Si les trois coups qu’elle frappe à la porte de chez Horace sont déterminés, la jeune femme ne sait pas vraiment ce qu’elle va pouvoir lui dire. Communiquer avec lui a toujours été quelque chose de facile mais depuis qu’il lui a annoncé son métier, elle a l’impression qu’ils ne parviennent plus vraiment à se comprendre. Elle craint qu’il ne lui mente sur le fait qu’il tienne vraiment à faire ce métier, et lui prend la mouche dès qu’il a l’impression qu’elle fait un sous-entendu sur son métier. En toute franchise, c’est un miracle que leurs vacances ensemble se soient si bien déroulées quand on voit les tensions qui émanent de chacune de leurs conversations qui ont suivi. Si elle est tout à fait honnête, Elizabeth comprend pourquoi Horace s’est vexé et sait qu’elle n’est pas cent pour cent honnête quand elle dit qu’elle lui demande s’il se protège comme elle le ferait avec n’importe qui d’autre. C’est en effet quelque chose à quoi elle tient, mais Liz n’a jamais posé la question - enfin pas depuis des années à Horace, avant cette nouvelle. Sa question est légitime, mais elle aurait pu attendre un meilleur moment pour la poser, et en tout état de cause, ne pas le faire à l’écrit pour s’assurer que les choses ne prennent pas des proportions qu’elle ne mérite pas. Si l’image que Elizabeth a de son ami a changé avec la nouvelle, ce n’est pas parce qu’elle l’estime moins avant. C’est uniquement qu’elle s’inquiète. Malgré les dires de son ami, elle a du mal à comprendre qu’il puisse faire ça par envie et conviction et que ça ne soit pas sa situation financière qui l’y contraigne. Elle n’a jamais poussé le vice à lui demander s’il pouvait sincèrement lui répondre qu’il ferait le même métier s’il avait de l’argent mais est personnellement convaincue que cela ne serait pas le cas. A dire vrai… elle s’en moque. Cela ne la regarde pas mais elle veut être certaine que son ami ne se sent ni contraint ni forcé d’une manière ou d’une autre. Elle lui en veut, aussi, de lui avoir caché la vérité si longtemps et sait que cela joue grandement dans le manque de confiance qu’elle a désormais en lui. Ce qui l’agace, d’ailleurs, parce qu’elle se doute bien qu’il interprète le tout comme une preuve qu’il avait raison de ne rien vouloir lui dire. “Hey.” souffle-t-elle, quand il ouvre la porte, la mâchoire légèrement serrée. Elle tend la bouteille de tequila en guise de calumet de la paix, espérant que l’alcool les aide à se retrouver plutôt que l’inverse.

On n'va pas bien. On n'va pas bien depuis que tu sais. Et, ça me fait juste reculer davantage, quand les autres s'approchent. Tu étais celle qui devrait comprendre, celle qui devait me montrer que finalement, peut-être ne devrais-je pas cacher sous un drap le contenu de mes heures, au quotidien. Tu devais être celle qui me réconcilie avec la vérité. Tu es celle qui m'en écarte. Parce que je l'ai vu, ton regard qui a changé. Tes doigts, aussi. Et, cette foutue question qui raisonne encore comme une insulte. Pas le bon timing. Comment je fais, maintenant ? J'ai le caractère facile, j'suis le mec qui prend tout à la légère, qui ne se vexe de rien. Sauf que ça sort d'entre tes lèvres, et les mots, ainsi non filtrés, me touchent plus que de raison. J'déteste que tu me vois comme ça ; sali. Salissant. Un type dont il faut vérifier le sang, avant d'oser l'aimer un peu. Alors, je recule. Je recule quand elles s'approchent, celles qui comptent. J'refuse qu'elles me balancent la même réplique. Ca reste dans la gorge, quand la porte s'ouvre. Les orbes, sur toi puis la bouteille. La main qui l'attrape, et la silhouette qui se pousse contre l'encadrement de la porte pour te laisser rentrer. « Il faudra au moins ça. » Pour éteindre l'esprit, et la révolte qui s'y cache. Le reflet est déjà suffisamment difficile à affronter, pour que tu ne le ternisses à ton tour. Un, deux pas à l'intérieur du logement, derrière toi. Récupère ton manteau, qui sera ensuite balancé sur le dossier d'une chaise. La bouteille, posée sur la table basse, à côté de deux verres déjà installés.  « T'as faim ? J'peux te commander un truc. » Parce que j'suis vexé, mais pas complètement impoli. Même que j'ai mis un flacon de gel hydroalcoolique, bien en évidence sur la table. J'le désigne d'un coup de tête. « Au cas où t'aurais envie de désinfecter tout c'que j'aurais le malheur de toucher. » La rancune accrochée à la bouche, armée d'un rictus, qui se veut pourtant presque légère quand elle balance : « C'est à la mangue, et il colle pas. » T'as vu, gentleman même dans la fêlure. Plonge-moi dans l'acide, et voit combien j'suis toujours pas clean, sous la peau.

