J’ai l’esprit ailleurs, les pensées qui ont des haut le cœur. Sans aucun rapport avec le fait que je me trouve sur un bateau, non, c’est simplement qu’il y a tout qui part à vau-l’eau. Que je suis toujours en pleine bataille avec mes propres idéaux. Et bien que l’on soit venus ensemble, ce soir, c’est loin l’un de l’autre que nous avons décidés de passer cette soirée, pour nous donner un temps de répit dans notre mascarade de faux fiancés. Mes doigts se perdent dans ma nuque que je malaxe, le visage baissé, le cocktail à la mangue face à moi tout juste achevé. Et lorsque j’entends que l’on prononce mon nom, directement, je relève les yeux vers la voix. " Bonjour Docteur Foster, je me permets de vous offrir un verre... " Il y a des visages que l’on n’oublie pas, surtout lorsque c’est aussi récent que ça… J’en exulte une légère expiration en observant ce qu’il vient de poser devant moi. " Je peux m’asseoir avec vous ? " Alors j’en incline la tête sur le côté, je n’ai pas la force d’en reparler, parce que c’est quotidiennement que les patients que j’ai perdus viennent me hanter.

Puis j’en passe ma langue sur mes lèvres, amorce un faible sourire pour enrouler mes doigts ce cette boisson qu’il vient de m’offrir, accepte, en un soupir ; « Comment pourrais-je dire non ? » Ce n’est pas mon genre de rejeter, bien que je ne sache pas ce qu’il cherche en faisant cela. « Merci, » pour le verre, s’entend, et je le relève vers lui tandis qu’il s’assoit face à moi, « vous n’étiez pas obligé. » J’avoue tâtonner sans savoir comment danser, et je ne me risquerais pas à lui demander comment il peut se porter, cependant, après avoir bu une gorgée, me voilà en train de questionner, « Vous vous changez les idées ? » En étant ici. Ou peut-être qu’il s’est déjà remis, et qu’il profite simplement de la vie. Ce n’est rien, à la finalité, que je connais de lui.

L’accueil n’est pas forcément le plus chaleureux. Je ressens qu’elle a vécu des choses qui l’affectent. Elle aussi, elle a une douleur qui sommeille. Je me doute bien que ce n’est pas le décès de ma sœur. Mais je ne la connais pas, je ne peux me permettre de lui poser la question. En rien, je ne me sens légitime. Sourire nerveux, je lui réponds alors que je m’assois en face d'elle : " En disant simplement… ‘non’ ? "  Regard qui acquiesce face à ces remerciements.  Mon regard scrute l’environnement autour de nous. " Je ne me sens pas obligé. " Après tout, qui pourrait se targuer de ce genre de chose ? Ah si, Nate, mais là, ce sont les beaux yeux marrons qui m’ont attirés.

Bien que les mots font retourner toutes les émotions retenues depuis ces derniers jours. Je ne peux cacher le trouble face aux pensées qui se tournent vers ma sœur. Lily… Je n’ai même pas pu lui dire aurevoir. Mains qui se serrent l’une contre l’autre, j’expire. " J’essaie. Mais c’est douloureux ". Gorgées qui se succèdent rapidement, je lève ma main pour réclamer un autre verre auprès de la barmaid. " Il semblerait que vous cherchiez aussi à vous changer les idées ? " Doigts qui dansent sur le bord du verre, la discussion avec l’indienne me travaille. Mais au lieu de m’enfoncer dans des pensées négatives, j’essaie de les oublier en me concentrant sur la présence de Taylor.

" En disant simplement… ‘non’ ? " J’ai ce bref soupir qui se teinte d’un rire. Quand on connaît les circonstances de notre rencontre, on sait, que non, justement, ce n’était pas une réponse appropriée. Pas après avoir bataillé pour maintenir sa sœur en vie, pas lorsqu’il arrive et dépose ce verre face à moi. Je ne pouvais décemment pas dire autre chose que oui… " Je ne me sens pas obligé. " J’en hoche le visage par la positive, simplement pour l’approuver, avant de l’interroger, parce que je ne suis pas douée pour faire des conversations avec des personnes que j’ai pu blesser indépendamment de ma volonté… J’espère qu’il sait, combien j’ai voulu la sauver. Combien j’en ai été malade, de ne pas y être arrivé. Toujours hantée par ceux que je ne parviens pas à raviver. Le côté laid de mon métier.

