(( 03.06.2022 ))

tw: tentative de suicide
@Marla Witherspoon — Bouche pâteuse, difficulté pour déglutir. J'avais pourtant l'impression que j'étais parti pour de bon. Alors pourquoi je suis encore là, pourquoi je sens mon coeur battre, mes poumons se remplir. Pourquoi ma gorge me fait si mal ? Les yeux toujours fermés, je ne voulais pas faire face à la réalité. Faire face à ce qui m'attendait à présent. Il ne fallait pas sortir de Harvard pour comprendre que j'avais complètement raté ma tentative, puisque j'étais encore en vie. Une sorte de déception s'emparait de moi. Incapable, même dans la mort. Est-ce que des gens étaient à mon chevet là, inquiet de ne pas me voir me réveiller ? J'espère pas. Je suis pas encore apte à faire face aux questions, à la tristesse des gens. Je l'ai déjà vécu ces derniers mois, je ne suis pas capable de tout recommencer. J'en pouvais juste plus de cette vie et je voulais simplement qu'on me laisse partir. Bip, bip. Le son des machines, pour s'assurer que mon coeur bat encore. Mais avec un peu de concentration, je me rendais compte qu'il y avait une autre personne. D'autres machines. Une désynchronisation légère mais perceptible. Tête qui se tourne, non sans grimace, avant d'ouvrir les yeux doucement. Personne dans la pièce, c'est déjà ça. Enfin personne, sauf toi. Et ta chevelure reconnaissable entre mille. Sourire léger qui se dessine avant de rire doucement. Ironie du sort, n'est-ce pas, qu'on se retrouve tous les deux ici, le même jour. — marla ? Je tente de parler mais ma voix est bien trop faible, mon cou ayant été bien trop malmené par cette tentative échouée. Possible finalement que tu ne m'entendes pas.

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Le regard dans le vague, j'avais perdu toute notion de temps. Seul indicateur ; la fenêtre en face de moi qui laissait filtrer la lumière du jour. Fin de matinée, très certainement. Enfin, ça n'avait pas d'importance, plus rien n'avait d'importance.

C'était étrangement calme, malgré le bal répétitif des infirmiers qui entraient dans la pièce pour faire des exams de surveillance.
J'avais usé du peu de force dont il me restait pour passer mon téléphone en mode avion. Je n'étais pas prête pour affronter le flot de notifications. Je n'avais pas la force pour les sermons comme pour les messages plaintifs. J'étais malheureusement arrivée dans ce lit quand pour ma part, j'aurais voulu ne plus avoir à ouvrir les yeux, jamais.


Après un long soupir, je me trainais d'un côté à un autre pour tourner le dos à la fenêtre et faire face au voisin endormi. J'aurais aimé ressentir de la tristesse en voyant tes traits familiers, mais j'avais plus rien à offrir.
Va savoir, c'est ce moment précis que t'as choisi pour commencer à te réveiller. J'me tourne sur le dos pour te laisser un brin de pudeur. Si le réveil est douloureux, il est pire quand tu te rend compte que t'es pas à l'endroit que t'avais imaginé. Ouais, pas besoin de te poser de question, suffit de voir les marques rouges à ton cou. Quelques minutes passent et je grimace quand tu te mets à rire. T'as l'air d'un fou, tu le sais ça ? " marla ? " J'lève ma main droite pour te faire signe - index et majeur parfaitement manucurés qui forment un V. Marla, la seule et l'unique. " Apparemment, je peux ajouter la pendaison à ma petite liste des pires moyens d'en finir. " La voix est plate, sans une once d'émotion. Blasée.  