J'l'aimais bien, le reflet de moi dans tes prunelles. J'aimais ce que tu voyais, avant que ton jugement ne vienne obscurcir tes orbes. Combien j'suis laid dans ton regard, désormais ? Est-ce que tu regrettes ces nuits échouées dans ton lit, le souffle encore saccadé d'un effort délicat ? C'est ça, quand on mélange les genres, quand on pense qu'on peut tout gérer sans jamais être égratignés. J'suppose qu'on a été trop ambitieux, quand on a cru qu'on pouvait jongler entre une amitié profonde, et des draps remués. Parce que c'est ça le problème, n'est-ce pas ? Tu t'inquiètes pour moi, peut-être, mais tu t'inquiètes surtout pour toi. Tu repenses à nos soirées, et tu te demandes ce que j'ai fais avant. Si, armé d'alcool et de stups, j'ai pas manqué de faire gaffe, une fois. Surement même que t'as pas tord. Puisque ma conscience est parfois sévèrement diminuée par un sang trop sali. Tu savais mes nuits agitées, alors qu'est-ce que ça change ? Une question de chiffre. Une question de billets déposés sur la table basse. Vient on échange, et tu m'piques mes billes à moi. Viens tu te regardes, quand tu passes la porte. Quand tu siffles, quand tu mords là où ça fait mal. Viens tu te regardes quand t'es moins belle que d'habitude. La mâchoire, légèrement serrée. Les doigts qui récupèrent le gel hydroalcoolique d'un geste rapide. Bouchon refermé. J'te ferais même pas l'insulte d'en répandre sur mes mains. Un regard vers ta bouche qui déblatère puis vide un verre. Vers tes doigts, qui commencent à déboutonner ton pantalon. Ma tête qui bascule de gauche à droite, le soleil des traits masculins éteint. « J'l'ai fais hier, va savoir c'qu'il y a pu se passer en une journée. » Après tout, dans la vie misérable que tu dois t'imaginer, faudrait faire un test toutes les douze heures, non ? Mes mains qui se superposent aux tiennes, et font cesser tes doigts. Proche. Suffisamment pour n'avoir qu'à chuchoter. C'est peut-être moins moche, quand c'est à peine prononcé. « Tu crois qu'ça me fait bander, d'être vu comme un nid à MST vivant ? » J'en viens même à remettre le bouton que t'avais dégagé. A reculer d'un pas. Remplir un verre, le vider, et attraper le papier qui traînait sur la table basse. Te présenter les résultats clean, si ce n'est les gamma gt un peu élevés -forcement-. Sourire de petit con. « J'ai même pas de cholestérol. » T'as vu, j'mange bien même. Un vrai petit homme parfait. « Tu l'veux pas pour ce soir ? Ca t'fera un truc sur lequel te toucher, » Vu que je suffis plus. Que désormais, ce papier passera avant ma peau. Que t'es l'une des plus proches, et que j't'avais filé les couteaux les plus aiguisés. J'ai la chair tendre, ça s'enfonce trop facilement.

