Cogner aidait à évacuer. Cogner aidait à se blesser. Cogner aidait à contrôler. J’en avais besoin. Et, puisque j’avais appris que je n’avais plus le droit à la boxe, je me rabattais sur autre chose. Quelque chose de plus brutal. Quelque chose de plus impactant. Quelque chose de plus direct. Le poing droit rencontrait le miroir sans même ressentir la douleur des coupures qui se dessinaient déjà sur mes doigts. Le poing droit provoquait l’impact et la libération commençait à peine à survenir. Je la sentais pulser quelque part. Loin. Encore trop loin. Alors, j’étais prêt à frapper jusqu’à me foutre la main totalement en l’air. J’étais prêt à cogner jusqu’à me détruire complètement juste pour ne plus sentir cette boule qui me bouffait à l’intérieur. Juste pour que la voix à l’intérieur de mon crâne se taise. Juste pour qu’ELLE cesse de me pousser dans le précipice douloureux que je ne savais pas gérer. Cependant, je ne pouvais pas aller bien loin. Je ne pouvais guère accéder à la libération. Lukas me repoussait d’un coup d’épaule. Il m’éloigner de mon sauvetage pour me replonger dans le feu des Enfers. Je le voyais ainsi alors que lui croyait sans doute me sauver. Me sauver d’une destruction physique. Me plonger dans un Enfer mental. Je le laissais pourtant faire. Je ne répliquais pas. J’aurai pu le cogner lui. Le plus que meilleur amant. J’aurai bu le bousculer ou le repousser. J’aurai pu courir à l’extérieur loin d’ici. Loin de lui. Et je ne le faisais pas. Je subissais le coup d’épaule et je me laissais attraper. Je le laissais m’avoir. Entraîné sous la douche, je suivais le mouvement alors qu’il me barrait clairement la sortie. Mes poings s’abattaient doucement sur son torse. Gamin qui refusait de le blesser. Gosse qui ne savait plus comment s’en sortir. Et ses mains glissaient sur moi. Et les mots me percutaient de plein fouet. Des mots qui donnaient enfin vie au sanglot que j’avais tant retenu. Des mots libérateurs peut-être alors que je venais me réfugier dans les bras de celui qui était mon mari dans cette vie oubliée. Je m’effondrais le corps tremblant enroulant mes bras autour de son cou. Le visage niché contre lui, je laissais quelques mots m’échappaient. Je laissais le charabia de ma tête glisser entre mes lèvres. Et la voix de Lukas s’élevait. Lui qui tentait encore et toujours de me rassurer. Lui qui essayait de dédramatiser la situation. Lui qui tentait de me calmer. Lui qui essayait encore et toujours de me sauver. Les mots ne suffisaient pas. Ils n’apaisaient pas assez la tête qui continuait de me dévorer trop vivement. Je me reculais croisant son regard et le suppliant de faire quelque chose. Le suppliant de me tirer hors de cet endroit où je me sentais crever à petit feu. Il me reculait jusqu’à ce que mon dos rencontre le mur de la douche. Le gémissement de douleur glissait entre mes lèvres et ça faisait du bien quelque part. Ses lèvres trouvaient les miennes pour un baiser un peu trop fort. Un baiser un peu trop étrange. Les mots tombaient. La réalité cognait. Le corps de Lukas se pressait contre le mien et je venais souffler « Non… Non… Je… Non… » comme revenant bien trop vite sur la supplication initiale. Je ne pouvais pas lui faire ça. Je ne voulais pas lui faire ça. Je refusais de détruire encore plus aujourd’hui. Je ne voulais pas foutre encore plus d’histoire en l’air et, si j’osais quémander un tel acte à mon plus que meilleur ami, j’allais nous foutre bien trop en l’air. Je secouais négativement la tête pour faire passer encore plus le message. Non je ne voulais pas ça. Je refusais cette baise brutale qui aurait pu faire du bien et que j’avais demandé. Je refusais de lui demander l’impossible. Je refusais de l’entraîner dans cette tornade destructrice. Murmurant une nouvelle fois un « Non… », je déposais doucement mes mains sur le torse de mon plus que meilleur ami comme pour lui demander de se reculer un peu. Déglutissant difficilement, je prenais sur moi. J’allais devoir supporter la morsure douloureuse de la voix dans ma tête pendant quelques temps. Quelques heures peut-être avant que je ne m’échappe d’ici. Juste supporter comme je l’avais fait parfois en Italie. Glissant ma langue sur mes lèvres, je marmonnais « La douche… Brûler les vêtements… Ranger l’arme… » pour mettre les choses au clair. Baissant la tête, je tentais de déboutonner mon pantalon de mes doigts tremblants.