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@Marla Witherspoon — C’était pas comme ça que les choses devaient se passer. Je ne devais pas me réveiller, plus jamais. Je ne voulais pas être de nouveau en train de respirer l’air de cette planète et en fouler la terre. Rien ne s’était passé comme prévu et je m’en veux d’avoir loupé le seul truc que j’avais pas le droit de louper. Me retrouvant la gorge douloureuse dans cette pièce aseptisée, je me rendais bien vite compte que je n’étais pas tout seul ici. Chevelure rousse que je pouvais reconnaitre entre mille. Tu validais ton identité, bien que je ne comprenais pas pourquoi tu étais aussi hospitalisée. — qu-quoi ? pourquoi ? Comment tu pouvais savoir déjà que c’était ce que j’avais fait ? Difficile de retourner à cette réalité que je voulais fuir à tout jamais, mais encore plus quand les choses nous échappaient. — pourquoi t’es là ? Dans un lit, comme patiente.

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C'était quand même putain d'ironique de se retrouver dans la même chambre d'hôpital. Un même destin. Tu vois, on pourrait dire que nos chemins se soient éloignés, je continue à penser le contraire. J'crois qu'on prenait la même route depuis longtemps tous les deux, j'avais juste une longueur d'avance, jusqu'ici. Maintenant, on était au même niveau.

Ta première question me percute pendant quelques secondes avant que je ne tourne la tête dans ta direction. T'as jamais compris que je n'étais pas si différente que toi ? Ta nouvelle question cause un soupir de ma part et avant de répondre, j'viens quitter mon lit, débranchant les quelques électrodes, appuyant sur les boutons jusqu'à ce que les machines arrêtent de gueuler leur mécontentement. La minute d'après, j'viens m'incruster dans ton lit, t'obligeant à te décaler, bien que j'prenne pas tant de place.

" Je suis ici pour la même raison que toi " que j'avoue dans un murmure. C'est plus facile à avouer dans ma tête est sur ton épaule et qu'il n'y a rien qui nous sépare, quand on a la possibilité d'être dans une bulle.

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@Marla Witherspoon — J'aimais pas la situation dans laquelle j'étais, mais être avec toi simplifiait pas mal les choses. Pas de jugement, seulement de la bienveillance. Après tout, tu venais de me le dire, t'étais là pour la même chose que moi. Comment ça se fait qu'on en soit réduit à vouloir s'ôter la vie ? Quelles étaient les chances qu'on tente cet acte le même soir ? Quoi qu'il en soit, peu importe les questions, elles resteraient sans réponse. On était là, on avait foiré et fallait vivre avec. Ton corps contre le mien, j'étais résigné. Visiblement, mon heure n'était pas arrivée, peu importe si on force le destin. Mon front vient se caler contre ton épaule, alors que mes yeux se ferment. — je prends note que ton psy n'est pas forcément le meilleur Celui vers qui tu m'avais envoyé, celui que j'avais toujours pas contacté d'ailleurs. Visiblement, lui parler n'aurait rien changé. Je finis par grimacer, mes brûlures me tirant un peu trop. Je tentais de me caler correctement histoire qu'on soit tous les deux mieux installés, avant de reprendre place contre ton épaule. — je sais même pas ce qui s'est passé... pourquoi je suis ici Pourquoi ma tentative a échoué. Inconscient depuis le saut, le black out total pour le reste.

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Je m'incruste dans ton lit sans te demander l'autorisation. Venant caler mon corps contre le tien pour chercher du réconfort et t'en offrir au passage. On a jamais autant été connecté qu'aujourd'hui. Et maintenant que je sais que t'en est arrivé à ce stade dans le fil de tes pensées, j'peux pas m'empêcher que d'avoir peur pour toi, détournant mon attention de moi-même. J'savais pas si c'était une bonne chose ou non, mais pendant un instant, ça me permettait de souffler.

Ta remarque sur mon psy fait se pincer mes lèvres alors que je sens ton souffle contre ma peau se calmer. " J'pense pas que ça vienne du psy... " Soyons honnête. J'allais bien. Disons que j'allais mieux. Et puis, je ne sais pas tellement ce qu'il s'est passé. Une vague submersive et me voilà ici. " J'crois que j'me suis surestimée ces derniers temps. " J'me suis oubliée. J'ai oublié de respirer, de reprendre mon souffle.

