allongée sur le lit, le regard accroché au plafond, tu es pensive. les dernières heures écoulées n'ont pas été simples et tu as peur d'heure de sommeil à ton actif. casey est parti et seule l'odeur de son parfum est restée imbibée dans les draps. le lange de julian où tu as brodé vos initiales dans la main comme seul réconfort à son départ. mitigée entre la tristesse, la peur et le soulagement face à sa décision. tu l'as sûrement aimé, tu l'aimerais sûrement tout le reste de ta vie. mais cet amour est incomparable à celui que tu ressentais pour ton ex. tu ne t'attendais pas à ce que ton retour à boston, des années après, bouleverse ta vie de cette manière. ta bague de fiançailles entoure toujours ton annulaire. ton téléphone vibre et te ramène à la réalité, hors de tes pensées. tu jettes un coup d'oeil à l'écran; c'est donovan qui te prévient qu'il est là. à pas feutré, pour ne pas réveiller julian, tu sors de la chambre de laquelle tu laisses la porte entrouverte. avec la même délicatesse tu viens ouvrir la porte d'entrée de la suite de l'hôtel. tu te décales de l'entrée pour laisser donovan entrer. — salut murmures-tu, un peu gênée de la situation. hier soir, tout était différent, peut être un peu plus fou et hors du temps sur les bancs d'harvard. aujourd'hui, la réalité t'étais revenue en pleine face et tu avais les idées un peu plus claires. — le room service avait plus d'hamburger frites alors j'ai commandé.. les sushis que t'aimais bien là où on allait tout le temps près de mon ancien appart.. y'a dix ans de ça, quand vous n'étiez encore que des étudiants innocents et que la vie n'avait pas eu raison de votre couple.

L'euphorie de la veille était bien vite retombé. Tout ce que tu voulais me dire implicitement, je l'avais capté. Et même si c'était pas ce que tu voulais, je le prenais comme ça et j'allais sûrement, inconsciemment, mettre de la distance tant que les choses ne seront pas assainies. Parce qu'il y avait encore des griefs, visiblement. Des "Donovan" qui sortaient, et qui représentaient très clairement l'espace vital que tu souhaitais garder pour toi. Arrivant à ton hôtel, je me rendais directement à l'ascenseur pour me rendre à l'étage que tu m'avais indiqué. Evidemment que le stress était présent, l'atmosphère était totalement différente de la veille et j'avais peur que tu regrettes tout ça. Peut-être que ton ex-fiancé n'était pas moi, mais son départ te marquait quand même pas mal et je sais pas si c'est une bonne chose de vouloir réessayer tout de suite avec moi. D'autant plus que j'étais en partie la raison de son départ. Le cul entre deux chaises, c'est la timidité qui reprenait le dessus. Donc timidement, je frappais à la porte, évitant toute sonnette comme tu me l'avais préconisé. La porte s'ouvre et voilà que tu te décales pour me laisser entrer. « hey » que je répondais sur le même volume, avant de refermer la porte derrière moi, le plus doucement possible. Julian dormait et j'avais pas envie de le réveiller. A tes mots, j'esquissais un sourire, touché par la façon dont tu te souvenais de ce que je pouvais préférer dix ans auparavant. « oh... merci. j'espère que tu t'en es pris aussi. j'me vois mal manger ces sushis sans toi » C'était notre rituel. Dans ce resto, on y mangeait que tous les deux. Notre repère pour le poisson cru sur son lit de riz vinaigré.

les chamboulements étaient nombreux et tout arrivait en même temps. tu remettais en question tout ce que tu avais fais ces derniers temps, comme si te rememorrer tout allait changer la donne. non, c'était fait, il était parti et tu étais dévastée d'avoir perdu ta stabilité. il l'était devenu. il avait su remplacer donovan, en quelque sorte. il avait su te repêcher, te raviver. tu te sentais vulnérable. reparti au point de départ avec tes peurs et tes angoisses. être seule était devenu une épreuve pour toi depuis le cambriolage et ta fausse couche. pourtant, lorsqu'il s'agissait de fuir ton ex pour te retrouver dans ta bulle, tu avais réussi. un moyen de le protéger de ta souffrance, mais ça n'avait aidé en rien. après avoir disposé le repas sur la table basse, tu t'asseyais au sol pour manger plus facilement. — je t'aurais pas pris quelque chose sans rien me prendre. c'est le truc qui m'a le plus manqué ici ce restaurant était incroyable et tu en gardais de très bons souvenirs. tu commençais à manger sans l'attendre, t'avais rien avalé depuis la veille. —t'as bien dormi toi? parce que toi t'avais gardé les yeux ouverts a veiller sur julian comme si il allait ressentir l'absence de son père.

