Jeudi 3 Juin - Après-midi

Posté en bas d'un immeuble, j'attends que @Eros K. Delrio daigne bien bouger son cul et descende me rejoindre. Leçon de conduite à moitié improvisée à lui donner, je n'arrivais toujours pas à croire qu'il ne savait pas tenir sur une moto. Surtout quand on voyait ce qu'il savait faire avec une voiture. Quel gâchis ! Et dire que j'avais perdu contre lui en plus. Amertume de la défaite encore présente, c'est vrai que je n'arrivais pas à concevoir de m'être incliné face à un mec qui ne savait qu'à moitié conduire. Car c'était comme ça que je voyais les choses désormais. Eros ne connaissait que la moitié des plaisirs que pouvait offrir l'asphalte et la mécanique associée, et à sa demande, j'avais accepté de lui transmettre un peu de mon savoir et de ma maîtrise sur le sujet. Parce que je voulais ma revanche, et que je la voulais la disputer dans des conditions équitables. Et parce que je n'allais pas me remettre de cette révélation sinon. Jamais. Je l'aperçois enfin sortir du bâtiment et encore une fois, il n'a pas sa tête des meilleurs jours. Ce qui ne me rassure pas pour une leçon de conduite à deux roues. Encore moins sur mon bébé. S'il l'éraflait, je lui faisais manger le sol, sans aucune pitié. Mais pour le moment, je ne dis rien sur le sujet, me contente de lui tendre un deuxième casque après l'avoir salué. « Hey ! J'ai trouvé un endroit tranquille pour éviter qu'on fasse trop de dégâts en ville. » Ou qu'on s'attire des ennuis. « Allez, monte. » Je remonte sur ma bécane et le laisse faire de même pour faire mettre les voiles.

Les paroles de Lukas m’avaient apaisé, un court instant, mais je n’arrivais à passer outre ce coup qu’il m’avait fait. Le message de la veille, qu’il avait reçut - comme par hasard – lui restait en travers de la gorge, le blessé comme il m’avait blessé c’est tout ce que je voyais et je ne me doutais pas des conséquences que ses quelques mots que j’avais couché par sms pour libérer mon esprit allait avoir. Nuit difficile, cauchemar en tout genre, mon esprit que je n’arrivais pas à calmer. Rendez-vous pris avec Anders, aucune envie d’annulé même si ce n’est peut-être pas une bonne idée de monter sur une moto dans cet état. Pas l’intention de prendre de risque, j’avais juste envie de me vider la tête, de me concentrer sur autre chose que sur son absence. L’apprentissage de la moto était un bon moyen parce que je n’avais pas le choix, il fallait que toute mon attention soit porter sur ce que je faisais si je ne voulais pas que ça se termine en drame. Je rejoins Anders, tentant tant bien que mal de dissimuler mon état pour qu’il panique, sourire faussée sur le visage et je prends le casque qu’il me tend “Je vois que la confiance règne !” répondais je avec un clin d’œil, j’enfile alors la protection et monte à sa suite, m’accrochant à lui “Fais pas ta fillette à rouler à deux à l’heure !” Rajoutais je avant d’abaisser la visière.

Un sourire se dessine à sa réflexion et son clin d'œil. « Quand il s’agit de laisser mon bébé entre les mains d’un autre, jamais. » Et en même temps, c’était moi qui lui avait proposé. Mais parce que je refusais l’idée qu’un mec aussi doué avec un volant entre les mains ne sache pas en faire autant sur deux roues. D’autant plus que c’était bien plus pratique dans une ville si dense, avec des routes si occupées. Il n’imaginait pas le temps que l’on pouvait gagner à pouvoir zigzaguer entre les voitures quand celles ci étaient toutes à l’arrêt. Je le laisse prendre place derrière moi et rabaisse la visière de mon casque, en roulant des yeux, même s’il ne pouvait plus les voir. « Tiens toi bien. » Je démarre le contact et prends doucement la route sur les premiers mètres pour voir comment il réagit, s’il semble à l’aise. Ca à l’air d’aller, alors progressivement, j’augmente la vitesse, restant raisonnable tant que nous sommes en ville avant de laisser tomber la retenue une fois éloigné de la civilisation. On fait quelques kilomètres à pleine vitesse, le soleil et le vent appréciable directement sur le peu de notre corps exposé. Je roule jusqu’à une petite ville avec de grands chemins au travers des champs et des terrains. Un endroit où on ne gênerait personne, et où personne ne nous gênerait. Je coupe le contact et retire mon casque laissant Eros descendre avant de faire de même. « J’espère que t’as apprécié la balade. Et que t’as pas trop flippé. » Clin d’oeil taquin, je pose mon casque et ouvre ma veste pour pouvoir respirer un peu. « Bon alors, concrètement, qu’est ce que t’y connais à ces bébés ? »