Et a ses mains qui se resserrent après mon semblant de question, je comprends que quoi que j’aurais pu prononcer, les mots n’auraient pas été les bons. " J’essaie. Mais c’est douloureux " Beaucoup trop récent pour se rassurer avec les souvenirs heureux. J’en mords ma lèvre inférieure faute de savoir comment converser. Ne souhaite pas l’agacer d’un « je comprends » démodé. « J’aurai voulu… » j’amorce sans terminer, parce que ça aussi, c’est déplacé. Et tandis qu’il boit son verre rapidement, j’accuse la brûlure de l’alcool dans ma propre gorge. " Il semblerait que vous cherchiez aussi à vous changer les idées ? " Il prononce après avoir signifié sa volonté de boire encore à l’employée. Et moi ? Moi j’esquisse un sourire, avant de boire une nouvelle fois. « Pour des raisons moindres. » que la sienne. On ne compare pas le décès de quelqu’un au piètre bordel qui peut se trouver dans un cœur.
Alors ma paume droite va recouvrir celle qui porte cette bague qui me père plus qu’à l’habitude, depuis que de la supercherie, des dommages collatéraux, j’ai compris l’amplitude. « Mais l’objectif reste le même, oui. » Boire à n’en plus pouvoir. A en oublier les peines et les déboires.

La phrase ne se termine pas mais je comprends très bien ce que voulait dire Taylor. Elle aurait voulu réussir à sauver Lily. Mais vu les détails que j’en ai eu, pour le peu qu’on m’a accordé, il était de l’ordre du miracle si elle aurait survécu. Et à quel prix si ça avait été le cas ? Je ne préfère pas continuer ce sujet, les souvenirs remontent et ont tendance à me hanter. Une gorgée de mon verre me permet d’effacer un peu cette peine. Je m’intéresse à ce qui fait qu’elle n’arbore pas un état d’esprit positif. à travers ces mots, je comprends qu’elle vit des moments difficiles.

Grimace sur le visage, je lâche un soupir. " Moindres mais ça vous fait mal quand même, ce n’est pas à celui qui souffre le plus "  Gorgée qui désaltère, je me redresse sur ma chaise quand je remarque la bague qu’elle touche. Est-elle fiancée ? Que ce soit le cas ou non, ça ne semble pas vraiment l’enchanter. Je sais que rien n’est pire que la perte d’un proche mais je n’ai pas envie de réduire l’état mental de Taylor à quelque chose qu’on ignore.

" Je peux vous tutoyer ? Taylor, c’est ça ? " Je finis mon verre, l’alcool coule à flot dans mon corps. Ça commence à faire effet, même si la soirée ne fait que commencer. Je regarde l’heure, remarquant qu’il n’est que 22h00. Mais c’est aussi l’heure d’ouverture de la discothèque du bateau. " Ça te dit de se changer les idées en allant danser ? "

Besoin de souffler.
De se dépenser.

Je ne sais pas si ça l’intéresse mais je me dis qu’une ambiance plus intimiste permettrait de créer « autre chose » qu’une relation docteur – famille du patient. Maintenant, nous sommes deux personnes liés par un passé mais à un avenir différent. Et on a besoin de se changer les idées tous les deux. " Enfin… je ne te force à rien mais… je me dis que ça ferait du bien … " une part de moi constate un peu plus la beauté de Taylor. C’est une belle femme, fait que j’avais occulté mais à présent, je suis plus tourné vers des pensées plus positives.

Sinon, jamais je ne pourrais avancer.

Il y a cette part de moi qui se sent absolu ridicule de me sentir insatisfaite. D’avoir des tourments aussi piètres en tête. Ici et maintenant, face à Riley, je ne peux absolument pas le nier. Je fais face à des peines qui ne s’approchent en rien aux tourments qui se distille dans mes veines. " Moindres mais ça vous fait mal quand même, ce n’est pas à celui qui souffre le plus " Oui mais on parle ici d’un cœur brisé, un peu recollé, trop abimé que j’ai voulu trop vite faire refonctionner. Ou peut-être simplement que je me suis crue plus maligne, à vouloir me protéger, sans m’apercevoir de ce que j’étais en train de provoquer. Un indéniable n’importe quoi. Un bordel que je ne contrôle pas. " Je peux vous tutoyer ? Taylor, c’est ça ? " Et j’en relève, encore, le regard vers lui, lui donne la permission en un sourire, et en un mouvement furtif de mon cocktail en sa direction. Après tout, nous avons franchis les limites à l’instant où j’ai accepté son verre, " Ça te dit de se changer les idées en allant danser ? " il en achève sa nouvelle boisson, et j’avoue restée paralysée par sa proposition. Je me permets de le jauger, comme si je n’étais même pas certaine de l’avoir entendu parler. Peut-être, d’ailleurs, que c’est ce qui le force à préciser. " Enfin… je ne te force à rien mais… je me dis que ça ferait du bien … " Et moi, tandis qu’il attend, je ne parviens pas à réaliser. A me décider. S’il me connaissait, juste un tantinet, il saurait, que je passe mon temps à douter, lorsque je sens que quelque chose d’important est en train de se jouer.

