Soirée passée au Nephilim avec deux collègues, et voilà qu'il venait d'être planté après que ces derniers aient décidé de rejoindre leurs femmes. Pas ce problème pour Milo, qui n'était pas encombré de la sorte. Il se permettait alors de terminer son premier et d'ailleurs seul verre d'alcool du soir. L'un des petits plaisirs qu'il s'était octroyé durant son séjour à Punta Cana, mais c'était le retour à la réalité. Et dans son quotidien, il se limitait toujours quant à sa consommation d'alcool. Forcément, venant de quelqu'un qui détestait perdre le contrôle. Les quelques verres de vins et de champagne échangés avec des clients arrivaient déjà à dépasser ce qu'il se permettait en temps normal. Loin de lui l'envie de rester là à observer les autres, le verre vide, il considérait que sa soirée se terminait aussi. Premier pied hors du Nephilim, il empruntait la rue derrière pour rejoindre le parking où était garée sa voiture. Mais à quelques mètres, il semblait tomber sur un échange très peu positif. Des silhouettes qu'il distinguait assez mal avec le peu d'éclairage, jusqu'à bien s'en approcher. Ses sourcils se fronçaient en remarquant une tête qu'il connaissait assez bien. « Il y a un problème ? » Qu'il lâchait, le ton froid et les yeux rivés sur l'homme qui balbutiait quelques mots avant de déguerpir en vitesse. « Rebecca. Tout va bien ? » Son prénom qu'il s'était empêché de dire en présence du parasite, ne souhaitant pas dévoiler un bout de son identité s'il ne l'avait pas déjà.

J’avais passé la soirée dans un nouveau bar. Le nom m’avait inspiré lorsque j’étais passée à côté. J’y étais entrée pour seulement un verre, et j’en avais bu plus d’un. Jusqu’à ce qu’un homme vienne m’emmerder. Je ne sais pas si c’était sa façon de m’approcher ou non, mais il me parlait de vacances, d’un endroit où on l’on se serait déjà vu. Je l’avais regardé, droit dans les yeux, avant de lui dire que non, je ne le connaissais pas. Et je n’en avais pas envie de le connaitre non plus. J’avais tenté de sortir du bar, pensant qu’il y resterait pour se trouver une autre femme, mais il m’avait suivi. Et le fait que je titubais légèrement en marchant lui donnait surement davantage envie de m’emmerder. Mais je n’étais pas totalement bourrée. Pas encore. Alors je lui tenais tête, ce qui ne semblait pas lui plaire. Le ton commençait à monter, il ne me faisait pas peur. Malgré la rue sombre dans laquelle nous étions. Personne dans les environs. Cela n’allait pas m’arrêter pour autant. Mais une autre voix masculine sembla lui faire peur. Une voix qui me disait quelque chose. Et ce fut une autre grimace qui vint se poser sur mon visage lorsque je vis de qui il s’agissait. Milo. « Super, j’ai troqué un connard contre un emmerdeur. » La peste ou le choléra. « Ca va, merci, mais je gérais la situation. » Non, je ne voulais pas qu’il pense qu’il m’avait sauvé ou tout simplement aidé. Ca lui plairait trop. Et alors que j’allais partir, ne voulant pas rester plus longtemps en sa présence, mon talon s’enfonça dans le sol, ce qui me fit perdre l’équilibre. J’entendis ma cheville se tordre. Sous la douleur, je me retrouvais au sol, n’arrivant plus à me relever. La soirée se terminait mal.

Bonne soirée passée avec ses collègues, Milo avait finalement décidé de rentrer seul. Personne à son bras, de quoi finir la soirée tranquillement. C'était avant qu'il croise le chemin de Rebecca, dont les problèmes ne semblaient pas cesser de la suivre. L'homme qu'il avait fait fuir, il se concentrait désormais sur sa rivale. Il était habitué à ses piques, mais est-ce qu'il venait vraiment d'être comparé à un agresseur ? Un sourcil arqué, il restait immobile en la regardant faire la difficile. Pas même le temps de répliquer qu'elle tentait de rebrousser chemin, et terminait au sol. Sans doute la cheville qui avait pris le coup, ses talons avec lesquels elle n'arrivait même pas à marcher. Connard qu'il était, il lâchait un rire. « Vous y réfléchirez à deux fois la prochaine fois, toi et ta langue de vipère. » Pas qu'il croyait à ces conneries de karma, mais tout de suite, il venait d'avoir l'exemple parfait en face de lui. « Allez, j'vais pas te laisser ça. Tu risques d'être prise pour quelqu'un qui attend des clients. » Bonne action qu'il faisait glisser sous une taquinerie qui, il savait, ne serait pas bien prise en vue des sous-entendus qu'il impliquait. Il se baissait pour jeter un oeil à sa cheville. Il y voyait pas grand chose, avec le peu de lumière, et il n'était pas médecin non plus. « Bon, accroche-toi à moi. » Il se relevait à moitié, l'agrippant pour l'aider à se redresser aussi.

