prologue : san martín de los andes

le soleil andéen était dans ses oeuvres, peu timide, son zénith attiédant la brave brise maritime se faufilant depuis le bassin de neuquén. les vanesses se délectaient du calme saturnal qui régnait avant la tempête dominicale que l’on profilait pour le lendemain, ces mêmes vanesses naissant de leur chrysalide de si bonne heure, prêtes à défier les prouesses d’un jour nouveau. allait-il être meilleur que celui écoulé? le cageot de la chrysalide confortait celle qui n’était plus chenille. il offrait une certitude que l’infinité à laquelle la vanesse pouvait être subjuguée, elle, ne pouvait offrir. et pourtant, quelques heures après l’aube, ces vanesses bravaient les montagnes de san martín et les jungles d’eucalyptus du rio negro - non pas par conviction, mais en quête de satiété à leur faim de vivre. de vivre, oui.

père, un membre respecté de la communauté mapuche centralisée dans les provinces occidentales de sa belle argentine, naquit et grandit à san martín. son fils aîné, un dénommé quimey, acquit son deuxième prénom « nahuel » très tôt, de par son affinité vers les mots roses et l’eau crystalline qui caractérisait son lieu de refuge favori. bien qu’il fus bercé par le soleil andéen susmentionné et par les rares pluies valdiviennes ayant décidé de jeter leur dévolu sur le sol sec et aride de san martín, nahuel n’eut d’yeux que pour sa génitrice dès ses premières larmes.

au-delà de l’adn liant leurs destins pour l’éternité, les ascendants de nahuel agissaient tels des symboles, comme l’étoile polaire qui se devait de guider et modérer l’esprit friand de leurs enfants. quimey n’était pas fils unique, certes, mais l’attention dédié à son égard pouvait en donner l’impression. et ce, en dépit des tourments et chaos qui puissent fulgurer autour de la colonie mapuche résidant à san martín. malgré son jeune âge, le petit nahuel n’était pas étranger à cet enchevêtrement qui gouvernait les politiques tribales des plus grands indiens d’amérique du sud. d’innombrables contes de fées et de fous lui avaient été relatés, des fables de courage et d’héroïsme, valeurs endémiques à ceux qui partageaient son cruor.

car oui, parmi les quelques centaines d’entre eux immiscés dans le quotidien quasi-alpin d’une ville touristique des andes, le sang n’était plus sérum. son froid était glacial, témoin d’une confiance inexorable à l’issue d’un équivalent d’apartheid long de centaines d’années. les conquistadors, romancés par nombreux romans et romanciers, étaient-ils aussi braves que leur filleuls le pensaient? où n’étaient-ils que victimes d’une fable en trop, simples objets de narration destinés à symboliser bravoure et courage, syndromes eux-mêmes d’un aveuglément aux dogmes culturels de ceux qui tombaient face à leur rapière? non, disait-on. pour nahuel, la véritable bravoure résidait dans l’exutoire de la plume. celle qui, de la finesse de son étendard jusqu’au grincement de son calamus, semait la zizanie sans bêche. la plume parlait sans dire un mot, l’encre sur son creux grinçant non pas comme le sang de ses victimes, mais au rythme des pensées de son détenteur.

la noblesse, la voilà, la véritable épée. celle qui ne versait pas l’une goutte de sang, pour qui milles pensées naissantes valaient plus qu’une âme innocente.