Horace et Liz, Holiz, ils sont pas sensés s’écorcher. C’est tout l’inverse. Ils viennent panser les blessures de l’autre quand quiconque s’attaque à eux, et quand ils se blessent, ce n’est généralement que les ongles qui s’enfoncent un peu trop dans la peau, ce n’est jamais volontaire, ce n’est jamais personnel et ça glisse. Ca glisse comme il le fait habituellement entre ses cuisses, mais pas cette fois. Cette fois, ça coince, aucun d’eux ne parvient à oublier, rester camper sur ses positions et la page ne se tourne pas, bien trop lourde. A chaque pas en avant que Liz fait, elle a l’impression que Horace en fait trois en arrière et elle est à peu près certaine qu’il a exactement la même impression. Le problème c’est qu’elle ne sait pas comment faire. Qu’elle ne sait pas ce qui la gêne tant et ne sait pas non plus comment il ne peut pas comprendre que cela change tout. C’est une part de lui qui a changé. Cela ne change rien à tout le bien qu’elle pense de lui mais comment lui faire confiance, quand il a menti sur une part aussi importante de sa vie ? Bien sûr il y a la peur des maladies ou infections sexuellement transmissibles, bien sûr que le SIDA est dans ses pensées mais elle a fait un test, même s’ils ont toujours été prudent, d’aussi loin qu’elle s’en souvienne en tout cas, et tout va bien. Ce n’est pas ça qui la gêne le plus, mais comment dire à quelqu’un qu’on ne le reconnaît plus, que derrière chacun de ses mots, chacune de ses phrases, on cherche le mensonge ? On ne peut pas, parce que c’est le genre de choses qui font mal et ça serait pourtant tellement, tellement plus simple de se faire du mal autrement, en essayant de se protéger l’un l’autre et pas uniquement soi-même. “Y a que toi qui sait, ce qu’il a pu se passer.” Qu’elle répond, lasse de cette dispute qui vient pourtant à peine de commencer. “Y a que toi qui sait.” Ses doigts écartent un peu plus son pantalon et lorsqu’il pose ses mains sur les siennes, Liz le regarde, priant pour qu’il ne lui arrache pas - c’est bien la première fois qu’elle ne se plaindra pas qu’il la rhabille. Elle secoue la tête en l’entendant, et resserre doucement ses doigts autour des siens, par gratitude, quand il referme son jean. “Je ne sais simplement pas si certains de tes tarifs incluent que tu ne te protèges pas.” répond-elle, sérieuse. S’il est prêt à vendre son corps, elle ne sait pas jusqu’où il est prêt à aller. “Je…” ne sais juste plus qui tu es, mais elle ne peut pas se résoudre à lui dire et elle attrape alors le papier qu’il lui tend, les sourcils froncés avant de soupirer. Elle secoue la tête et lui rend en le poussant contre sa poitrine. “Il suffisait que tu me dises que t’étais clean, tu sais.” dit-elle en secouant la tête, luttant contre l’envie de récupérer sa veste et de mettre fin à la conversation. “Je n’arrive plus à te faire complètement confiance, mais j’essaie. J’ai au moins le mérite d’essayer, moi.” Elle soupire, sentant sa voix sur le point de se briser et se resserre à boire aussi vite qu’elle vide son verre, avant de recommencer l’opération non sans glisser un verre vers Horace au cas où. “J’ai essayé que tout redevienne comme avant au lieu de saisir la première question que tu me poses pour faire une scène.” Car au fond, c’était ça, une seule petite question de Liz qui a tout envoyé valser. Elle vide son verre à nouveau, hésite à ajouter quelque chose et croise ses bras sur sa poitrine, pour se protéger des mots qui vont venir vers son coeur. “Vas-y. Balance ce que t’as sur le cœur. Histoire que j’sois pas venue pour rien.”