J'essayais de la cacher, cette réserve. Parce que j'avais pas envie que tu penses que je veux pas m'investir ou quoi. Mais en même temps, tu faisais ton deuil d'une relation qui avait compté pour toi et j'étais qui pour croire que j'allais effacer ces cinq années de ta vie en un claquement de doigts. Personne, j'étais personne. J'avais aucun pouvoir et j'allais devoir ramer, faire mes preuves, prendre mon temps. Ma seule crainte serait de ne pas réussir à te garder une seconde fois. Porte fermée derrière moi, me voilà à te suivre jusqu'à la table basse sur laquelle t'avais disposé les plateaux. J'en bavais d'avance. M'installant au sol face à toi, le dispatch se faisait naturellement. On savait aussi bien l'un que l'autre ce qu'on aimait. « j'me disais bien aussi » J'attrapais les baguettes et la sauce soja afin de profiter du repas. Je relevais le regard pour le poser sur toi quand ta question me percutait. J'inspirais doucement, avalant ma bouchée, avant de hausser doucement les épaules. « pas trop, j'ai du faire deux heures en tout » A tourner dans mon lit, à pas savoir si tout était dans ma tête. A me dire que tu pouvais faire marche arrière à tout moment. A repenser à la tragédie de notre histoire, qui avait été effleurée hier et qu'on allait devoir affronter vraiment aujourd'hui. J'étais pas prêt pour ça, pas prêt à verbaliser tout ce que j'avais pu ressentir quand tu avais perdu notre enfant. Seulement, on arrivera pas à avancer ensemble si on surpasse pas cette douleur.

tu savourais les sushis ou plutôt tu les dévorais. ce dont tu raffolais c'était mélanger la sauce soja sucré et la salé. tu savais que ça dégoutais plus d'une personne, mais c'était ton petit plaisir à toi. tu hochais la tête à sa réponse, la bouche pleine d'un sushi arrosé de sauce ne te permettant pas de rajouter quoi que ce soit. puis, tu finissais par faire une pause, poser tes baguettes et t'adosser contre la canapé qui se trouvait quelques centimètres derrière toi. réalisant que tu n'avais pas apporté les boissons, tu te levais d'un bond vers le mini frigo pour en sortir deux canettes. un orangina, comme il t'avait demandé. les mains sur le ventre, tellement tu t'étais goinfrée vite de la moitié de ta barquette de sushi, tu commençais à caler. tu t'asseyais à la même place, les jambes tendu sous la table basse, les pieds qui effleuraient ses jambes. un silence s'était installé. — alors quoi, on s'regarde dans le blanc des yeux sans rien dire ? crever l'abcès était difficile, mais que dire ? par quoi commencer? t'en avais aucune idée.