J'te laisse te remettre correctement, mais malgré l'inconfort, je reste à tes côtés. " Dès fois, c'est pas plus mal de ne pas savoir. " J'laissais le silence nous gagner quelques instants, juste pour réfléchir à ma propre "expérience". " C'est un peu flou pour moi aussi, et j'aurais pas voulu me voir. " J'aurais pas voulu être à la place de la personne qui est tombée sur moi.

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@Marla Witherspoon — Difficile de trouver une position idéale quand on avait des brûlures à l'épaule et au bras, mais je faisais avec maintenant. Leur sensibilité était amoindrie par les calmant qu'ils ont du me filer, puisque je ne sentais pas la douleur à mon cou. Tu semblais aller bien, c'était ce qui m'étonnait quand même le plus dans cette situation. — t'as juste eu un moment où t'as dit... stop ? Je sais pas trop si cette sensation est similaire pour tout le monde. Si c'était la même chose pour toi et moi. Je sais simplement que ça restait présent dans ma tête depuis l'accident, et que, pour une raison que j'ignore, j'étais pas encore passé à l'acte. Jusqu'à hier. Calé contre toi, je me reposais d'une façon qu'il m'avait été impossible de faire depuis l'accident. Un simple contact humain qui me manquait sûrement que trop finalement. — j'ai pas envie de... la suite soufflais-je alors. Le retour à la réalité. Difficile de dire comment tout le monde va réagir à la nouvelle, comment chacun peut le prendre personnellement. Et j'étais fatigué à l'avance de devoir m'expliquer. J'espère simplement que personne ne me demandera de rendre des comptes.

Ouais, un truc comme ça... J'avais voulu dire stop à des pensées qui prennent trop de place, à une vie dans laquelle je ne parvenais pas à trouver ma place. Dire stop en me pensant pas à la hauteur pour continuer plus loin.

Être à tes côtés était un véritable réconfort pour moi et j'espérais que ça l'était pour toi aussi. J'espérais ne pas te faire trop mal en m'accrochant à toi comme un repère. Tu pouvais pas mieux tomber, même si j'aurais voulu que ça soit dans de meilleures circonstances. Et je savais à quel point l'extérieur de cette chambre pouvait être terrifiant. Je sais. Et c'est peut-être pire, l'après. Avoir pleinement conscience de ce que l'on a fait, affronter le regard des autres. Mais tu ne seras pas seul. Je serais là.

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@Marla Witherspoon — Comment est-ce que ça serait que de vivre tirailler le restant de ma vie entre l'envie de rester présent pour mes proches et l'envie de ne plus faire partie de ce monde ? J'avais pas réfléchi à tout ça parce que je ne pensais pas qu'on me sauverait. Je pensais que j'allais mettre un point final à ces pensées négatives qui me parcouraient depuis plusieurs mois maintenant. Mais à tes côtés aujourd'hui, je me rends compte que je n'étais pas le seul à traverser ça. Toi aussi, tu avais tes propres démons. Ils ont décidé de se manifester réellement en même temps que les miens. J'esquisse un sourire presque triste, avant de fermer les yeux, calant une nouvelle fois mon visage contre ton épaule. Te retrouver comme ça me faisait du bien, mine de rien. On s'était pas mal éloignés avec le temps, on tentait de s'apprivoiser de nouveau, sans réellement savoir où ça allait. A partir de maintenant, je considérais qu'on prenait un nouveau départ. Peut-être que c'était une bonne chose... ou pas.

Le silence s'installait à nouveau dans la pièce. Peut-être que j'étais en meilleur état que toi physiquement, mais à l'intérieur, tout était en train de se déliter. Le moral ne tenait plus qu'à un fil et à un moment donné, je savais très bien que j'allais être celle qui allait craquer jusqu'à en être pitoyable. Chassant cette réflexion pour ne pas angoisser dès maintenant, je fermais les yeux et calais ma respiration sur la tienne. Et comme à chaque fois que je fais le clair dans mes pensées, d'autres revenaient inévitablement. Toi au centre de mes préoccupations. " Kai ? " un chuchotement à peine audible. " Peut-être qu'on aurait dû continuer ensemble. " Finalement, ce que je pensais allait nous affaiblir nous aurait peut-être rendu plus fort.