Dans cette flaque de boue, j'me démerde comme je peux. C'est compliqué pour respirer, la boue. Ca rentre dans le nez et la bouche, ça obstrue les poumons, c'est impossible de voir à travers. Pourtant, j'arrive a y évoluer, à l'aveugle. J'men sors, puisqu'elle me correspond un peu. Elle soigne quelques-unes de mes plaies. Sûrement soignera-t-elle celle que tu me créé. J'ai appris, à force des années, à me faire aux regards sur ma silhouette. Celles qui m'estiment trop fin, trop mince, trop fragile. Celles qui ne comprennent pas que j'fournisse ma carcasse à d'autres, contre quelques billets. J'ai appris, tu vois, à ne plus fuir ces orbes qui me fixent. A danser d'ailleurs, dans leur paysage. Sauf que c'est toi. Et, si l'énoncé du problème était maîtrisé jusqu'alors ; toi, ça change tout. Mon soutien qui se dégage, et fait se fissurer l'édifice, depuis sa base. Je ne sais plus si je peux avancer, reculer, sans briser des éléments irréparables. Mes doigts, sages, donc, se décident à refermer le cocon autour de ta peau. Esprit en colère. Esprit déçu. « Au tarif VIP, j'm'injecte directement le sida dans les veines. » Soufflé, la langue provocante. A quel point le dessin que tu faisais de moi, a-t-il pu changer ? « Mais faut payer cher. » Car je ne suis qu'un produit comme un autre, n'est-ce pas ? Pur produit de consommation, soumis aux diktats de l'argent et incapable de raisonner. J'suis pas si con, putain. Tu vois pas que tu m'as pas perdu à ce point ? J'suis encore là, quelque part. J'suis toujours le même, c'est juste que désormais, tu sauras dessiner les ombres. Et, tu dis que t'essayes, mais c'est faux. T'essayes pas, tu te pointes juste pour me foutre dans la gueule que t'es peut-être mieux que moi, parce que tu fais ce pas là. « Ca peut pas être comme avant. » Puisque désormais, tu me remercies de te rhabiller. L'homme recule un peu dans le salon, et, puisque tu m'en donne la permission, j'te dégueule ce qui pèse sur l'estomac. « Tu sais quoi ? J'ai eu raison de rien te dire, et à chacune de tes remarques, de tes questions, tu me confirmes que j'ai eu raison. T'aurais jamais dû le savoir. » Et, là, rien n'aurait changé. On est pas de ceux qui se bataillent, qui s'aiment dans les cris. Ca, ce qui se passe dans ce salon, c'est pas nous. Se rapproche ; danse mal maîtrisée. « Et maintenant à cause de toi, j'arrive plus à le dire à personne. » Je pense à Jade, évidemment que je pense à Jade. Aux autres, aussi. A tous ceux à qui j'vais mentir, pour ne pas revivre ce moment. « C'est humiliant ce que tu fais. Parce que tous les types que tu te tapes, j'pense pas que tu leur demande s'ils se sont fait tester. J'suis pas le seul à baiser d'autres filles Liz. » Les épaules haussées. « La seule chose qui change, c'est que j'me fais payer. » Et, la fréquence, sûrement. « L'argent ne me rend pas sale. » Pestiféré à la peau couleur billet. « Alors peut-être que maintenant j'te dégoûte un peu.. » Combien ça fait mal, ce verbe, pour parler de moi ? « Mais ça change rien sur qui je suis, et sur l'ami que j'suis. » On aura qu'à retirer la chair, puisque tu ne veux plus de la mienne. Ca n'a jamais été notre ciment. Une gorgée d'alcool, salvatrice. « Allez, à toi, crache. » Ring des sincérités.

