Mardi 17 Janvier. 10:30 am

Le sifflotement s’échappait de mes lèvres tandis que mes mains trifouillaient les pièces de la moto à mes côtés. Sourcils froncés, je n’étais sans doute pas suffisamment concentré sur mon boulot. Mes mains et mes avants-bras étaient noirs tandis que le problème mécanique – plutôt simple – n’était pas encore résolu. Ma tête était ailleurs. Je pensais à mon mari et à la proposition qu’il m’avait faite pour rejoindre le Sun et quitter le Lord Hobo. Mio Amore avait vu que je m’y sentais mal. Il avait vu que, malgré tous mes efforts, les souvenirs de cette balle qui s’était logée en moi demeuraient trop vifs. Il l’avait vu et il m’offrait une nouvelle porte. Une porte face à laquelle j’étais incertain. Une part de moi avait envie d’accepter et de tenter cette nouvelle aventure auprès de l’homme que j’aimais. Cependant, une autre part de moi ne voulait pas quitter le Lord Hobo. Cet endroit où on m’avait donné ma chance. Puis… Est-ce que bosser avec mon mari était vraiment une bonne chose ? Est-ce que ça ne risquait pas de faire dégénérer notre relation ? Est-ce que ça ne risquait pas de m’enfermer encore plus dans la bulle au sein de laquelle je m’étais réfugié ? Cette bulle du métro-boulot-dodo. Cette bulle qui m’accompagnait depuis des semaines. Je bossais. Je m’occupais de ma fille. Je passais du temps avec mon mari. Voilà à quoi se résumait ma vie. La Mafia y apportait un peu de piment et d’imprévus. Cependant, les missions étaient moindres. Elles n’impactaient pas trop mon quotidien même si Ashton semblait m’avoir vu en compagnie de Rob et que ça venait provoquer une vague dans mon existence. Une vague que je pouvais gérer. Une vague que j’allais gérer. Secouant la tête, je soupirais un coup avant de me concentrer un peu plus sur mes actes. Le destin semblait pourtant avoir décidé que je n’allais pas m’occuper de cette moto aujourd’hui tandis que mon téléphone sonnait.

Essuyant à peine l’une de mes mains sur le chiffon à mes côtés, j’attrapais le mobile pour jeter un bref coup d’oeil à l’écran. Juste vérifier la notification. Simplement prendre le temps de savoir si ça demandait mon attention sur le champs ou si ça pouvait attendre la fin de ma matinée au garage. Mes iris sombres se posaient sur le Wifey qui s’affichait sur mon écran et me poussait à froncer les sourcils. Malgré moi, mon cœur cognait plus fort dans ma poitrine et mon ventre se tordait. Était-il arrivé quelque chose à Summer ? À Aurore ? Je m’empressais d’ouvrir le message et le « Fuck » s’échappait aussitôt de mes lèvres. Je me relevais soudainement manquant de chuter parmi les outils étalés au sol. La litanie de jurons continuait de glisser entre mes lèvres tandis que je tournais sur moi-même un peu trop paumé sur l’ordre des choses. Qu’est-ce que je devais faire déjà ? Aller à l’hôpital. Il fallait que j’aille à l’hôpital sur le champ pour rejoindre Summer. Son bipeur avait sonné. Un donneur compatible avait été trouvé. Et… Oh bordel. Composant un rapide J’arrive à l’intention de ma Wifey, je m’empressais d’appeler mon mari le mettant sur haut parleur pendant que je me hâtais à me nettoyer les mains et les bras. Quand Mio Amore décrochait, je lâchais les mots de façon un peu précipité. Je n’étais pas certains d’être clair. Gamin qui devait faire vite. Gosse qui se sentait submergé soudainement. Je babillais à propos du bipeur de Summer qui avait sonné. Je soufflais qu’il fallait vite aller à l’hôpital. Je lançais que j’y allais aussitôt et que mon mari pouvait m’y rejoindre. Je ne m’éternisais pas enfilant ma veste et enfourchant la moto pour prendre la route vers l’hôpital. Le trajet était fait en vitesse de façon un peu trop dangereuse sans doute. Le trajet était fait à la hâte tandis que le ventre restait tordu et que le cœur frappait fort la poitrine. Le trajet était un peu trop rapide et je m’empressais de pénétrer dans l’hôpital après avoir vu que mon mari n’était pas encore présent. Je me hâtais dans les couloirs jusqu’à finir par trouver ma meilleure amie et ma fille. M’approchant d’elles, je lançais un « Hey les plus belles… » que je voulais détendu et joyeux. Cependant, ma voix n’était sans doute que nervosité et instabilité.

