Ces derniers temps, rien ne se passe comme je l’ai prévu depuis des mois et des mois, mais je prends sur ma petite personne et j’essaye de continuer à vivre normalement, comme toutes les jeunes femmes de mon âge, comme toutes mes futures adversaires pour ces prochains championnats du monde. En tant que tenante du titre, je n’ai pas le droit à l’erreur, je me dois d’être parfaite et d’exécuter un numéro parfait. Je n’ai pas le droit de perdre pied maintenant. Je ne suis qu’au début de ma carrière, cela serait bête de tout abandonner à cause de ce qui m’est arrivé récemment. Pourtant, cela fait quelques jours déjà que je n’ai pas eu le courage de mettre les pieds dans une patinoire. Je ratais les entrainements, prétextant bien trop de travail scolaire à mon coach qui me menace de venir faire un tour sur le campus pour rappeler à mes professeurs, au directeur, à tout le monde que j’étais une championne et que je me devais de m’entraîner pour continuer à être la meilleure dans ce domaine. Pour l’instant, j’avais réussi à repousser son rendez-vous, son coup de gueule, mais pour combien de temps encore ? Je n’en savais rien.
J’essaye de ne pas penser à ça et de me concentrer uniquement sur mes cours de la journée. Dans les couloirs, je fais comme si je n’entends pas les remarques désobligeantes de certains étudiants sur ma timidité, sur ma virginité ou encore sur ma perte de poids du moment. Je ne suis pas très épaisse à la base du coup dès que je perds rien que cinq ou six petits kilos tout le monde le remarque et les rumeurs d’anorexie refont surface. Pourtant, je n’ai rien d’une anorexique. Je suis une fausse maigre comme disent les docteurs. Mon sac de cours sur l’épaule, j’avance en direction d’un endroit que j’affectionne particulièrement, un endroit où il n’y a plus grand monde depuis que la bombe a explosé non loin de là en janvier dernier. Je pense même que j’apprécie cet endroit car justement, il n’y a plus moins de monde et que je sens bien moins de regards moqueurs sur moi. Je marche tranquillement, mais tout d’un même d’un pas assez pressé. Je n’ose pas regarder qui se trouve là. Mes yeux scrutent le sol. « salut robbin. tu vas bien ? » Je m’arrête. Je connais cette voix, mais je n’ai pas vraiment de lui parler, pourtant je ne suis pas le genre de nana malpoli du coup, je lèvre brièvement les yeux vers le jeune homme qui s’adresse à moi pour lui faire un sourire timide. Denys. Effectivement, je ne me suis pas trompé. Telle une gamine je hoche la tête positivement. « Salut. Je … oui. » Je semble effrayé. J’ai bien du mal à rester à ses côtés depuis quelques temps. D’ailleurs je ne peux m’empêcher de faire deux ou trois pas en arrière comme si je cherche à le fuir. Pourtant, je ne peux pas lui en vouloir à lui, mais quelque chose me dit, au fond de moi, qu’il doit être au courant de ce qui s’est passé et je n’ai pas vraiment envie de lui en parler, d’autant plus que nous sommes amis. Enfin, je crois.