Ton regard se pose sur le large. La brise s’engouffre à l’intérieur de ta veste que tu refermes un peu plus fort. Il fait frais aux petites heures du matin, ou bien c’est la fatigue, peut-être. T’es assise sur ce banc et tu contemple le spectacle, t’écoutes le silence de la ville à ses instants. Un peu plus loin, tu vois les commerçants qui commencent à faire leur mise en place, pour débuter cette journée, qui est pour toi une journée de repos. La dernière journée de repos avant de repartir dans un rythme effréné. Tes pensées s’évadent, et tu t’y perds. T’oublies que t’es là, assise sur un banc à attendre que le temps passe. T’oublies que t’es épuisée par cette soirée, et qu’il est temps pour toi de rentrer pour dormir quelques petites heures, avant de récupérer ta princesse. Elle sera pleine d’énergie, elle te racontera son monde dans lequel t’aimes te perdre avec elle, elle t’invitera à oublier les tracas de la vie, et toi tu te laisseras emporter. En fin de journée tu seras épuisée, tu maudiras cette soirée et ta fille te maudiras de ne pas vouloir jouer. Elle a son caractère, cette enfant. Tu ne sais réellement si c’est plutôt le tien, ou celui de son père. Mais d’après ton frère, ce serait plutôt le tien. Ou au moins un mix des deux. Tu culpabilises d’avoir besoin de souffler, de ne pas avoir envie de rentrer. Tu culpabilises de vouloir vivre une autre vie, de vouloir profiter alors que ton seul objectif est de devoir lui donner le sourire, et lui apprendre à vivre. 6h. Peut-être qu’il est temps de rentrer, mais tu veux encore rester, et profiter. T’as pas hâte de commencer cette journée, alors tu restes là, assise, toute seule et tu contemples la mer, tu te laisses caresser par le vent, t’attends, tout simplement.

tu marches sans réel but, bouteille de jus de pommes à la main, portant ton pyjama. tu avais pris l'habitude des balades nocturnes sans réel objectif. ces balades étaient une bouffée d'air frais pour toi, l'occasion de remettre en place tes pensées, de te retrouver seule pour te rappeler tes rêves, ce que tu voulais dans ta vie. tu avais envie d'assumer ces rêves. devenir danseuse. tu avais réussi à retrouver l'envie de bouger, l'instinct créatif qui te poussait à bouger en rythme avec une musique, n'importe laquelle. il ne te restait plus qu'à l'assumer devant le monde entier et de te lancer. tu abandonnais l'astrophysique c'était presque décidé. presque. t'en pouvais plus de harvard, université prestigieuse qui n'avait finalement pas grand chose à t'offrir. tu désirais autre chose. tu avais déjà plusieurs fois parlé à tes parents de reprendre activement la danse, tu avais mentionné qu'astrophysique, ce n'était pas pour toi. le moins qu'on puisse dire c'est que ça ne s'était pas bien passé. alors tu avais retenu la grande annonce. mais le temps se fait pressant, ton échec cuisant ne va pas tarder à arriver par la poste en angleterre et tu devras bien t'expliquer. tu ne sais pas trop quoi faire. alors tu marches près de la plage, l'impression de vivre un rêve lucide où tu cherches une solution. tu passes devant un banc et image qui te frappe. une femme avec le même regard perdu dans le vide qui est ici. plusieurs fois tu étais en détresse en rue et plusieurs fois on est venu à ta rescousse. tu ne sais pas si cette femme a besoin d'aide mais elle semble vidée. tu t'approches d'elle, ne sais pas trop par où commencer. "vous allez bien ?" tu t'installes, pas vraiment invitée mais tant pis. "jus de pomme ? c'est pas de l'alcool désolé mais ça goûte pas terrible comme une bière sans gaz." midnight confession ou juste un moment avec un inconnu, tu y avais pris goût mine de rien. ça t'avait souvent apporté même réconfort temporaire.

