29 AOÛT 2021 - APPEL ENTRE ALASKA HAMILTON ET @Jasper O. Ellington


Les vibrations ne sont pas celle du réveil. L'appel éveille mes grognements, déçue de quitter mes rêveries plus tôt que d'habitude. J'allonge mon bras et trouve l'objet du Diable à tâtons pour décrocher mécaniquement et porter à mon oreille. " Allô ?! " La voix sommeille toujours, c'est presque une plainte agonisante qui se fait entendre du fond de ma gorge. À l'autre bout, c'est à la fois un silence et un vacarme épouvantable. C'était comme essayer de joindre quelqu'un au milieu d'une soirée enivrante, hormis qu'à Londres il était pratiquement sept heures du matin.

Mes pupilles s'ouvrent dans une grimace et enfin, c'est tout le corps qui sursaute dans le lit. Je me trouvais aveuglée par la lumière de l'écran, l'estomac tordu dans tous les sens à la vue de ton prénom et bientôt, les souvenirs refont surface en un claquement de doigts.

Merde, merde, merde.

La panique ma gagne quand toi t'es toujours dans l'ivresse du moment. " JASPER ! " que j'beugle un coup pour essayer d'avoir ton attention. À peu près un milliard de sensations et sentiments étaient en train de me secouer de l'intérieur. " HAMILTON ! " que je recommence, sachant très bien que ce nom serait accrocheur à tes oreilles.

29 AOÛT 2021 - APPEL ENTRE ALASKA HAMILTON (@Marla Witherspoon) ET @Jasper O. Ellington


Serrure qui bouge toute seule, serrure qui refuse de s'ouvrir à coups de carte. Deux-trois minutes que les restes de cerveau s'assemblent, pour capter que le lecteur se trouve sur le côté. Que c'est pas chez lui. Qu'il y a plus de « chez lui ». Que c'est une putain de chambre d’hôtel. Porte qui s'ouvre, corps qui s'affale sur le lit king size spécial riche célibataire en pleine crise existentielle. Y a les soupires qui vont avec les chaussures balancées à l'autre bout de la pièce, et les doigts qui cherchent la télécommande pour actionner un bruit de fonds. Le silence, c'est pour ceux qui arrivent à dormir, ceux qui arrivent à vivre. Le téléphone coincé dans la poche arrière du jean est jeté sur l'oreiller. Il gueule. Y a mon prénom dans la télé. A quel point on est devenu mégalo, quand on entends son prénom partout ? Ca m'fait marrer, surtout parce que les anti-douleurs et le rhum sont de très bons partenaires. Ca m'fait marrer d'être aussi pathétique. Sérieusement, entendre Jas.. " hamilton ! " Corps percuté, qui se redresse sur une main, bras tordu et l'esprit pareil. Se prendre un seau d'eau glacé dans la gueule, et regarder, ahuri, la télé, la chambre, le téléphone. Allumé. « non non non non » marmonné trop vite, trop spontané. Non, parce que j'viens de tilter. Non, parce qu'on fait pas ça nous, on s'amuse pas à prendre la lame et la tourner dans la plaie. Technique de mec lâche, qui distance les messages, ignore les appels. Qui est pas capable de te voir. Qui est pas capable non plus, de juste éteindre le téléphone. Lâche, je vous dis. Alors, la main qui passe sur le visage, silhouette redressée, esprit qui cogite, danse avec l'ivresse pour une solution. « Ellington ? » Osé, discret. « Je.. » Mouline. « J'ai pas fais exprès désolé, je.. » J'ai quelle gueule ? Debout à côté du lit, et l'écran qui montre juste le plafond de cette chambre Ikéa. Vite, la salle de bain. « J'arrive ! » Rasade d'eau froide sur les traits, tee-shirt changé, comme si elle pouvait sentir de là-bas les odeurs d'une soirée trop prolongée.

29 AOÛT 2021 - APPEL ENTRE ALASKA HAMILTON ET @Jasper O. Ellington

Je braillais comme une poissonnière sans me soucier de réveiller le monstre encore endormie quelques portes plus loin. Tu avais l'habitude - autrefois - de m'entendre gueuler à tout bout de champ. Etant petite, c'était un bon moyen que j'avais trouvé là pour me faire remarquer. Une fois de plus, ça semblait fonctionner.