Bon la soirée ne s’était pas terminée comme je l’avais souhaité. J’avais dû sortir plus tôt, afin de me débarrasser d’un enquiquineur, mais ça n’avait pas fonctionné. Je me retrouvais même face à mon « pire ennemi », mon plus grand adversaire sur le terrain. Maitre Musat. Evidemment, je n’avais pas réfléchi avant de parler. L’alcool n’aidant pas. Pourtant, je sais que le Karma m’a dans le collimateur. Cela m’étonnait à peine que je me fasse mal alors que je venais juste de l’envoyer chier, alors que lui, n'avait voulu qu’une seule chose : m’aider. « Ouais c’est ça. » Normalement j’ai plus de répartie, mais que pouvais-je dire ? Il avait raison. Je devais réfléchir avant de parler. Mon corps est assez faible comme ça pour que je continue à le malmener de la sorte. « Oui et toi d’un homme qui recherche du bon temps en échange d’argent. » Mais peut-être que ça ne le dérangeait pas. Peut-être même qu’il s’y adonnait déjà à ce genre d’activités. Pourtant, alors que j’acceptais son aide, je m’aperçus, pour la première fois qu’il n’avait pas besoin de payer pour des faveurs sexuelles. « T’es beau. » On a dit qu’il fallait réfléchir Rebecca, avant de parler. « Et si on prenait un dernier verre ensembles… » Mon regard plongé dans le sien, je rajoutais. « Je l’offre à tous mes premiers clients... » Petit sourire en coin, il pouvait bien le prendre comme il voulait. Client en tant qu’avocate ou ce qu’il avait insinué plus tôt.

Voir quelqu'un emmerder l'avocate, ça aurait dû le faire rire, lui qui était maître en la matière. Mais justement. Il n'aimait pas voir d'autres personnes l'emmerder. Encore moins lorsque ça semblait être dangereux, car même si Milo pouvait se montrer odieux, ça restait toujours maîtrisé et verbal. Pas sûr que ça ne s'arrête qu'à ça ici. Il n'avait pas eu besoin de transpirer en revanche, le lâche ayant vite pris la fuite. Et lui se retrouvait avec une Rebecca à terre, incapable de tenir sur ses escarpins. « Tu sais très bien que j'ai pas besoin de ça. » Qu'il disait sourire en coin, un peu trop proche de son visage alors qu'il l'avait aidée à se relever. C'était pas tant dans ses plans de jouer le chevalier ce soir, mais voilà qu'il y était contraint, car il n'était pas encore totalement cruel pour la laisser seule dans un tel état. Même si elle le méritait bien. T'es beau. Impossible de masquer sa surprise, il tournait le regard vers la brune. « Je savais pas que c'était possible de faire un trauma crânien en se pétant une cheville. » Parce que ça ne pouvait qu'être ça, qui expliquait le premier compliment qu'elle lui faisait depuis.. qu'ils se connaissaient. Soit des années. « Une offre que j'peux pas refuser. » Il rentrait dans son jeu, l'aidant à marcher en la tenant fermement par la taille, pour la guider jusqu'où sa voiture est garée. « Chez toi, en revanche. » Qu'il disait en ouvrant la portière du côté passager. Il comptait bien la ramener chez elle de toute manière, mais combien de temps avant qu'elle ne se sente au pied du mur et décide de faire machine arrière ?

Voir Milo ici me surprenait. C’était bien la première fois que l’on se rencontrait par hasard, en dehors du tribunal, des heures de travail. Pourtant, on habite dans la même ville. Mais celle-ci est grande. Je ne pensais tout simplement pas le voir ce soir, et qu’il joue au « sauveur ». Ça me tuait de lui devoir quelque chose maintenant. Car c’était certain que ça allait rester dans un coin de sa tête. J’allais en entendre parler. Je ne lui en voulais pas en soi. J’aurais surement fait la même chose si les rôles avaient été inversés. « A vrai dire … je ne me suis jamais posé la question. » Mais au-delà du physique, je ne voyais pas comment quelqu’un pourrait vouloir se le faire. Il est juste insupportable, avec son regard arrogant et supérieur. « Tout est possible. » Et je n’en dis pas plus. J’en avais déjà trop dit. Encore une chose dont il s’en souviendrait. Cette soirée n’était clairement pas la mienne. J’allais en prendre plein. Et c’est surement pour cela que je lui proposais un verre. Le dernier. Pour le faire oublier ? Pour que j’oublie, moi ? Je ne sais pas trop, mais le verre avait été proposé. « Chez moi ? » Lui demandais-je, surprise. « Et pourquoi pas chez toi ? » Je restais debout, accrochée à la portière, attendant sa réponse. « Je ne ramène chez moi que les clients privilégiés… si tu vois ce que je veux dire. » Je posais alors ma tête sur la portière, ne sachant pas vraiment si je voulais monter dans cette voiture. Ce n’était peut-être pas une bonne idée. Non, ça ne l’est clairement pas. Et pourtant, j’y entrais tout de même. Après tout, jusqu’ici, j’ai toujours essayé de bien faire les choses, de suivre la voix de la raison. Et voilà où j’en suis alors, pourquoi, ne pas faire tout le contraire de ce que je ferais habituellement, ce soir ? Juste le temps d’une soirée.