Discussion presque futile, qui ne menait à rien. Je savais pertinemment que t'avais mal dormi, tu me l'as dit ce matin. Moi, c'était quasiment pareil mais sûrement pas pour les mêmes raisons. Et je me rendais compte qu'on était pas au même stade de nos vies finalement, et c'était ce qui me faisait flipper. Avalant les sushis un à un, je finissais par te regarder... aller chercher les boissons. Ah oui, j'avais même pas remarqué qu'elles n'étaient pas sur la table. Et puis tu revenais, ne touchant plus à ton repas. Plutôt que de continuer, tu me regardais manger. Contrairement à toi, j'allais finir tout ce que tu m'avais commandé, l'estomac sur pattes que j'étais n'a pas changé d'appétit depuis tout ce temps. Ma langue passait sur mes lèvres à tes mots, avant que je ne reprenne un sushi, histoire de me laisser le temps de comment formuler les choses. Puis une fois avalé, je reposais mes baguettes. « j'ai l'impression qu'on en est pas au même point dans nos vies... » soufflais-je, ma main glissant sous la table pour caresser ton pied. « c'est pas un reproche ou quoi.. mais en cinq ans, t'as vécu... certainement plus que moi, ana » Ma vie s'est principalement cantonnée à mes amis, le boulot, et des relations sans vrai lendemain. « tu viens de perdre ta moitié... et même s'il n'est pas moi, il a compté. tandis que moi, j'en suis resté au lendemain de notre séparation » Tu vois, pas au même point dans nos vies. « je veux être là pour toi.. mais je suis pas sûr que je sois ce dont tu aies besoin... sauf si tu penses le contraire » Mais de ce que j'ai capté, ta vie est encore trop centrée sur Casey et j'suis pas sûr d'avoir ma place.

la tension était palpable. aucun de vous deux ne savaient vraiment quoi dire, par quoi commencer. c'était bien de se retrouver, de s'être embrasser comme deux gamins qui en crevaient d'envie. mais lorsque l'excitation redescent, que l'envie primaire est assouvie, il faut faire face aux réalités. et elles sont différentes vos réalités. bien éloignées depuis ces années. ton palpitant s'accélérait, stressée par sa réaction. tu le scrutais entrain de manger, attendant la sentence de sa réponse. sa main sur ton pied te faisait frissonner discrètement. ta gorge se nouait. il verbalisait le départ de casey et bien que tu en étais consciente, tu ne l'avais pas entendu dis à voix haute. tes yeux brillaient et tu venais essuyer les larmes qui manquaient de couler sur tes joues, sur la manche de ton sweat. t'étais prise d'un coup de chaud, certainement dû au stress qui t'avais gagné. tu ôtais ce pull pour te retrouver en t-shirt. — t'as raison murmurais-tu en baissant le regard et en tripotant la bague à ton annulaire. — tu penses que j'ai besoin de quoi, si c'est pas de toi ? le regard qui se pose de nouveau sur lui. les larmes maitrisées, le regard interrogateur qui révèle un tas d'incertitudes de ta part. — j'ai construit ma vie parce que si j'avançais pas.. tu haussais les épaules et soupirait — j'étais retombée dans la codéine, j'vivais à mille à l'heure. je m'étais plongée dans le travail et les sorties. l'ombre de toi même dans une effervescence incontrôlée. casey t'avais sorti de cette spirale et tu lui était reconnaissante.

Loin de moi l'envie de te blesser, mais je voulais être honnête. Parce que si je le cachais du mieux que je le pouvais, ce manque de lui me blessait, plus que je pouvais l'admettre. Et c'était con, parce que t'avais eu le droit de tourner la page, de trouver quelqu'un qui sache être ton épaule quand tu allais mal. Mais maintenant que j'étais revenu dans ta vie, je voulais égoïstement effacer tout ce qu'il avait pu faire pour toi. Parce que tous les jours qui ont suivi la rupture, ils ont été les mêmes pour moi. Je me trainais la même souffrance chaque jour, sans réussir à la surmonter. Gorge nouée, je te regardais retirer ton sweat avant de me répondre que j'avais raison. Oui, t'as une bague et tu ne cesses de dire que tu es seule maintenant qu'il n'est plus là. Je ne fais pas partie de l'équation. Pas pour l'instant en tout cas. « de temps, sûrement » soufflais-je doucement. Le temps de digérer son départ et de ne pas te précipiter dans mes bras pour ne pas être seule. « j'te reproche pas d'avoir continué ta vie... j'suis même reconnaissant qu'il ait pu t'offrir la stabilité que tu voulais, qu'il t'ait sorti de tes tourments » Parce qu'au moins, tu étais en vie. « depuis hier, j'suis dans aucune de tes équations ana » Alors oui, c'est récent et je le comprends. Mais je peux pas nier la douleur qui émane de mon cœur quand je vois que j'suis incapable de combler son départ. Incapable de te rassurer sur ma présence à tes côtés. C'est toi et ton fils pour l'instant. Et moi peut-être plus tard.