T’es perdue dans tes pensées, tu n’attends personne en particulier, t’es même pas certaine qu’on te remarque, ni qu’une âme autre que celles à moitié ravagées par l’alcool pige que t’es là, à attendre que le temps passe avant de retourner chez toi. Peut-être aussi attendre que la fatigue te gagne. Mais non, t’es bien trop absorbée par ce qui se passe devant toi : pas grand-chose. Si ce n’est le soleil qui se lève petit à petit, et une nouvelle journée qui commence. Tu entends à peine qu’on est en train de te parler, parce que t’es bien trop loin dans tes songes. De temps en temps, tu clignes des yeux, et tu refermes un peu plus ta veste lorsque le froid du petit matin tentent de s’engouffrer pour venir caresser ta peau. Finalement ton cerveau s’alerte et tu lèves les yeux vers la jeune femme qui te parle. Tu la regardes plusieurs secondes durant, tu comprends qu’elle vient de te demander si tout allait bien. « Oui merci. » finis-tu par lui dire avec un petit sourire presque gêné d’avoir été prise la main dans le sac. Elle s’installe à tes côtés, et tu la regardes. T’es pas certaine que sa tenue soit appropriée pour une soirée, donc probablement que contrairement à toi, elle ne revient pas d’une party arrosée. Elle te propose son jus de pomme, et tu ne peux t’empêcher de retenir un rire. La situation te fait rire, même si t’es loin d’être en train de te moquer d’elle « Je crois que j’ai trop bu de ma nuit. Donc je vous le laisse. Mais c’est gentil de proposer » t’es pas bourrée pour autant, mais t’as bu. Oui. Pas que de l’alcool, fort heureusement « Vous revenez vraiment d’une soirée qui propose du jus de pomme comme boisson ? Si oui, je veux l’adresse » dis-tu en souriant avant de porter à nouveau ton regard sur l’horizon « C’est agréable de s’entendre penser, non ? »

Il te faut une solution miracle. Une solution qui ne peut exister. Tu dois te préparer au rejet imminent de tes parents, à te retrouver détruite par leur déception énorme. Mais tu ne pouvais pas continuer comme ça, tu ne pouvais pas t’accrocher à une branche qui était pourrie et allait se briser d’un moment à l’autre. Quand tu vois cette femme, perdue dans ses pensées sur un banc, tes questions s’envolent. Tu sais que beaucoup de personnes t’ont aidé lorsque tu étais dans cet état alors tu décides à l’approcher. Tu ne sais pas réellement comment commencer mais tu finis par te lancer timidement. Elle semble gênée par ta question mais apparemment elle va bien. Tu ne sais pas vraiment si c’est vrai ou non mais dans le doute, tu décides de lui tenir compagnie et lui offrir un peu de jus de pomme. C’est super bon le jus de pomme. Elle rit de ta proposition et c’est vrai que tu te trouves un peu ridicule mais tu maintiens que ce jus vaut le coup. « Pas de souci. Mais petit conseil de nana en pyjama donc pro dans le domaine : cette marque de jus de pomme vaut le coup, ça dépasse tout ce que vous avez pu boire ce soir. » Tu la taquines, étrangement à l’aise. Ce n’est pas vraiment toi ça, Ozalee. L’inconnue te demande si tu viens d’une soirée qui proposerait du jus de pomme. C’est à ton tour de rire innocemment. « Une soirée avec moi-même à quinze minutes d’ici si vous voulez. Je ne vous raconte pas l’ambiance, la musique fait trembler l’immeuble ! » L’ambiance reprend son calme, elle semble dans ses pensées, te pose une question existentielle. « Récemment c’est devenu agréable oui. » Tu regardes l’horizon à ton tour. « Pendant très longtemps c’était horrible et j’essayais de penser le moins possible. Je ne supportais pas de vouloir autre chose de ma vie que ce que j’avais, ce que ce qu’on m’avait offert. Mais depuis quelques temps… c’est mieux. Je crois que c’est ça grandir, non ? » T’es super jeune et pourtant tu t’es prise pour une adulte si tôt, Ozalee. Arrogance finalement très enfantine. « Je suis Ozalee. » Et ravie d’être assise sur ce banc aux côtés de cette femme qui t’apaise de manière inhabituelle.