Le départ de Méluzine remettait en doute ma décision de rester. En questionnement depuis des jours, je pensais avoir trouvé ma réponse, rester encore un peu pour elle et voir où cela nous mène. Son besoin de liberté se faisais sentir depuis quelques temps maintenant, alors j’avais fini par lui dire que sa nouvelle vie elle la méritait, que là-bas elle pourrait se sentir elle-même, recommencer comme elle le souhaitait et que je n’hésiterais jamais à faire un détour par Tromso juste pour elle. En train de réfléchir à mon prochain voyage, prés à refuser le contrat permanent qu’Harvard m’avais proposé, voilà de nouveau le destin en train de me mettre mon passé devant les yeux... Et quel passé. Croisé au détour d’une rue, lui arrêter à un feu rouge, j’ai bien cru être en train d’halluciner, parce que c’était tellement improbable de le voir ici, qu’on soit les deux ans la même ville. Avec le temps on avait fini par arrêter de se dire où l’on se trouvait dans le monde, sans comprendre vraiment pourquoi ça causait beaucoup trop de tensions entre nous, enfin la distance, le fait qu’on ne soit pas l’un avec l’autre causait assurément une discorde. Début de soirée, me voilà enfourchant ma moto direction Carson Beach, le palpitant impatient de le retrouver. Je me gare, enlève mon casque et descend de la bécane pour l’attendre, regarde l’heure, mais déjà il apparait dans mon champ de vision. Palpitant qui accélère. Merde et je réalise que ca fais plus de deux ans qu’on ne s’est pas vu, je ne sais même pas comment je dois réagir face à lui

Etrange est le passé quand on pense réellement faire table rase et se lancer dans une nouvelle Vie, ville et defi. Pour autant, le boomerang comme j’aime le surnommer est bel et bien present. Osant m’avouer où il etait. Dans le meme lieu que moi. Habituellement, on tait nos destinations. Enfin non, on avait finit par les taire. La distance faisant plus de mal que de bien. Des mutations nous obligeant a s’adapter a l’emploi du temps de l’un et l’autre. Le plaisir a toujours ete au rendez vous durant nos retrouvailles. Premiere relation non cachee, et des mois apres mon veuvage. Court mais intense. Un soulagement et de doux souvenirs de savoir qu’on allait se retrouver. Une complicité toujours au rendez-vous. Et je l’admets, j’etais impatient de le revoir. Direction Carson Beach et je pose le pied quand j’arrive au point de rendez-vous. Mes yeux se perdent sur sa personne. Toujours aussi ... Charmant. Merde, je deviens un ado. « Bonsoir » Moment de flottement. Ca n’aurait pas ete la meme a une époque. « On y va ? » Je suppose que notre virée nous détendra et on sera plus loquace.

C’est un peu l’anarchie dans ma tête à ce moment-là. Tout défile dans ma tête, notre rencontre, notre complicité, nos retrouvailles pendants ses permes et les sentiments que je ressentais à l’époque, que je ressens peut-être encore je n’en sais rien. Je repense à nos disputes par téléphones, à cette mauvaise tension grandissante qui nous poussais à ne pas nous parler pendant des semaines et des mois. Tenter de tout refouler, de ne pas comparer cette relation avec les autres. Ce n’était pas comparable de toute manière. En fait Yoni avait exploser tous mes principes, toute ma manière de pensé, alors que je ne ressentais jamais le manque de personne, pas même de ma famille, lui me manquait à chaque instant, alors que je n’étais pas du genre à m’inquiéter partant du principe que si on ne me contactait pas c’est que tout allait bien, pour lui j’étais sur le qui-vive à chaque instant, me demandant sans cesse où il se trouvait, s’il allait bien, ce qu’il faisait. Pensées qui me bouffaient la tête et le cœur. Je ne restais jamais à un endroit, pour personne, si j’avais envie de partir, de voir d’autre horizon je ne me posais pas la question, je suivais mes envies tout le temps sans me demander si j’allais blesser quelqu’un parce que les personnes que je fréquentais je les mettais au courant dès le départ de ma manière de vivre. J'avais fait pareil avec Yoni, honnête à cent pour cent, je n’avais pas compris comment j’avais pu basculer, comment il avait fait pour me faire chavirer. Une nouvelle mutation pour lui, histoire qui devait s’arrêter, prétexter une nouvelle destination, un nouveau pays alors que j’avais juste envie de lui dire de rester là avec moi. Et quand je le vois j’ai le cœur qui s’emballe un peu trop, beaucoup trop. “Salut” gêne qui s’installe et je hoche la tête “Je te suis” j’enfile mon casque, monte sur ma bécane et fais déjà gronder le moteur. Yoni pars devant et j’ai encore du mal à croire que c’est lui, là, avec moi. Une virée en moto c’était la meilleure chose pour nous détendre. Je roule à sa hauteur, regards complice et cœur plus légers pour le moment.