Si ça n’avait pas été Lukas avec moi sous cette douche, je ne serais jamais revenu sur mes propos. Je n’aurais pas dit non à cette baise libératrice que je quémandais et que j’avais tant envie de connaître. Gamin qui avait réellement besoin de laisser la domination à autrui pour s’oublier un peu. Gosse qui voulait confier les rênes à quelqu’un d’autre afin de mieux respirer. Être humain qui avait besoin de ressentir la douleur physique pour connaître la libération mentale. Je désirais simplement ne plus ressentir cette boule douloureuse qui bouffait mon être à l’idée qu’Eros se trouvait dans la cage blanche par ma faute. Je voulais tant faire taire la voix qui cognait dans mon crâne pour dire que je n’étais qu’un incapable qui ne savait rien faire tout seul. Je désirais l’étouffer avant qu’elle ne me pousse trop loin dans ce douloureux précipice que je ne savais pas gérer. Si elle me bousculait un peu trop sur ce fil, les conséquences risquaient d’être désastreuses et je n’étais pas prêt pour ça. Pas cette semaine. Pas avec la rupture qui m’avait déjà bousillé le cœur. Pas avec la rupture qui avait tant mis ma tête en vrac. J’avais besoin de cette baise libératrice pour mieux me contrôler face aux événements de cette fin de journée. J’avais besoin de me faire prendre pour me dire que je n’étais pas seul dans cette histoire. Cependant, c’était Lukas qui se trouvait avec moi sous cette douche. Lukas. L’ami d’enfance. Le meilleur ami d’une vie. L’amant du présent. Le copain du présent. Le mari du présent et du futur. Le soutien sans faille depuis des années. Le sourire de mon âme depuis tant de temps. Le soleil de mon existence depuis toujours. Il y avait tant de rôles que le jeune homme occupait. Il y avait tant de places qu’il savait prendre. Et ça me percutait comme un éclair. Je ne pouvais pas lui demander ce nouveau rôle. Je ne pouvais pas accepter d’emprunter un tel chemin en sa compagnie. Je ne pouvais pas prendre le risque de nous foutre en l’air. Nous. Teokas. Neakas. Je ne pouvais pas le détruire lui aussi en osant lui demander ce rôle qu’il ne voulait pas avoir. Il l’avait dit dès le début. Dès mon réveil à l’hôpital des semaines plus tôt. Il avait dit qu’il ne pouvait pas être celui qui me baisait simplement. Alors, dos contre le mur, le corps de Lukas pressé contre le mien, je soufflais cette négation revenant aussitôt sur ma supplication pour ne pas le détruire lui. Le diamant brut de ma vie. Je refusais de le foutre en l’air. La pression se relâchait en un rien de temps et je soupirais lentement soufflant de nouveau le non. Mes mains se posaient sur le torse de mon plus que meilleur ami pour le pousser à reculer avec lenteur. Il me fallait de la distance sinon j’allais finir par lui demander de me faire l’amour quand même. Juste pour m’occuper la tête. Simplement pour oublier le massacre. Cette balle, ce sang, Eros, Aaron… Mes yeux se fermaient tandis que j’entendais Lukas bouger non loin de moi. Lui qui retirait ses chaussures pendant que je déglutissais difficilement. La morsure de ma tête s’intensifiait maintenant que le contact n’était plus. C’était douloureux. Ça allait être douloureux. Des heures. Des jours peut-être même. ELLE allait cogner. ELLE allait me pousser trop loin. Alors, comme pour ne pas me concentrer sur ELLE, je soufflais les ordres qui nous avaient été donné. Ces ordres auxquels nous devions nous plier. Lukas acceptait et je m’attelais aux demandes baissant la tête. Je tentais en vain de déboutonner mon pantalon de mes doigts tremblants. J’étais prêt à tenter de retirer le bout de tissu comme ça quitte à m’écorcher la peau en forçant trop sur le jean. Cependant, avant même que je ne puisse l’envisager, la main de mon plus que meilleur ami glissait sur la mienne. Il déposait ma main sur son épaule avant de prendre les choses en main. Mari parfait qui m’accompagnait si bien. Pantalon détaché et glissé, Lukas se retrouvait à genoux devant moi. Ça avait quelque chose de grisant. Ça avait quelque chose de si