Plus Horace tombe dans la provocation, plus Liz a envie de le gifler, de lui dire que son attitude n’aide en rien, à part lui donner envie de se casser, que ça ne sert à rien d’avoir ce genre de discussions comme ça, que c’est peine perdue, qu’elle abandonne. Mais Elizabeth connaît Horace sur le bout des doigts et sait pertinemment ce qu’il est en train de faire : il s’autodétruit pour éviter qu’elle ne le fasse pour lui, il s’imagine que tout ce qu’elle va lui faire c’est du mal quand la jeune femme est venue avec la ferme intention d’arranger les choses. C’est mal barré, ça va être très compliqué, parce qu’elle doit lutter contre ses propres insécurités mais elle espère surtout que l’un et l’autre parviendront à cesser la provocation pour en venir au cœur du problème et le mettre une fois pour toute derrière eux. Alors la démocrate se mord l’intérieur des joues pour ne pas lui répondre quand il parle de s’injecter le VIH dans le sang, et elle serre tous ses muscles, pour empêcher son corps de prendre la fuite, même si son instinct de survie lui dit que c’est le mieux à faire, que c’est sans doute la seule solution pour que les mots ne dépassent pas leurs pensées.
Pourtant, Liz reste. Parce que c’est Horace et qu’elle ne peut pas partir sans avoir la certitude qu’ils se reverront un jour. Elle se doute bien que tout ne sera pas réglé aujourd’hui, qu’ils auront besoin d’un peu de temps mais s’ils peuvent au moins mettre les choses à plat et se promettre de se reparler bientôt, de redevenir ce qu’ils étaient : pas des amants, elle s’en fout de ça, mais des amis avant tout, la bouée de sauvetage l’un de l’autre. La peur au ventre, elle dit à Horace de dire ce qu’il va sur le cœur, parce qu’il y a que ça à dire. Elle secoue la tête quand il parle mais se mord la langue pour ne pas l’ouvrir. A chaque mot qu’il prononce, elle a envie de l’interrompre, de le remettre à sa place mais s’en empêche. C’est elle qui a proposé de jouer, elle doit au moins respecter les règles. Elle attend son tour et quand il a jeté les dés, elle acquiesce et repose son verre. “Ca change tout, que le veuilles ou non.” Elle ferme les yeux, prend une grande inspiration et essaie de se rappeler ce qu’il a dit pour répondre à chacun de ses différents points : “Je pense surtout que t’aurais dû tout me dire dès le départ, ou presque. Pas des années après.” Elle sait qu’il a raison quand il dit qu’il n’est pas le seul à se taper d’autres filles - elle est la première à le faire. Elle ne peut même pas le nier. “Tu n’es pas sale, Horace. Mais t’as sali notre amitié et t’as brisé la confiance que j’avais en toi.” Ce n’est pas une question de job ou de sexe. C’est plus complexe que ça, qu’il veuille le voir ou non. “J’avais une confiance aveugle en toi. J’étais censé connaître tes failles comme tu connais les miennes. Je t’ai jamais menti sur quoi que ce soit. T’es le seul à qui j’ai pas caché que je prenais encore mes cachets pour mon genou, même quand j’ai pas si mal que ça, et même si je dois pas les mélanger à mes anti-dépresseurs. Je le fais devant toi et j’hésite même pas. Ca veut pas dire que j’ai pas honte, au contraire. Mais si je peux pas être moi avec toi, je peux l’être avec qui ?” Il n’est plus question de l’être à 100% avec Victoria, maintenant qu’elles sont séparées. Pas parce qu’elle veut lui cacher des choses, mais pour la protéger - et se protéger, un peu aussi. “T’as pas été vrai avec moi, Oz. Tu dis que je te vois sale, mais c’est pas ça. C’est juste que je sais plus sur quoi te croire.” Un sanglot vient s’étouffer dans sa gorge et Liz secoue la tête avant de lever la main pour l’empêcher de réagir. Elle reprend son verre, le descend avant de le reposer et s’éloigne encore : “Et je sais que c’est pas juste que tu payes aussi les conséquences de ses actes mais ton mensonge, plus celui de Victoria, ça commence à faire vraiment trop pour moi.”