Des murs ont tremblé entre nous. J’ai failli refuser une mutation pour lui. Je n’avais pas de relation sérieuse depuis mon veuvage. Il est arrivé comme une éclaircie. Devenant une encre. Mes crises se faisaient moins fréquentes. Il m’apaisait considérablement. Puis, tout s’est effondré. Ma brigade est venu me chercher. Lui dormant encore. Faire miroiter une retraite - qui n’est pas venue a la fin de cette mission - et me convaincre de partir. Deux mots : je reviens sur un bout de papier. Mais la dispute au téléphone sonna le glas de notre couple. Le manque devenait insupportable. Meme pour moi. Une séparation ravivant des nuits solitaires en proie aux doutes sur mon existence. Parler de lui en thérapie. Realiser que je l’avais aimé mais que je n’avais jamais accepté notre séparation. Comme s’il n’y avait qu’eu un point virgule. Alors lui parler de nouveau, le revoir me déstabiliser. Passion commune. Se promener le long de rives. Slalomer entre les voitures. Se depasser. Tisser une complicité perdue en silence. Deux bonnes heures. Et l’amener devant cette maison, pres de l’ocean. Couper le contact, retirer mon casque et descendre de la moto. « C’est une résidence quand je ne travaille pas. J’ai décidé de la retaper. Meme si je suis nul. Ca m’occupe l’esprit. » Relever le garage pour ranger ma becane. « Y’a de la place pour deux. » Pour trois voitures a titre de comparaison. Je sors les clefs pour ouvrir. Moment de doute. « Je sais qu’on l’a évoqué par messages mais tu veux vraiment de moi et ... Entrer ? » Le gars confiant se délitant devant un amour qui lui manquait furieusement.

Pas forcément besoin de parler quand on était ensemble, je l’avais oublié ça. Ce jeu de regards, ce comprendre en un coup d’oeil comprendre le moindre de ses gestes. Il m’avait manqué, horriblement et c’est là que ça me faisait peur, peu de monde me manquait, un peu comme la normal, mais pas au moins de me mettre mal, non avec lui tout était différent, tout. Je ressentais des émotions plus fort qu’à la normal, tout multiplié par dix, par milles, c’est là que j’avais peur, j’avais peur de ce que je ressentais, j’avais peur de nous, de l’avenir, je pensais à l’avenir c’était effrayant, mais là avec lui plus rien ne comptait. Je le suis, il s’arrête je pose un pied à terre hoche la tête et regarde l’extérieur, il avait du boulot, je pourrais l’aider et je finis par le suivre sans discuter jusqu’au garage. Je coupe le moteur, retire mon casque et je réalise que je vois enfin son visage, pas cacher derrière une fenêtre de voiture, pas cacher derrière le casque. C’est vraiment lui. Il ouvre la porte, doute qui s’installe que je perçois et qui se transmet jusqu’à mon visage. Les mêmes doutes, les mêmes craintes. Hésitations quelques secondes, ça me semble une éternité. Je prends ma canne toujours accrochée à ma moto et je le rejoins, m’approche de lui, merde mon cœur qui bat trop vite, j’avais oublié ce que c’était. Je lève mon regard vers lui “Je te suis, je serais bien incapable de faire demis tour à présent” sourire qui se dessine, main qui se lève, se pose sur sa joue, juste pour vérifier que je ne suis pas en train d’halluciner “putain c’est vraiment toi”

Je le regarde venir a moi. Sa canne. Et des nuits blanches a gueuler, parce qu’il se comportait comme un surhomme. Des batailles remportées. D’autres lamentablement echouees. L’envie de lui demander s’il se comportait toujours ainsi mais je refuse de gagner notre moment. Je souris a ses mots, soulagé pour le moment. Et je ferme les yeux a sa caresse. Il m’avait tant manqué. Je rouvre les yeux. « Je repars pas Keo. » Visage qui devie pour embrasser sa paume puis j’ouvre la porte. « Y’a le strict minimum dans chaque piece. Je dois faire l’isolation dans un premier temps. Si tu as des bons artisans, je suis preneur. » On passe devant le mur blanc où j’y ai dessiné le plan de la maison et mes idees pour chaque piece. Je laisse observer puis je continue dans la cuisine. « The ? Chocolat ? Eau ? Jus d’orange ? Jus de pomme ? Soda ? »