Alors en un mimétisme presque parfait, j’achève la boisson offerte d’un trait. Avant de lever ma main baguée face à lui, en synonyme d’un je te suis, et prononce presque trop taquine, comme si j’en avais une quelconque idée, de la direction qu'il nous faudra emprunter, pour s'essayer à avancer, « Bâbord ou tribord ? » pour lui signifier que oui, je veux bien aller danser, même si pour bien des sujets, j’ai oublié comment on fait.

Ma proposition semble bizarre mais nous sommes tous deux; deux âmes qui ont besoin d'échapper à la réalité bien trop douloureuse. Je sens bien qu'elle hésite, après tout, on ne se connait pas en dehors de l'accident de ma soeur. Au fond, je me dis que ça me permettrait de voir Taylor une femme comme les autres. Pas la personne qui a tenté de sauver ma soeur. Un rappel d'un souvenir trop douloureux. Mon regard change, surpris, en voyant Taylor finir son verre d'une traite. Moi, j'ai l'habitude avec les soirées mais elle... ça casse un peu l'image de la femme parfaite. Rien de déplaisant en soi. Elle me fait signe qu'elle est prête, je sens bien qu'elle est déjà un peu à l'ouest. " J'en sais rien." je l'avoue, les termes de navigation me sont inconnus. "Allons-y." Haussant les épaules, ma main se glisse dans la sienne, celle avec la bague pour l'attirer en dehors de la taverne.

Le chemin n'est pas très long jusqu'au dancefloor du bateau. Mais il y a un temps pour aller jusqu'à là-bas. Nous croisons quelques personnes qui me sont inconnues, l'ambiance est calme mais une fois arrivé dans la boite de nuit du bateau, nous sommes happés par l'ambiance festive. Je sens mon coeur qui s'accélère, je me dis qu'un verre serait le bienvenue mais pas tout de suite. Je me penche à l'oreille de la doctoresse. " Allons-y " pression sur sa main alors que je l'attire parmi les quelques personnes qui dansent. Instantanément, j'en viens à oublier ce que je voulais. Notre passé commun. Mon regard qui se plonge dans le sien, je tente un sourire réconfortant alors que ma main se pose sur sa hanche pour la rapprocher de moi. Physiquement.

Petite bulle qui se crée, hanches qui accompagnent le rythme de la musique.

Trop cérébrale, à toujours tout calculer, à douter pour un rien, à peser le pour et le contre de tout et n’importe quoi. Et pourtant… Pourtant je me retrouve ici et maintenant. Fiancée, paumée, sur un bateau que j’en viens parfois à détester. Mais l’aparté prend un nouveau tournant, lorsqu’il me propose d’aller danser. Une échappatoire, une énième chose illusoire. Lui demande quel chemin emprunter pour mieux oublier ce soir. " J'en sais rien." S’il joue les arrogants, moi, je me permets de lui lancer un regard taquin. "Allons-y." Ses doigts viennent finalement attraper les miens, et je ne saurai dire si ça alourdit ou amenuise mon chagrin.

Les pas nous mènent rapidement vers la boite de nuit du bateau, et je me dis que je fais une erreur. Qu'il y a bien trop de vagues, en mon intérieur. Mais il y a sa voix, qui vient se répéter contre moi ; "Allons-y." alors que mon regard arpente l’endroit, c’est certainement une mauvaise idée. J’en suis maintenant persuadée. Je me surprends même à avoir mis tant de temps à le remarquer. Mais il m’entraîne dans la foule, et je blâme mon manque de réaction parce que je suis à la lisière d’être saoule. Cela vient du fait qu’il pose sa paume sur ma hanche, que ça m’électrise, et j’en ai comme l’impression de perdre le contrôle de la situation, possible d’ailleurs que je ne l’ai jamais eu. Et quand mes prunelles se harponnent aux siennes, j’y vois cette lueur qui effraie par avance mon cœur. Danser n’engage à rien, et j’ai le droit d’avoir des amis au masculin. Mais je ne peux pas profiter de sa perte, de sa tristesse, de jouer avec… un gamin. Sous prétexte que ça pourrait me faire sentir vivante ou me faire du bien. Ca ne tourne pas rond, chez moi, putain. « J’suis fiancée. » Et j’ai le cœur émietté, je peine à le réparer, c’est d’ailleurs tout le but de cet engagement, me laisser du temps.

Happé par l’ambiance de la boite de nuit, je me dis que c’est une meilleure idée pour se changer les idées. J’espère simplement que Taylor va me suivre. Ne plus se voir en tant que famille d’un patient et doctoresse. Mais comme deux adultes qui se côtoient. Et même si elle est magnifique et qu’en temps normal, je l’aurais certainement dragué, j’ai surtout besoin d’une compagnie féminine. Mon regard se plonge dans celui de la belle alors que nos corps se rapprochent et je l’invite à suivre avec moi, le rythme de la danse. Mon visage est si proche du sien que je pourrais tenter un baiser, mais ce n’est pas le geste qui me vient.