L'oisillon, armé de toutes ses couleurs, se terre dans un coin. Il envoie tout ce qu'il peut, toutes les armes qu'il trouve : même ce qui n'est pas des armes. L'ego est déjà mal en point, si tu savais. Gamin raté, qui n'est bon qu'à vendre sa peau pour payer son loyer. Sûrement plus idiot que la moyenne, quand il se regarde dans la glace. J'm'estime pas beaucoup, tu sais. Mais, j'aimais bien la manière dont tu me regardais. J'crois que j'avais pas envie que ça change. Tu sais, que je sois sali par cette histoire, que ton regard s'occulte d'un voile de dégoût. J'voulais que tu continues à rire de mes bêtises, de mes histoires casse-gueule, que tu persistes la nuit tombée, à faire divaguer tes doigts sous mes tissus. Le problème avec les mensonges, les omissions, c'est qu'elles finissent par prendre tellement de place qu'il est difficile de revenir dessus. Il y a eu les autres, ceux qui t'ont déçu. Et moi, qu'est-ce que j'pouvais faire après ? Ils avaient fragilisé ta confiance. J'refusais de porter le coup fatal, quand j'étais celui qui était censé tout réparer de quelques soirées. Alors, j'ai clôturé mes lèvres quand j'aurais dû les laisser s'exprimer. Qu'est-ce qu'on fait, maintenant qu'on a ébréché notre relation ? On tire chacun de notre côté, on augmente la fêlure en plein milieu, sans réfléchir au fait qu'on arrivera peut-être pas à combler l'espace entre nous, cette fois. Y a des phrases dites qui raisonnent déjà trop. Elles se placent sous la peau, et se mêlent à celles précédemment soufflées par les détracteurs. Ca se craquelle sous la surface. J'comprends pas comment tu marches, désormais. J'pensais pas que tu serais capable de me planter les côtés comme ça. Alors, le menton haut, j'renvoie tout ce que je peux. J'frappe avant d'être touché. J'me blesse en envoyant mes attaques. J'suis mauvais dans l'art de la guerre. Surtout quand tu prouves que t'es la plus intelligente de nous. On l'savait déjà, tu ne fais que confirmer la tendance. Tu mets des sous-titres à ta colère ; des sous-titres que j'étais pas capable d'écrire moi-même, aveuglé par la colère sourde. Ca m'a jamais choqué qu'tu fasses tout ça à mes côtés, tu sais. Tes mélanges. Parce que j'suis le type qui dit rien, qui t'empêchera jamais. J'suis pas sûr que ça fasse de moi un ami génial. Mais, avec lequel tu peux être honnête, et dégueulante de failles. « Tu peux l'être avec moi. » Rattrapé au vol, la voix enserrée dans un étau. Y a les mots qui s'étranglent, et mes pas sont bloqués par ta main qui se lève, en barrière. Tu t'éloignes et je me rapproche. « J'suis désolé. » Un pas. J'ai délaissé mon verre, j'ai délaissé mes armes. « Liz, j'suis désolé. » Ecoute-moi. « Tu peux toujours tout m'dire, et être vraie avec moi, j'ai pas changé. » Mes orbes vertes, qui cherchent les tiennes. « J'étais bloqué. J'aurais dû le dire au début, et après.. je pouvais plus prendre le risque de te perdre, ou de te décevoir. » T'étais devenue trop importante, et j'avais beaucoup trop à perdre dans cette révélation. « C'est probablement lâche mais.. comme j'faisais gaffe, j'avais pas l'impression de te mentir, et j'me disais que c'était mieux pour toi si tu l'savais pas. » Les épaules se haussent. « Sauf que j'ai pas le droit de décider ce qui est mieux pour toi, ou non. » J'suis pas ce genre d'individu, et tu l'sais. « Tu peux m'faire confiance. J'te jure que tu peux me faire confiance. » Y a mes doigts qui s'avancent, qui cherchent un contact.

