeuille, des clopes, des préservatifs, mes clés et ça devait être tout. Marlon s’éloignait pour rétorquer à son collègue. J’aurai dû laisser couler, mais j’étais comme j’étais. Direct. Incontrôlable. Aussi, je ne pouvais m’empêcher de surenchérir « Vous pouvez me contrôler si vous voulez… Et même me fouiller… » Sourire amusé aux lèvres, je coinçais la cigarette entre mes lèvres avant d’écarter les bras comme si je me mettais à leur disposition pour que les mains glissent sur moi. Et, soudainement, le choix tombait me poussant à grimacer. Ni l’un ni l’autre ne me tentait réellement. Des mots se rajoutaient à mon oreille me poussant à soupirer. Ramenant mes bras contre mon corps, je venais tirer sur ma clope avant de jeter un regard au collègue de Marlon. Mes iris claires se reposaient sur lui et je répondais enfin « Ramenez-moi chez moi alors. Mais, vous allez devoir m’escorter à pied car je ne monterais pas en voiture. Ça me rend malade. » J’hochais doucement la tête pour confirmer mes propos. Aucune substance miracle n'était dans l’être et je ne pourrais pas supporter de monter dans une voiture que je ne conduisais pas. Ange qui avait besoin du contrôle du volant depuis l’accident du défunt mari. Ange trop marqué par cet événement au point de ne plus savoir lâcher prise. Cicatrice indélébile sur l’être. Douleur ineffaçable dans la vie.

Fuite désirée. Fuite impossible. Arrêté en pleine rue par le cher officier Marlon, je me retrouvais dans l’impossibilité de m’enfuir à toute jambe loin de lui afin de poursuivre ma journée comme je l’entendais. Oh, j’aurai pu le tenter bien sûr. J’aurai pu prendre mes jambes à mon cou et tenter de m’effacer de la rue le plus rapidement possible. Avec un peu de chance, j’aurai même été plus rapide que lui. Cependant, je savais qu’agir ainsi n’était guère le comportement à avoir. Ça me foutrait dans la merde et je n’avais aucune envie de subir cela que ce soit directement aujourd’hui ou plus tard lorsqu’il me retomberait dessus. De toute manière, aujourd’hui, lors de cet arrêt soudain, je n’avais absolument rien à cacher. Aucune substance ne se trouvait sur moi. Je n’avais pas déclenché de bagarre. Je n’avais aucun comportement déplacé. Je ne faisais absolument rien de mal. Aussi, en me pliant sagement à cette arrestation en pleine rue, je savais que je ne risquais rien. J’étais bien trop sage pour une fois. Je prenais donc sur moi pour demeurer face à Marlon alors que je désirais simplement rentrer chez moi. Je voulais pouvoir noyer mes sombres pensées. Je désirais me cloîtrer au sein de mon appartement sans faire chier personne. Je voulais retrouver ma solitude et m’enfuir des rues de Boston. Juste ça. Je restais sagement à ma place quand bien même je rêvais de gigoter sous la nervosité qui cognait en moi. Cette nervosité de ne pas savoir de quoi mon futur allait être fait. Les mots s’enchaînaient alors. La discussion se poursuivait. Marlon me refait un f*cking sermon sur mon état habituel. Cet état qui me collait à la peau et dont je ne pouvais pas me défaire. Cet état dont je n’avais d’ailleurs aucune envie de me défaire. C’était mon habitude. C’était ma sécurité. Ça faisait parti de moi. J’étais comme ça et personne ne pourrait ne pourrait le changer parce que c’était mon carburant à moi pour ne pas me laisser dépérir sans bouger de chez moi. Cela faisait bientôt dix ans que je vivais de cette manière. Ça n’allait donc guère s’arrêter pour les beaux yeux d’un officier qui s’amusait à me sermonner à chaque fois qu’il me voyait. Je me fichais bien de ce qu’il pouvait dire. C’était ma vie et mes choix. Je faisais ce que je désirais d’autant plus que je n’embêtais jamais personne avec mes substances. Ce n’était que moi que je détruisais jour après jour. Qu’on me foute donc la paix avec ces leçons dont je me fichais bien. Qu’il me foute la paix avec ces mots qui ne changeraient rien.

Plutôt que de subir ces mots passivement pendant des heures sans pouvoir retrouver mon cocon, je tentais de passer à l’offensive. Il fallait agir pour essayer de faire bouger les choses. Il fallait que je tente d’attaquer pour obtenir ma liberté. Ma main se déposait sur le bras de l’officier. Mes doigts remontaient lentement. Je tentais d’obtenir l’autorisation de m’en aller d’ici quitte à ce qu’il me raccompagne chez moi avec, pourquoi pas, une baise à la clé. Je ne dirais pas non à coucher avec un homme en uniforme. Malheureusement, le plan tombait à l’eau en un rien de temps. Ma liberté n’était guère accordée. Pire encore, le collègue de Marlon débarquait soudainement. L’officier échappait à mon contact et les propos tombaient m’arrachant un soupir. Le collègue de Marlon semblait bien plus sur l’offensive. Il voulait me contrôler. Il voulait même me fouiller. Manque de chance pour lui, je n’avais absolument rien à cacher aujourd’hui. Je n’enfreignais rien. Coinçant ma cigarette entre mes lèvres, j’écartais sagement les bras prêt à subir tout ce qu’ils désiraient me faire subir. Je coopérais en toute sérénité. Je n’avais même pas eu la moindre hésitation. Je ne m’étais pas posé la moindre question. Pourtant, rien ne venait et ça m’agaçait sans doute un peu trop. Après tout, s’ils effectuaient leur contrôle et leur fouille sans rien trouver, je pourrais alors m’échapper et rentrer simplement chez moi. Ce n’était pas ce qui se passait. Au contraire, le choix m’était lancé. Ils pouvaient me ramener ou m’embarquer. Tirant sur ma cigarette, mes sourcils se fronçaient sans que je ne le contrôle. Pourquoi m’embarquer ? Sous quelle raison pouvait-il m’embarquer comme ça ? J’avais presque envie de dégainer mon téléphone pour contact un avocat et lui poser la question. Ils n’avaient pas le droit de m’embarquer comme ça alors qu’il n’y avait aucune raison pour le faire. Je préférais pourtant ne pas chercher la dispute et je laissais simplement entendre mon désir. Je voulais rentrer chez moi alors ils n’avaient qu’à me ramener chez moi. La condition ne tardait pas à tomber. Mon escorte devait se faire à pied. Je prétendais être malade en voiture et, dans le fond, c’était un peu le cas. Je n’allais pas vomir ou tomber dans les pommes. En revanche, j’allais sombrer dans une crise de panique qui me serait bien trop douloureuse. La cicatrice était ancrée sur l’être. Le souvenir était intense. Je ne pouvais pas monter dans une voiture sans conduire. Ça m’était impossible depuis dix ans. La réaction de Marlon ne tardait pas à tomber et j’haussais doucement les épaules en soufflant « Suis totalement sérieux… » Absolument sérieux. Il était hors de question qu’ils me rendent malade en me foutant de force dans une bagnole. Encore moins alors que je n’avais rien fait du tout. Je n’avais pas commis de faute. Je n’avais rien fait de dangereux. Je n’avais embêté personne.