La panique m’avait prise aux tripes lorsque la notification s’était affichée sur mon écran. La panique s’était intensifiée lorsque mes prunelles sombres avaient découvert le contenu du message. Elle était là. Réelle et incontrôlable comme cette réalité qui semblait s’inviter dans notre existence. À Summer. À Aurore. À mon mari. À moi. À nous quatre, nous étions une famille et ce qui impactait l’un d’entre nous venait obligatoirement impacter les autres. Ce n’était pas pour rien que j’avais accepté de travailler de nouveau pour Rob. Après tout, si je me retrouvais en prison, la vie de ces trois personnes risquait d’être impactée et je ne le voulais pas. Ce n’était pas pour rien que je faisais attention à chacune de mes missions et au monde autour de moi. Je voulais garder le contrôle sur cette histoire. Je ne voulais pas que mon mari, ma Wifey ou ma fille se retrouvent réellement en plein milieu de ces événements bien trop illégaux et dangereux. Tournant sur moi-même en jurant, je me sentais foutrement perdu tant la panique pulsait dans mon être. Le bipeur de Summer avait sonné et il fallait que je la rejoigne à l’hôpital. Je me sentais tellement submergé par la vague que je ne savais même pas par où commencer. Un rapide message à ma Wifey, un appel paniqué à mon mari et je me hâtais d’enfourcher ma moto pour rejoindre l’hôpital et retrouver les deux princesses de mon cœur. Je ne tardais pas à arriver et à les apercevoir. Je ne tardais pas à les rejoindre les saluant de façon aussi détendue et joyeuse que je le pouvais. La nervosité cognait. L’instabilité me dérangeait. Ça heurtait quelque part. Heureusement pour moi, mon mari ne tardait pas à arriver sur place et je sentais le poids de ma poitrine se desserrait un peu. Je sentais l’angoisse régresser lentement. Mio Amore était là avec son casque et ses lunettes sur la tête et un peu trop de poussière sur ses vêtements. Ça venait un peu apaiser le moment. Ça venait me faire sourire doucement alors que le baiser sur mes lèvres avaient aidé à m’ancrer dans la réalité.

Une réalité sur laquelle je me concentrais. Ce n’était pas le moment de me perdre dans ma tête. Ce n’était pas le moment de chuter. Il fallait être fort. Il fallait garder le cap et le contrôle. Summer avait besoin de nous. Aurore avait besoin de nous. Ma meilleure amie prenait la parole et j’haussais doucement les épaules face aux propos qu’elle soufflait comme pour dire qu’il n’y avait pas grand-chose à dire sur notre présence si rapide. Lui tirant la langue, je finissais tout de même par rétorquer « Tu as juste dit vite sans rien préciser alors… Voilà on a fait vite nous… » Doux sourire aux lèvres, je lançais ces mots avec l’espoir qu’ils parviennent à détendre la situation et à calmer l’angoisse que nous devions tous ressentir. Une angoisse qui pouvait faire des dégâts si je ne maîtrisais pas. Ce n’était pas le moment de partir en crise d’angoisse. Ce n’était pas le moment de subir des oublis. Alors, je tentais de faire redescendre la pression avec ces propos. Je savais que, même si Summer nous charriait sur ça, elle était surtout rassurée de nous voir rappliquer aussi rapidement. Ma Wifey répondait alors à mon mari avec des mots qui me faisaient grimacer. Elle soufflait que c’était peut-être le dernier et ça faisait monter la rage dans l’être. Mes poings se serraient sans que je ne sache les contrôler. Mon cœur cognait plus fort. Et, entre mes dents serrées, je lançais « Putain, ne dis pas de conneries comme ça ! » Je jurais de nouveau tournant les talons. Je m’éloignais de quelques pas. Il fallait que je me calme, mais c’était plus fort que moi. Je ne pouvais guère supporter les mots de Summer. Je ne pouvais pas supporter cette idée. L’idée de perdre ma Wifey, ma meilleure amie. L’idée que ma fille grandisse sans sa mère tout comme moi j’avais passé des années sans figure maternelle. Jetant un bref coup d’œil à Mio Amore, je voyais du coin de l’œil Summer se laisser tomber sur une chaise et j’entendais la peur qu’elle confiait. Cette peur que nous partagions sans doute tous ici. Cette peur qui me déchirait de l’intérieur. Cette peur qui me saccageait la tête. Appuyant mon dos contre le mur le plus proche, je restais à distance me laissant doucement glisser au sol. Je ne pouvais pas rassurer ma Wifey. Pas tout de suite. Pas alors que je sentais encore la colère me faire trembler. À la place, j’ouvrais doucement les bras pour inviter Aurore à venir. Ma princesse me rejoignait et elle venait souffler que j’avais dit des gros mots pas beau ce qui me faisait sourire. Ça aidait doucement à me calmer.