Le vacarme s'apaise pendant quelques secondes avant de laisser place à ce qui semble être de l'empressement. Quelque chose me dit que je t'ai fait dessouler en un temps record et curieusement, ça réveille une pointe douloureuse au creux de mon estomac. Je ne suis plus la bienvenue dans ton quotidien. Je n'ai plus le droit de m'immiscer, de réclamer de l'attention. Et d'une réflexion à une autre, je comprends que cet appel était une erreur et non pas un acte délibéré.

J'affiche un faible sourire. Surtout, il ne faudrait pas montrer que ça blesse puisqu'après tout, c'est de ma faute. « Ellington ? » Mes sourcils épais se dressent. Surprise camouflée par le sourire sans vie. J't'écoute galéré en observant le décor. « J'ai pas fais exprès désolé, je.. » T'es en train de faire un massacre sans t'en rendre compte. Mon cœur déjà à l'agonie se retient de cesser de fonctionner. " C'est rien. " Le mensonge est un chuchotement s'étant échapper de la gorge serrée avec bien du mal.

« J'arrive ! » La surprise me gagne à nouveau tandis que j'écoute le bordel que tu produis au loin. " Qu'est-ce que tu fous ? " L'appel était déjà devenu assez gênant comme ça.

29 AOÛT 2021 - APPEL ENTRE ALASKA HAMILTON (@Marla Witherspoon) ET @Jasper O. Ellington


" c'est rien. " Et quand tu dis que c'est rien, j'entends que c'est tout. Que j'fais comme d'habitude, avec mes grands gestes. J'essaye de faire un massage cardiaque et j'comprime le cœur. Je pète pas juste les côtes moi non, je flingue tout ce qu'il y a autour, quand j'veux limiter la casse. Coincé entre le mensonge, la tumulte des mélanges dans le sang, et l'esprit qui essaye de surpasser tout ce bordel. Qui essaye de crier plus fort que les autres organes. Devine ? Personne s'entend, et j'suis obligé de faire face à mes prunelles décorées de quelques fils rouges, dans ce miroir qui refuse de mentir. " qu'est-ce que tu fous ? " J'essaye, putain, j'essaye. De survivre, dans ce merdier dans lequel tu m'as foutu. Et j'te détesterais, si seulement t'étais vraiment coupable de quelque-chose. Si seulement j'en étais un peu capable. Un souffle. Les doigts qui se cramponnent au lavabo. Deux-trois secondes. Laisse-moi au moins ça, juste sans parler, dans le silence que je me créé. Puis, acteur studio, se redresse, dresse trop fort le menton d'ailleurs, mâchoire serrée. Mentir au reflet. Mentir à la planète entière. Revenir dans la chambre, attraper le téléphone, préparer le cœur à se secouer et le ventre à se serrer. Ca empêche rien, mais au moins, t'es pas surpris quand la chute arrive. « Désolé, j'devais... » Y a mon index qui sait même pas ce qu'il montre, gesticulant dans le vide. J'devais trouver du courage dans mon évier, pour être exact. « Je.. » Pouce et majeur qui viennent compresser les tempes, paupières qui se plissent. Tout ce que je peux, pour éviter de passer plus de deux secondes à te regarder. J'ai le droit de penser que t'es belle ? « mais attend il est quelle heure chez toi ? » Chez toi. Chez toi, c'est marrant comme c'est loin de chez moi. S'installe en tailleur sur le lit, légère grimace d'excuse. Le téléphone tourné vers moi, histoire de ne pas diffuser le reste de la pièce. « Je suis fatigué, j'ai pas fais gaffe. » Alcoolisé, et surtout pas volontairement. Mais, c'est pas plus joli exprimé de cette manière ? « Je t'ai réveillé ? » Et, désormais que mes prunelles s'attardent un peu, je les vois, les signes de tes cheveux coiffés par ton oreiller, de tes billes encore brillantes. Disons juste que ça fait longtemps que je ne suis plus le premier à voir cette image quand le soleil se lève.

29 AOÛT 2021 - APPEL ENTRE ALASKA HAMILTON ET @Jasper O. Ellington

Qu'est-ce que tu fous ? Je ne sais pas si je pose davantage la question à toi ou à moi. Qu'est-ce que JE fous ? À être là, à écouter ta personne retourner ta chambre. Qu'est-ce que JE fous ? À m'accrocher comme une désespérée incapable de penser à quelqu'un d'autre. Tu vois, je ne t'entends plus pendant une poignée de seconde, tu laisses place au silence et voilà que mes pensées se mettent à me tambouriner de l'intérieur.