excitant. Ça aurait pu me faire dérailler. Dans une situation moins dramatique. Dans un autre moment moins mélancolique. Là, à l’instant, ça ne me faisait rien. Je le laissais agir retirant mes chaussures, mes chaussettes et mon pantalon. Je ne portais plus que mon boxer lorsqu’il se glissait dans mon dos me plaquant contre lui. Ses bras m’entouraient au niveau de mon torse et je fermais doucement les yeux. Je fermais les yeux sentant sa respiration si lente et exagérée derrière moi. Je gardais les yeux clos lorsque sa tête se déposait contre la mienne. Je tentais de suivre sa respiration et les mots résonnaient. Des mots censés être rassurants. Des mots qui ne faisaient qu’accélérer mon cœur. Des mots qui me tiraient un nouveau sanglot. Gamin épuisé qui se sentait si coupable. Gosse au bout du rouleau qui avait envie que tout cesse maintenant. Je n’étais pas prêt à faire face à tout ça moi. Je n’avais pas cherché à vivre ces événements. Je bougeais doucement pour décaler ma tête de la sienne. Je renversais lentement ma tête en arrière pour la déposer sur l’épaule de ce garçon toujours là pour moi. Les yeux toujours clos, je levais doucement les bras pour poser mes mains sur celles de Lukas. Mon corps se pressait un peu plus contre le sien. Et, là, sous l’eau chaude de la douche, je n’écoutais plus que sa respiration. Je me laissais lentement bercer par le rythme. Je me laissais doucement avoir à suivre le même. Enfant qui parvenait enfin à se calmer même si ce n’était que pour quelques minutes. Gamin qui tournait doucement la tête pour que ses lèvres sentent la peau de Lukas. Gosse qui déposait un doux baiser dans le cou du mari aimé juste pour le remercier sans avoir à souffler un mot.

Mes lèvres s’échouaient dans le cou de Lukas en un simple et doux baiser simplement pour le remercier d’être toujours là à mes côtés. Juste pour lui montrer que j’étais reconnaissant qu’il soit encore présent après un tel incident. Je ne cherchais rien de plus quand bien même mon corps se pressait un peu trop contre le sien. Gamin en quête de contact. Gosse qui cherchait juste à replonger dans une bulle rassurante. Il gémissait et ça venait calmer la folie désagréable de mon cœur. Ça la remplaçait par quelque chose de mieux. De plus agréable. De plus doux. Les frissons sur son corps me tirait un bref sourire alors que je sentais sa tête contre la mienne qui m’invitait à continuer les baisers. Des baisers que je ne continuais pas pourtant. Être humain qui pouvait s’enflammer à tout instant. Homme qui cherchait à contrôler les flammes qui n’avaient pas leur place ici. La main de mon plus que meilleur ami bougeait pour glisser le long de mon visage en une lente caresse. Apaisant. Envoûtant. Il l’était au travers de ce geste. Et je m’efforçais de suivre encore plus sa lente respiration exagérée dans mon dos. Je me concentrais pleinement dessus pour réduire l’horreur qui pulsait dans ma tête. Je me concentrais totalement sur  ce bruit pour oublier ce qu’il venait de se passer. Ce que je venais de commettre. J’avais tiré sur Eros putain… Je ne l’avais pas voulu, mais je l’avais fait. Et Aaron me l’avait un peu fait payer. Pas assez… Je me doutais que peut-être la vengeance viendrait plus tard. Peut-être qu’elle s’inviterait lorsque je m’y attendrais moins. Cette douce vengeance que je méritais. Je me concentrais sur la respiration de mon Sunshine pour ne pas replonger dans le mauvais côté. Ce côté où j’avais envie de le supplier de nouveau de me prendre sans amour. Ce côté où j’avais envie de me soumettre et d’offrir le contrôle à autrui. Ce côté que j’avais sagement refoulé refusant de foutre en l’air la bulle construire ici. Teokas. Neakas. Qu’importait. Je savais juste que je ne voulais pas la briser. Pas comme tout le reste que j’avais déjà trop brisé. Seulement vêtu d’un boxer, je profitais de ces instants de calme qui se propageait dans cette salle de bain. Je profitais de ces moments de sérénité en compagnie de cet homme que j’aimais dans ce présent oublié. Cet