De toutes les personnes qu'il aurait pu croiser, ce soir, le nom de Rebecca ne lui avait même pas effleuré l'esprit. Un long moment qu'il ne l'avait pas croisée. Depuis qu'elle avait pris une pause après son incident, à vrai dire. Quelques messages échangés ici et là, mais ça s'était rapidement arrêté. Ils n'avaient pas ce genre de rapport, après tout. Et ce soir, il avait un rappel de pourquoi est-ce qu'il ne la supportait pas plus de cinq minutes dans une même pièce. Sauf qu'il n'était pas cruel non plus, et qu'il se voyait mal la laisser se démerder alors qu'elle s'était foulé la cheville. Ivre et blessée, nul ne savait ce qui pourrait lui arriver et il ne comptait pas en être responsable. « Tu te posais jamais la question, quand tu me voyais au tribunal ? Menteuse. » Il plaisait, et il le savait bien. En revanche, il comptait juste la taquiner car il ne pensait pas qu'elle lui trouvait réellement quelque chose. Mais il était bien connu que l'alcool déliait les langues, et en la voyant laisser glisser quelques phrases ambiguës, il pouvait bien se poser la question désormais. Rire qu'il ne pouvait s'empêcher de lâcher lorsque l'avocate lui proposait un dernier verre, laissant un grand sous-entendu planer. Et lui comptait bien rentrer dans son jeu, alors qu'il l'aidait à marcher jusqu'à sa voiture, portière ouverte pour lui permettre d'entrer. « Tu viens pas de dire que tu m'offrais un verre ? C'est pas très pro, de se contredire. » C'est bien ce qu'on leur apprenait, dans leur milieu. Toujours savoir mener sa barque, sans afficher la moindre faille. Il prenait ensuite place sur le siège conducteur, lorsqu'elle acceptait enfin de rentrer à l'intérieur du véhicule. « Ton adresse ? » Qu'il demandait donc, mettant déjà son moteur en marche pour quitter le parking et se mettre en route.

De tous les avocats qui peuvent être face à moi, Milo est totalement celui à abattre. Sans même que l'on ait eu besoin de se parler, un regard avait suffit à comprendre qu'on voulait battre l'autre. Et depuis ce petit jeu avait continué. Mais cela restait au tribunal. En dehors, on ne se parlait même pas. Cette relation de concurrant nous allait et on n'avait cherché plus. Alors non, je n'y avais pas pensé une seule seconde à ce qu'il pouvait être beau. "Trop concentrée à vouloir te battre. Mais ravie de voir que de ton côté, tu sembles déjà y avoir pensé." Petit clin d'oeil, un nouveau jeu semblait s'être installé entre nous ce soir. Un jeu qui me plaisait plutôt bien. Peut-être que je commençais à m'ennuyer de ne seulement le voir qu'au tribunal. Nous étions tous les deux bons. Dans nos domaines respectifs. Seulement, je ne le lui dirais jamais. Ca lui ferait trop plaisir. "Je ne vis pas toute seule Milo." J'aurais pu lui offrir un verre, avec plaisir. Mais aller chez moi, je n'en savais trop rien. Je n'avais pas envie de tomber sur ma fille ou mon neveu. Mais une fois dans la voiture, il me demanda mon adresse. Il semblait déterminé. "Ok. Mais ne viens pas te plaindre si tu dois sauter par la fenêtre à poil par la suite." Et après lui avoir dit cela, je lui donnais enfin mon adresse. La voiture démarra et je rajoutais. "Tu sais que j'ai une fille ... t'en fais pas, elle est grande, j'aurais pas à m'occuper d'elle. Puis j'ai mon neveu qui squatte aussi." Au moins il était prévenu de là où il mettait les pieds.