J'avais oublié... non ma tête avait minimisé les choses, dans mon esprit c'était pas aussi fort, mais la le fait de le toucher j'ai l'impression que je pourrais m'effondrer en une seconde, décharge électrique qui me parcours le corps et mes yeux qui se ferme quand ses lèvres frôle ma paume. Je souris quand même, mais je n'arrive pas à le croire, pas encore parce que même moi je ne suis sur de rien. Tellement instable de se côté là rien ne nous dis quon allait pas avoir envie d'horizon différent dans quelques jours, semaine, mois... Je le suis à l'intérieur regards qui parcours chaque recoin que je peux voir C'est chouette... je tenterais de me renseigner pour les artisans je m'arrête au niveau du plan, regarde ce qu'il espère faire de sa maison, je souris Un soda stp... ta du travail...mes connaissances sont limitée, mais pourrais t'aider si tu veux... je finis par le rejoindre à la cuisine, toujours cette impression que ce n'est pas réel et pourtant il et bel et bien en face de moi. Je le regarde, je peux empêcher de sourire Tu dois vraiment être sexy en mode bricoleur.. oups pensée formulé à voix haute

Je lui serre donc un soda et j’en fais de meme avant de m’étouffer avec ma canette quand il prononce sa dernière phrase. Je repose ma boisson les joues rouges et ris doucement. « Serais tu entrain de imaginer torse nu et en salopette ? La sueur dans le dos, le crayon a l’oreille, le regard intense à réfléchir ? C’est un coup a finir dans un calendrier aux intérêts douteux pour les enfants. » Je m’assois et le regarde plus franchement. « T’es le bienvenu, pour ton aide ou me tenir compagnie, ca me va bien. » Je bois une gorgée et fixe le jardin et la foret non plus loin. « Comment va ta jambe ? » Comment vont tes nuits ? Es-tu toujours aussi têtu ?

Sourire en coin qui se dessine, j'aperçois le rouge sur ses joues, tellement facile. Je pouffe à sa phrase, ouai c'est l'image que j'avais plus ou moins Un calendrier ? Tu m'en ferais un ? Je te vois très bien en monsieur Août, tel un sauveteur en mer avec un petit short rouge.. je ferme les yeux pur faire semblant d'imaginer avant de rire et de le regarder Allez dis oui ! On peut le faire ? j'insiste un peu trop, ça me fais du bien de rire avec lui. Je viendrais avec plaisir comme si je pouvais faire autrement, l'avoir dans le même ville, le fait de savoir qu'il peut être près de moi, je pourrais passer tous les jours si je m'écoutais. Question qui tombe, poser l'air tout innocent, mais je me doutais de toutes les autres qu'il avait dans la tête. Je pose ma main sur ma cuisse, je hausse les épaules Toujours la, toujours douloureuse nombres de dispute à ce sujet, de panique dans ses yeux parce que rien peut me soulager, sauf les opiacés que je ne peux prendre, que je me refuse de prendre de peur de ne pas contrôler ma consommation, de pas contrôler qui je suis quand ils font effet je tourne la tête vers Yoni Comment vont les tiennes ?

J’éclate de rire a sa demande et secoue la tete. « Hm, je ne pense pas avoir le corps pour faire fantasmer quiconque. Cela dit, on pourra toujours aller se baigner, m’acheter un short de bain rouge et te sauver en appliquant les premiers secours. » L’impatience grimpe plus encore. On se cherche, on se taquine, des volontés dites. Hâte de voir le dénouement mais se seduire, je suppose, de nouveau me plait encore plus. A croire que nous nous sommes quittés la veille. Et un sujet qui nous accompagne me fait retenir une grimace. Je reste aussi stoïque que possible. Peut-être déçu de savoir qu’il s’inflige pareille douleur. Je ne fais aucun commentaire. On se serait disputé encore. Il n’etait plus - totalement - mien. Je n’avais rien a redire. Pour le moment. Question à l’envoyeur. « J’ai un traitement aux doses minimales. Assez pour me faire trainer dans la ville. Il est a vie. Autant que le psy et le kiné. J’ai mal parfois, en cas de mauvais temps. Mais sinon ca va, je peux faire du sport. Sans trop souffrir. » Tout ce que je voudrais qu’il vive. Le soulagement. « Je te fais visiter le grenier et le premier etage ? Ou le jardin ? »