Il démarre doucement, je m’accroche un peu plus quand la vitesse augmente et j’apprécie ce trajet, j’ai presque envie d’hurler de joie comme un gosse, mais je m’abstiens ne voulant pas agresser les oreilles de mon pilote personnel. On arrive bientôt au lieu qu’il a choisis et je descends de la moto, enlève mon casque tout sourire. Je regarde les allant tours et me tourne vers Anders “C’est au top j’adore !” je me passe une main dans les cheveux, puis dans la nuque avant de lui répondre “Hmm... Je suis capable de les démonter et les remonter les yeux fermés donc je sais où se trouve toutes les commandes, si ça peut te rassurer je ne vais pas confondre le frein et l’accélérateur !” un petit sourire en coin alors que je regarde l’engin “Je suis monté dessus une fois seul, pour tester après une réparation, mais je n’ai jamais roulé avec” j’avais l’impression qu’avec cette phrase je venais de faire effondrer un mythe. Rire nerveux “C’est nul hein ?”

Je me fais plaisir sur la route. Je sais qu’Eros n’est pas du genre à craindre la vitesse, que lui aussi apprécie ce genre de sensations. J’en profite également pour juger son aise sur l’engin, même si je reste celui qui le manie. S’il était trop tendu maintenant, je n’ose pas imaginer ce que ça donnerait seul. Mais il semble à l’aise, autant que moi, ce qui me donne plutôt confiance pour la suite. La route n’est pas longue, juste assez pour nous éloigner un peu de l’euphorie perpétuelle de la ville, histoire d’être tranquille. Pied à terre, je souris en voyant Eros tout sourire, tel un gosse à qui on fait un cadeau. Je l’écoute m’expliquer qu’il maîtrise la théorie, mais pas la pratique. Déception réelle dans mon esprit, quand on savait ce qu’il pouvait faire sur quatre roues, je ne pouvais m’empêcher de me dire que c’était du gâchis qu’il ne puisse pas en faire autant sur deux. « Naaan, je diras pas que c’est nul mais… Surprenant quoi. » Ca c’était certain. « ‘Fin je sais pas trop. Perso j’ai appris à conduire une moto avant de pouvoir passer mon permis. Alors ça me fait un peu bizarre. Mais bon, je faisais aussi déjà du forcing pour conduire des chasse-neige à sept ans alors... » Je ris doucement. Mon amour pour la conduite, c’est sûr, ça ne datait pas d’hier. « Mais allez, en selle, t’as une leçon à prendre toi ! »

”Un chasse neige, vraiment ? Et les tracteurs ? Dis-moi que t’a déjà conduit un tracteur je paierais cher pour te voir conduire un tracteur !” Incapable de rester sérieux plus de deux minutes, surtout en sa présence Anders avait le don de m’apaiser ou du moins de me faire oublier mes problèmes l’espace de quelques minutes. ”Mon frère était passionné de voiture, il m’a mis là-dedans très rapidement il a su conduire hyper jeune et je l’ai suivi, j’ai su drifter avant même de savoir-faire un créneau pour te dire.” J’ai un petit sourire triste quand les images passent devant mes yeux. Je hausse les épaules. ”Disons que c’est comme toi sauf que j’ai appris sur quatre roues au lieu de deux, mais comme on dis mieux vaut tard que jamais non ?” Je sautille comme un gamin en remettant mon casque sur la tête, je remonte sur la bécane ”C’est bon je peux y aller ?” Un gosse beaucoup trop impatient ”Pardon, premièr conseil prof ?” dis je en me calmant