Qu'est-ce que tu fous Alaska ?

C'était la grande question. Celle qui reste en suspend quand enfin tu daignes te montrer à l'écran. Qu'est-ce que j'ai fais ? Pourquoi ? Pourquoi je suis partie après le passé quand le futur me tenait par la main, me rassurait du bout des lèvres ? Stupide.

Je t'observe pendant que tu cherches une excuse. J'ai oublié mon sourire de façade tellement je suis triste de voir ta peine s'installer sur tes traits. Je ne suis pas fière de mon œuvre, crois-le. « mais attend il est quelle heure chez toi ? » Pendant une fraction de seconde, je laisse la surprise me gagner quand je reviens à l'instant présent. " Sept heure, environ... " Tôt, pour quelqu'un qui n'est pas du matin. « Je suis fatigué, j'ai pas fais gaffe. » Le geste est à peine perceptible, mais je secoue la tête ; Ce n'est rien, encore une fois. « Je t'ai réveillé ? » Les épaules se dressent. " Ouais, mais... " C'est rien. Parce que je préfère largement te voir, t'entendre via un téléphone, dans l'instant, plutôt que d'avoir à t'imaginer et de me rendre compte que j'oublie les détails trop vite. " Ca fait longtemps que j'ai pas vu le type complètement ivre Hamilton. " En temps normal, ça aurait été drôle. " Ta voix est pâteuse et tes yeux... Tu te rends compte qu'il ont changé de couleur ? Genre, j'pense que le brun à quitté ton regard. Approche ton téléphone. " Laisse-moi avoir l'impression d'être à tes côtés.. si proche que tes lèvres s'avanceraient presque auprès des miennes.

29 AOÛT 2021 - APPEL ENTRE ALASKA HAMILTON (@Marla Witherspoon) ET @Jasper O. Ellington


« Désolé. » Qu'il y a juste après le " ouais, mais.... Encore. Comme si j'étais foutu que de dire ce mot. Désolé pour ça, pour l'appel, pour la gueule que j'dois tirer ; même si elle avait pas l'air trop mal, embellie par l'auto persuasion. Désolé, parce que j'ai pas le courage de claquer une vie pour te suivre. C'est sûrement ce qu'aurait fait un héro. Un de ces types qui finissent en peinture dans un de tes musées. Moi, j'ai toujours été celui qui ne comprenait rien devant ces œuvres. Celui qui ne faisait jamais les mouvements qu'il faut, au bon moment. Qui manque de courage, parfois. Qui préfère se laisser tomber, d'autre fois. J'ai laissé tomber, je crois. Vraiment cette fois. Même si le cœur essaye encore de s'accrocher. Il s'éveille malgré mes réprimandes, pour une ambitieuse, pour un passé. Parce que moi, j'ai laissé tomber quand t'es partie. " ca fait longtemps que j'ai pas vu le type complètement ivre hamilton. " Y a ce sourire qui se pointe, sourire du clown triste, qui fait bonne figure. Tête reposée contre le mur de la chambre. Hésitation, le temps de réfléchir sur une réponse correcte à apporter. J'aurais bien envie de rire, si seulement ça s'y prêtait. « Ca fait longtemps que tu l'as pas vu tout court, Hamilton. » Qu'importe qu'il soit ivre, qu'importe qu'il tienne plus trop debout. Ca fait longtemps qu'on s'est pas vu, dans n'importe quelle nuance. Et tu pourrais répondre que c'est de la faute de mes doigts qui ne décrochent pas, de nouvelles que j'oublie de relancer. Mais on sait tous les deux qu'on est pas capable de s'affronter. " ta voix est pâteuse et tes yeux... tu te rends compte qu'il ont changé de couleur ? genre, j'pense que le brun à quitté ton regard. approche ton téléphone. " Tête qui se secoue, corps et cœur en harmonie. Ils ont voté non. « T'es pleine de compliments, dit donc. » J'rapprocherais rien du tout, le spectacle, il se regarde avec un peu de pudeur. La tête qui tourne, quand les paupières tardent à battre. « T'aurais pu relever que j'avais bronzé, plutôt. » J'ai même perdu ces quelques kilos qui s'amusaient à s'installer, à cause de vos gâteaux à Lilou et toi. Rater des repas et se crever à courir, nager et frapper, ça aide. « J'suis pas sûr que tu te rappelles leur véritable couleur, de toute façon. » Alors tu vois, j'regarde ailleurs. A côté. Et, dans la gorge, l'amertume passe les filtres, englués dans l'alcool.