homme que j’aimais dans ce passé dont je me souvenais même si les sentiments n’étaient pas dans la même case. Les minutes s’écoulaient en silence. Le silence m’apaisait. Lentement. Réellement. Je me sentais remonter loin de ces flammes destructrices de l’Enfer. Je me sentais m’accrocher loin de la bouche béante douloureuse qui voulait m’engloutir. Les yeux clos, je sentais mon cœur ralentir au fil des minutes. Je sentais ma respiration se caler de plus en plus sur celle de Lukas. Cependant, cette proximité ne pouvait pas s’éterniser ici. Pas comme ça. Et la douche s’empressait de nous le rappeler lorsque l’eau froide se déversait sur nous. Eau glaciale qui me poussait à claquer des dents. Eau glaciale qui ne me faisait pourtant pas bouger. Je n’avais aucune envie de quitter les bras rassurants de Lukas. Je n’avais aucune envie de m’éloigner de celui qui m’aidait à ne pas couler au fin fond de l’Enfer. Mon plus que meilleur ami n’était pas de cet avis. Il déposait un baiser sur mon front avant de lancer un murmure pour m’inviter à me glisser hors de cette douche. Un murmure face auquel j’aurais aimé secouer négativement la tête. Un murmure face auquel j’aurai aimé le retenir de toutes mes forces pour le garder contre moi. Un murmure face auquel je me contentais pourtant d’hocher la tête comme bien trop obéissant et sage. Il s’écartait pour éteindre l’eau et je restais simplement là. Pantin qui ne savait plus agir tout seul. Marionnette qui attendait d’être guidée. Je l’étais bien vite. Guidé vers la sortie. Enveloppé dans un peignoir. Et, alors que j’allais me blottir dans les bras de mon plus que meilleur ami de nouveau, il me soufflait d’aller m’allonger pendant qu’il s’occupait de tout. Un ronchonnement glissait entre mes lèvres. Gosse qui n’avait pas envie qu’il gère tout tout seul. Gamin qui refusait de se passer de lui. Cependant, j’obéissais sagement me dirigeant dans la chambre où je retirais le peignoir et le boxer après m’être séché un peu trop grossièrement. J’allais me faufiler sous les draps lorsque Lukas passait déposant un nouveau baiser sur mon front me faisant fermer les yeux. Il soufflait son arrivée imminente et je me glissais sous les draps sans faire d’histoire. Yeux fermés, je l’entendais se déplacer dans l’appartement. Yeux fermés, je me doutais déjà de ce qu’il était en train de faire. Un plateau était posé sur la table de nuit sans doute pour demain matin. L’arme était planquée dans ma penderie à sa place habituelle sans doute. Cette place qu’il connaissait peut-être je ne savais pas. Et, finalement, le lit bougeait. Il s’allongeait à mes côtés. Mes iris sombres s’ouvraient aussitôt pour tomber sur son visage. Face à moi. Contre moi. Ses bras s’ouvraient de nouveau et je m’empressais de m’approcher me fichant de ma nudité. Je me glissais tout contre ce garçon qui faisait tant pour moi. Ce garçon qui était clairement plus qu’un meilleur ami dans cette vie. Ce garçon que je me sentais aimer de plus en plus fort sans savoir le contrôler. Ce sexy musicien pour lequel je me sentais tomber jour après jour. Encore plus maintenant après avoir vu tout ce qu’il faisait pour moi. Je bougeais doucement pour me coller un peu trop contre lui. Mes mains se posaient sur son ventre tandis que ma tête venait se poser sur son torse au niveau de son cœur. Je bougeais à peine pour laisser mes lèvres déposer un baiser sur son cœur. Un simple baiser pour le remercier. Un baiser bien trop court pour dire que je l’aimais. Silencieusement. Réellement. Sincèrement. Je me rallongeais bien vite tout contre lui – ou peut-être un peu trop sur lui – avant de fermer les yeux pour tenter de plonger dans un sommeil qui pourrait peut-être faire du bien. Un sommeil qui risquait de me fuir. Un sommeil qui allait me faire oublier les ordres un court moment. Un sommeil qui allait sans doute être peuplé d’horreurs. Mais, un sommeil au cours duquel je ne serais pas seul. Lukas à mes côtés. Le plus que meilleur ami tout contre moi. Le mari à jamais présent pour moi.