Elizabeth n’est pas surprise quand il lui dit qu’il est désolé, qu’elle peut lui faire confiance, que c’est plus compliqué que ça. Elle le sait. En tout cas, deux phrases sur toi sont vraies, elle n’en doute pas. La troisième et dernière l’ait sûrement aussi mais elle n’arrive pas à se raisonner. Ses proches parlent de sa générosité mais ce n’est pas elle. Liz n’accorde son temps qu’aux gens qui en valent la peine et ne donnent son cœur qu’à de rares élus. Il y a des gens qu’elle connaît depuis des années et pour qui elle ne ferait pas un dixième de ce qu’elle ferait pour Horace ou de ce qu’elle ferait, aujourd’hui encore, pour son ex-fiancée. Mais ils sont rares et la seule raison pour laquelle Liz ne peut les compter sur les doigts d’une seule main, c’est parce qu’elle a quatre frères et sœurs (et qu’elle n’a aucune malformation qui ferait qu’elle aurait sept doigts sur une seule main). Elle recule, évite son regard parce qu’elle en a trop dit, déteste se mettre à nue de la sorte, même devant Horace. Peut-être même surtout devant lui; ils n’ont jamais eu besoin de parler pour se comprendre. Pas aussi précisément, en tout cas. C’est plutôt l’autre qui met des mots dans la bouche de l’autre pour l’aider à mieux comprendre ce qu’il traverse. Liz déglutit doucement mais consent finalement à trouver le regard du jeune homme. C’est Oz; elle le sait, au fond, qu’elle ne peut rien lui refuser, rien qui compte vraiment en tout cas. Elle s’est promis de ne pas l’interrompre mais quand il lui parle de la perdre, elle ne peut s’en empêcher : “Tu me perdras jamais.” Elle ne précise pas qu’il devrait le savoir, parce que même si c’est le cas, Liz sait bien que les choses sont plus compliquées, parfois, souvent. Elle sait qu’elle devrait savoir qu’elle peut lui faire confiance parce que d’un point de vue strictement intellectuel, elle comprend pourquoi il s’est tû, mais le cerveau humain est malheureusement fait d’une telle sorte qu’il ne comprend pas toujours ce genre de choses. Elle lui fait signe ensuite de continuer et laisse même les larmes couler, celles qu’elle espérait à tout prix parvenir à retenir ce soir avant de baisser son regard vers cette main tendue. C’est idiot, mais le fait qu’il lui dise qu’il ne peut pas décider pour elle, lui fait du bien. Peut-être qu’il oubliera, mais on a décidé trop de choses importantes pour elles ces derniers temps pour ne pas être touchée en plein cœur par ses mots. Alors, elle hésite à peine quelques secondes avant de venir effleurer du bout des doigts, les siens. Beth s’approche doucement puis entremêle ses doigts aux siens avant de relever le regard vers lui et d’acquiescer doucement. Elle ne parvient pas à se résoudre à lui mentir pourtant mais essaie de le rassurer quand même, comme elle le peut : “Pas tout de suite, je crois. Mais je te promets que ça sera le cas à nouveau.” Elle pose son front contre le sien, soupire doucement. Libérée de tous ces non-dits, elle a l’impression de peser la moitié de son poids désormais. La jeune femme hésite une seconde, les yeux clos puis les rouvre avant de venir glisser sa main sur la joue de son ami. “Tu ne me dégoûtes pas, Horace Dawson. Tu ne me dégoûteras jamais.” Elle vient alors trouver ses lèvres pour le lui montrer, lui prouver et parce que ça fait du bien aussi. C’est toujours comme ça qu’ils ont géré les tempêtes, en parlant, explosant, s’épuisant l’un contre l’autre avant de reprendre la conversation où ils l’ont laissé. Une fois assurée qu’il ne recule pas, elle approfondit doucement le baiser et vient placer ses mains sur son jean, plus doucement qu’auparavant. “On se retrouvera toujours, Oz. Quoiqu’il y arrive.” soupire-t-elle contre ses lèvres, glissant ses mains sous son tee-shirt.