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« Ca fait longtemps que tu l'as pas vu tout court, Hamilton. » Prends un pieu et enfonce-le dans mon cœur, ça fera le même effet. Arrête de jouer Alaska. À chercher de la sorte, tu te fais remettre à ta place, sans même savoir si c'est conscient ou non. J'étais forcée de constater, de regarder la réalité en face et de comprendre que les choses avaient changé entre nous.

Nous.
Nous n'étions plus.

La gorge se serre et aussitôt, je me reprends. Sourire crispé et on ferme les pensées. Je t'observe comme si tu n'étais plus réel. Juste ton image qui s'anime ; spectatrice de mon propre carnage.
J'essaie encore. Je m'accroche à vouloir te réveiller, te secouer. Donne-moi un peu de toi, de notre jeu d'autrefois. J'tends la perche, mais je récolte le refus aussitôt. « T'es pleine de compliments, dit donc. » L'amertume.

« T'aurais pu relever que j'avais bronzé, plutôt. » Je m'accroche à mon sourire de façade quand bien même ma lèvre se met à trembler. Manquerait plus que les sentiments me submergent sous tes yeux. Si j'pouvais, j'me bafferais pour me reprendre. À la place, il n'y a que mon silence gênant. Mâchoire crispée. Lèvres bloquées. Impossible de laisser sortir un son. Impossible d'entretenir la conversation. L'enjouée a disparu, paralysée et il ne te reste plus qu'à infliger le coup de grâce : « J'suis pas sûr que tu te rappelles leur véritable couleur, de toute façon. » Échec et mat.


Ma lèvre se met à trembler avec plus de force, en même temps que ma vue se brouille. Je finis par laisser tomber le téléphone sur moi, de façon à ce que la caméra te montre le plafond. Une page blanche qui tremble à cause des soubresauts de mon estomac. Le silence toujours, parce que je refuse de te laisser comprendre. _ Je suis désolée que je peine à articuler. Même pas sûr que tu puisses entendre tant ma gorge est serrée. Au pire, tu raccrocheras sans comprendre et pourras prétendre que ce n'était que ton imagination.

29 AOÛT 2021 - APPEL ENTRE ALASKA HAMILTON (@Marla Witherspoon) ET @Jasper O. Ellington


J'ai plus envie de renvoyer les balles. Alors j'les laisse passer à côté, j'les esquive, d'une tête qui oscille, d'un pas de côté. J'm'en prends quelques-unes, que tu fais pas exprès de me balancer. J'me bas plus vraiment. J'subis cette conversation. J'passe d'un extrême à l'autre. Et j'aimerais, j'te jure que j'aimerais, faire comme si ça faisait rien. Mais j'regarde autour de moi, et y a toutes ces balles sur le sol, autant que ça formerait presque mon ombre. Alors j'les balance toutes d'un coup, avec une force que je maitrise pas. Parce qu'il y a de l'alcool dans le sang, et pas mal de désespoir. De la colère contre le monde entier. Dans ce monde, y a  toi, y a moi. J'dis que j'ai abandonné l'idée d'un espèce de bonheur surfait, sauf que ça m'racle dans la gorge, ça m'rend aigrie. Et, là, la cible est trop belle, beaucoup trop belle, dans ce petit écran. Les filtres qui se cassent la gueule et ne parviennent plus à limiter les répliques, les adoucir. J'suis peut-être juste devenu un sale con, qui fait pleurer les filles. J'ai les paupières qui se ferment, pour ne pas voir ce qui se déroule dans cet écran qui convulse. Film interdit aux cœurs trop griffés. La tête qui bascule en avant, faire remonter les étoiles aux yeux. Ca a servi à quoi, hein, d'faire ça ? A quoi ça a servi de se poignarder mutuellement ? Le cœur pressé dans la poitrine. « Moi aussi. » De ça. De ce soir, des autres. Désolé pour toi, et pour moi dans le même mouvement. Désolé pour le gâchis. Désolé parce que j'raccroche, avant d'aller recracher l'aigreur de nos vies cabossées dans les toilettes d'un hôtel de luxe. Pitoyable.