Surtout lorsqu’elle avance être fiancée. Je ne suis pas surpris, la bague à son doigt semblait présager de ça. Je souris, un peu nerveusement. A vrai dire, ça n’engage qu’elle. Je ne fais rien de mal qu’une danse. Mes doigts remontent le visage de Taylor jusqu’à moi. « Fiancée ? Mais est-ce vraiment ça que tu veux ? Je serais ton fiancé, je te laisserais ne pas avoir une mine aussi triste. Je serais là pour te réconforter… enfin, si j’étais lui… » et clairement, ce n’est pas le genre d’engagement que je prends. Ça n’a jamais été ma marque de fabrique.

J’ai bien des questions qui me viennent mais ça serait beaucoup trop personnel, voir indiscret envers Taylor. On se connait à peine. J’entremêle mes doigts aux siens pour déposer ses mains sur mes épaules, nous rapprochant encore plus. Les miennes descendent de chaque côté pour se poser sur ses hanches. Tête penchée à son oreille, je reprends … « On ne fait que danser… même si l’ambiance donnerait envie que je t’embrasse, je ne pense pas que ce soit ce dont tu as envie, Taylor… Je me trompe ? » Jamais je n’ai abusé de l’état moral d’une femme pour l’embrasser, voir plus. Encore moins si elle a bu.

Ou alors, elle a montré de l’envie à mon égard. Mais je ne sais pas si c’est ce qu’elle ressent. Je reste proche d’elle, ignorant les sollicitations extérieures. Ma respiration frappant le cou de la jeune femme sous le rythme électrique de la musique…

Et ma condition de femme fiancée, je la balance, avant qu’il ne soit plus ou trop entreprenant dans cette danse. Parce que je ne suis pas du genre à douter de moi, et que je suis conscience du fait que dans ce genre d’endroit, c’est bien trop simple de ne plus répondre de soi. Surtout lorsqu’on est triste, comme lui, je crois. Et Riley l’est, à ne pas en douter. Assez triste et abîmé pour se dire que lui et moi ça pourrait être une bonne idée. Qu’il n’y a pas d’attache si ce n’est le fait que je connais son secret.
Alors ses doigts se glissent sur mon visage, me force à le regarder, je fais un peu naufrage. « Fiancée ? Mais est-ce vraiment ça que tu veux ? » Il y a quelques mois, oui. Il avait besoin de moi et moi de lui. « Je serais ton fiancé, je te laisserais ne pas avoir une mine aussi triste. » J’en esquisse un sourire, à me demander, si Trent s’est ne serait-ce que rendu compte du fait que je ne tourne plus rond, que rien n’est plus net. En même temps, il devait le savoir au début de l’histoire étant donné que j’ai accepté sa demande sur un coup de tête. « Je serais là pour te réconforter… enfin, si j’étais lui… » Un battement de cil, et je soupire. Mais tu ne l’es pas, tu n’es ni Trent, ni Jasper, et plus encore tu n’es pas Joshua. Parce que les problèmes ont commencé avec cet homme-là. C’est lui qui l’a brisé, et ce sont les deux autres qui paient.

Et il étend ses mouvements, guide mes mains sur ses épaules, descend les siennes sur mes hanches, et dans ma tête je me répète que ce n’est qu’une danse… « On ne fait que danser… » comme s’il lisait dans mes pensées, « même si l’ambiance donnerait envie que je t’embrasse, je ne pense pas que ce soit ce dont tu as envie, Taylor… Je me trompe ? » Les yeux dans les siens, j’avoue m’être laissé surprendre par ses airs un peu trop malins. Si bien que je me mets à rire, tout en me demandant quels sont ses véritables instincts. Ce dont j’ai envie… ? Il ne réalise pas, toutes les possibilités du monde qui se trouvent dans ces mots-là. Et je ne saurais pas le dire, à peine le décrire. Parce que je ne parviens pas à me décider, car je ne sais plus ce que je fais. Mes faits et gestes, je ne suis plus sûre de savoir comment les justifier. Ce que je veux… « Danser. » si ça peut être assez. Danser et oublier, juste une minute, pas pour l’éternité. Je veux mettre de côté le bordel, et flirter avec l’irréel. « Ce dont j’ai envie. » Les idées pêlemêles, persuadée que cela ne lui suffit. « C’est pas ce que tu recherches. » Parce que je les connais, les personnes qui ont trop souffert, ceux qui restent. Ce qui subissent la vie quand les autres sont partis. « Il te faut une gentille petite étudiante pour ça. » Et pas une femme qui enchaîne les n’importe quoi.