pendant cinq ans, t'avais fais en sorte de vivre. et ça avait été d'une difficulté telle, que d'imaginer devoir abandonner celui qui t'as tenu en haleine tout ce temps, hors de ta vie, était difficilement envisageable. ta tête ne cessait de dodeliner de haut en bas. pourquoi tout ce qu'il disait était si vrai ? son analyse était fine et exacte et toi, tu le réalisais seulement en l'entendant. ta mâchoire se serrait pourtant à sa dernière phrase. tu ramenais tes jambes vers ta poitrine, entourant tes bras de ceux-ci. — j'suis carrément flippée donovan admets-tu. flippée de t'autoriser à l'aimer encore plus qu'avant, car le perdre t'avais déjà détruit une fois. — et si t'étais à nouveau dans l'équation et que ça fonctionnait pas? je suis plus toute seule.. je peux pas.. être l'ombre de moi même, qui se tape des boites de codéine pour tenir le choc. julian c'est mon équation, désolée qu'elle soit.. omniprésente. tu lâches tes genoux pour attraper la bouteille d'eau pétillante et te rafraichir. — c'est pas casey qui m'importe, tu comprends pas. enfin, si bien sur qu'il est important pour moi. ma principale angoisse, c'est que julian m'en veuille un jour qu'il soit parti. tu mordillais l'intérieur de ta joue, consciente que tes paroles pouvaient l'atteindre. le juste milieu entre l'honnête tout en pesant ses mots était compliqué a trouver. — t'es la solution de mon équation joyner. elle est juste beaucoup trop complexe à résoudre mais j'crois que t'es le seul à être apte à y arriver. t'as jamais été aussi sûre de ça, de le vouloir lui et pas un autre.

Evidemment que j'avais peur que ça fonctionne pas. J'avais vécu cinq années à tes côtés, certainement les meilleures, si on enlevait les drames qui sont survenus. Et te retrouver, c'était une bouffée d'air frais dans cette vie que je vivais en apnée. Mais je voulais pas de demi-mesure, pas avec toi. Je voulais compter et pas être mis sur la touche. C'est pourtant cette sale impression qui me restait en tête depuis la veille. « tu sombreras pas... parce que justement, t'as julian » soufflais-je. « la dernière fois, c'est pas juste moi que t'as perdu » Et c'était ça toute la subtilité de notre rupture passée. Il y avait trop d'épreuves à surmonter pour un seul couple et on s'était perdu mutuellement, en plus de se perdre nous-même. Si tu avais sombré dans la drogue, moi c'était dans l'alcool. Les bouteilles s'enchainaient, les cadavres s'empilaient. Je me souviens même plus comment je me suis sorti de tout ça. Certainement l'accident qui a failli être mortel. Qui a failli me coûter la vie. « il t'en voudra pas. » Parce que je suis sûr que tu es une maman merveilleuse et que vous saurez lui expliquer les choses. Et c'est pas comme s'il vous aura vraiment connu ensemble. Lèvres entre les dents, je finis par soupirer pour me relever. L'hésitation entre partir ou me rassoir n'existait pas vraiment. Non, tout ce que je faisais, c'était me déplacer pour me caler à tes côtés, dos contre le canapé. Ma main droite attrapait ta gauche, pour glisser mes doigts entre les tiens. Je remonte ma manche afin de te montrer les vestiges de ma cicatrice. « tu te souviens... à quel point je pouvais la cacher tellement je l'assumais pas » Aujourd'hui, une ligne rouge la traversait. Un tatouage pour me rappeler ce que j'avais vécu. « t'as su me rassurer. avec tes mots. avec les différentes marques sur ton corps. t'as toujours été mon équilibre ana, depuis le début... laisse-moi être le tien. laisse-moi être l'épaule sur laquelle tu t'appuies quand tu as besoin. j'te promets de ne plus jamais m'en aller... j'te promets qu'un jour, on l'aura cette bague gravée avec nos deux prénoms. » Promesse de t'épouser. Promesse d'être la solution à cette équation, peu importe le temps que ça prendra.