T’es installée sur un banc, au beau milieu de de parc. Ton regard est posé sur ce bouquin que t’as posé sur tes genoux et de temps en temps, tu relèves les yeux vers ta progéniture, et tu l’observe. Elle semble si heureuse que lorsque qu’elle peut découvrir le monde en dehors d’un écran de télévision, ou tout simplement de sa chambre. Elle ne tient pas cela de toi, c’est un fait et pourtant, t’as accepté de t’y rendre avec elle. T’as pas spécialement chaud, t’es emmitouflée dans ta veste, le nez fourré dans ton écharpe et tes oreilles recouvertes d’un bonnet surplombé d’un joli pompon. Fini les degrés estivaux, finis les shorts, les jupes et surtout, fini le beau temps. L’automne, ça a son charme aussi. Parfois. Tes mains dans les poches de ta veste, tu te replonges aussitôt dans ta lecture. De temps en temps, ta concentration vole en éclat lorsque Sélia vient te montrer ses découvertes. Ou encore lorsqu’un groupe d’étudiants passe devant toi, en se racontant la dernière soirée de la veille. C’était un peu toi aussi, il y a quelques années. Aujourd’hui, tu développes ta propre entreprise, t’évolues, t’avances et t’es encore pleine de questionnements sur ta vie. T’as décidé d’avancer au jour le jour, de profiter des instants qui se présentent à toi et d’y aller pas à pas. Ta fille s’approche à nouveau avec des châtaignes encore dans leur bogue et te les tend « Maman, des bébés hérissons, regarde ! » tu souris face à tant de spontanéité, mais aussi tant d’innocence. Tu n’as pas le temps de lui répondre, que tu la vois courir vers la première personne qu’elle voit, pour lui distribuer la même chose, tout en continuant de les appeler des bébés hérissons. « Sélia, ce ne sont pas des bébés hérissons, ma chérie. » lui dis-tu aussitôt avec de la tendresse, mêlée à de la gêne face à cette personne.

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Normalement, t'es censée travailler et avancer sur tes dossiers. C'était du moins le programme que tu t'étais fixée pour la journée, et pourtant te voilà dans un parc, à bouquiner pendant que mini-toi se refait un monde à son image. De temps en temps, ton regard de maman se pose sur ta progéniture, et sur ce qui l'entoure. T'as toujours eu ce côté un peu trop bienveillant, un peu trop maman-louve avec ta fille. Pourtant, t'évites de l'étouffer, et tu préfères la contempler, de loin ; et partager ces moments avec elle, plutôt qu'avec tes clients. Tu le vois bien, que la moindre chose l'intéresse, à condition qu'elle peut être à l'extérieur. Aujourd'hui, c'est au tour des bogues de châtaignes. Encore trop jeune pour comprendre, elle interprète avec ce qu'elle sait, et qui y ressemble le plus : des hérissons. Tu ne t'y attendais pas, et elle ne te l'avait encore jamais sortie, cette réflexion. Alors ton sourire s'élargit. Sélia est persuadée que ce qu'elle tient dans sa main est un bébé hérisson en boule, tant il est apeuré par ce qui l'entour. Ta fille est bien trop spontanée et déroutante parfois, qu'elle te laisse à peine le temps de répondre et de lui expliquer avant de fuir vers un parfait inconnu. Tu continues de la suivre du regard et ton attention s'intensifie sur ce qu'il peut lui passer par la tête à cet instant. T'aimerais parfois te rappeler si toi aussi, petite, t'allais avec autant de facilité vers l'inconnu. Aujourd'hui, bien. Mais t'es bien plus armée qu'elle pour affronter ce monde. Tu l'entends parler de ses bébés hérissons à cet homme et aussitôt, tu te redresses pour t'approcher à ton tour. Tu ne sautes pas dessus, tu restes malgré tout un peu en retrait, mais tu ne les quittes pas des yeux, tenant ton bouquin dans tes mains. Ton sourire s'élargit face à ce besoin de montrer à de parfaits inconnus sa grande découverte, mais aussi en observant la réaction de cet homme avec ta princesse. Il aurait pu ne pas y prêter attention, ou encore faire voler en éclat toute son innocence, mais au lieu de cela, il partage avec elle cette découverte. Chose qui peut apporter le sourire à Sélia, tu le sais. « Ah ben non, je ne peux pas, ils ne sont pas à moi ! » lui répond-elle avec toujours cette même spontanéité, ce même tempérament. Et puis toi tu te plonges dans tes souvenirs d'enfance quand ta mère te lisait le petit prince : « Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde... » te remémores-tu. Tu finis par t'approcher à ton tour « elle a une imagination débordante » dis-tu au jeune homme, non sans que ton sourire te quitte. « Mais c'est sympa de jouer le jeu » même si toi ou son propre père finirez par lui expliquer qu'en réalité, ça n'a rien d'un hérisson. « Vous avez des enfants ? » demandes-tu, quand tu vois la facilité avec laquelle il a réussi à attirer l'attention de ta mini-toi.