Je hoche lentement la tête à plusieurs reprises. « Ouais, un chasse-neige. J’ai passé une partie de mon enfance en Suisse. On avait des mètres de neige tous les hivers. Un jour, j’ai fini par faire un caprice pour le conduire… Et ça a marché. » C’était la première fois qu’on m’avait laissé derrière le volant d’un véritable véhicule, et ça, je ne pourrais jamais l’oublier. «  Pas de tracteur, mais s’il n’y a que ça pour te faire plaisir, on peut s’arranger. » Il suffirait de trouver une ferme dans les environs, et je suis certain qu’avec un beau sourire, on pourrait nous dire oui à cette demande saugrenue. Puis vient son tour de me raconter comment il en est venu à se passionner également pour la conduite. Grâce à son frère. Un complicité que j'enviais un peu, n'ayant eu que très peu à partager avec mes soeurs. Peut-être que si j'avais eu des frères, les choses auraient été différentes. « Je savais même pas que t'as un frère. Mais tu m'étonnes, ça devait être le feu d'apprendre avec lui ! » D'avoir quelqu'un avec qui partager ça. « Je vois. Et désormais il est temps d'apprendre sur deux roues. Allez, en selle ! » Je le regarde sautiller sur place alors qu'il renfile son équipement et de remonter sur ma moto, seul cette fois. « Tranquille speedy gonzales. » Je ris doucement et me rapproche pour lui donner quelques informations. « Je l'ai un peu bricolé, alors méfie toi, l'accélérateur est très sensible. Sinon, vas-y tranquille, le temps de trouver ton équilibre. Après tu pourras taper tes plus belles accélérations. »

Je l’écoute, riant doucement à son histoire, à Los Angeles ou à Naples, ce n’est pas forcément les chasses neiges qui courrait les rues. Il enchaine sur le tracteur et j’avoue que mon regard le détail de haut en bas, Est-ce que j’étais en train de l’imaginer avec une salopette à moitié enlever ? Posant tel un mannequin pour un calendrier osé ? Possible. Est-ce qu’il ne fallait pas que je me concentre sur la moto que je m’apprêtais à conduire, au lieu de laisser les images inappropriées devant mes yeux ? C’est certain. Me tirant de mes rêveries, petit sourire adressé à Anders, l’envie de ne pas conter l’histoire de mon frère décéder, pas maintenant en tout cas, pas avant de monter sur une bécane qui pouvait vraisemblablement me tuer si je la conduisais comme une merde. Je me calme quand il me le dit, hoche la tête à ses mots. Me remémore les commandes, pour être sûr de pas paniquer une fois lancer, de plus si je faisais une égratignure à son bébé j’allais passer un sale quart d’heure. “Bien chef !” un dernier sourire et je rabats la visière du casque, allumant le contact, faisant vibrer le moteur. J'enlève la béquille et me lance, doucement dans un premier temps, remettant une fois le pied à terre, râlant dans mon casque, je m’y reprends, faisant quelques mètres à bonne vitesse et l’adrénaline finis par accélérer l’engin. Putain il avait grave raison, c’est le pied ce truc ! C’est en voulant faire demi-tour que les choses se complique, manquant de me ratatiner, j’ignore comment j’arrive à éviter la catastrophe en redressant la moto, je m’arrête, met un pied à terre pour souffler deux minute.

Je le laisse prendre place, s’installer, je lui rappelle deux trois choses essentielles, le brief également sur les quelques modifications faites sur l’engin. Mon bébé. Entre mes mains depuis des années, et dont j’avais toujours pris grand soin. Ca me fait d’ailleurs très étrange de voir quelqu’un d’autre s’apprêter à en prendre les commandes. Comme si soudainement, elle n’était plus complètement à moi. Mais j’avais promis à Eros de le laisser apprendre, et rien ne servait que l’on soit deux dessus pour le moment. Sa visière baissée, je me recule un peu, par précaution, alors qu’il démarre le moteur. Je l’entends le faire ronronner, roule des yeux un peu exaspéré. A croire que j’étais jaloux. Béquille retirée, je le regarde s’éloigner doucement, le temps de prendre ses marques, son aise. Son pied touche une fois le sol, mais ça ne me choque pas. On était nombreux à passer par là. Et puis finalement, il s’en sortait pas trop mal. Il accélère progressivement, ce qui m’arrache un sourire. C’est là qu’il allait kiffer. Avec cette vitesse, cette sensation de fendre l’air. Mais pas le temps d’en profiter très longtemps pour lui. Je remarque la perte d’équilibre, me prépare au pire alors que je me rapproche déjà en courant. Pourtant, pas de catastrophe, personne au sol. Sauvetage in-extremis, je m’arrête de courir et le rejoint tranquillement, profitant qu’il soit arrêté. « Bravo ! Pour une première, tu t’en sors pas mal ! » Même s’il m’avait fait une frayeur, franchement, il pouvait être fier de lui. « Alors, je pense que t’as compris que le plus dur, c’était pas de rouler avec, mais de prendre des virages sans se ramasser. » Je ris légèrement, même si le danger était réel. « C’est pas comme une voiture, tu peux pas te contenter de juste tourner comme avec le volant. Faut que t’y ailles aussi avec le corps. La moto, ça doit être comme une extension de toi. Sinon, tu t’en sors vraiment pas mal ! »