Gamins épris de leurs tourments déchaînés. Pour le moment, c’est une mer apaisée qui s’offre à nous, une volonté de repousser toujours plus l’échéance. Celle où les choix devront se lier ou se défaire. Pour le moment, nous avons choisi la première option. Te rejeter à mon tour aurait sans doute été pour le mieux et même plus logique, mais la réalité s’expose ici, j’en suis tout à fait incapable. Bras qui viennent se porter autour de ta silhouette, étreinte plus peinte de tendresses. Parce que nous sommes ainsi également, capables des effusions les plus douces comme des plus violentes, entre les deux extrêmes, on ne s’attardera jamais à choisir mais bien à nous répandre entre les nuances. L’aveu arrive peut-être tôt, mais l’envie et le cœur sont là alors à quoi bon repousser un sentiment qui existe malgré moi, en dépit de toute logique, effaçant les ombres d’un passé encore jeune. La suite me surprend davantage. Toi que je sais plutôt volage, avide de séduction, un léger sourire vient emplir mon visage. « Vraiment ? » Je ne te pensais pas capable de ce saut sitôt. « Et ta fiancée alors ? » Mes phalanges s’arriment un peu plus à tes épaules, pour descendre avec provocation le long du torse. Je sais que les sentiments amoureux sont absents la concernant, mais venir enflammer un peu plus est comme une seconde nature. « Il n’y avait personne d’autre, et il n’y aura personne d’autre me concernant. » Car je ne peux pas envisager mes amours autrement, lorsque je m’offre c’est entièrement et évidemment, j’attends la réciproque en face. « Par contre, je ne suis pas pour qu’on le crie sur tous les toits, je ne veux pas attirer l’attention sur nous. » Pour ton bien et le mien, trop de démons dans nos sillages pour provoquer inutilement les flammes. Tu m’apprends avoir quelque chose pour moi dans la barque, mes sourcils se haussent de surprise mais la curiosité domine, alors après avoir de nouveau pris tes lèvres dans une volonté fugace, quelques brasses m’arrache de ton corps pour retrouver le bois flottant de la barque. Me hissant d’un mouvement furtif, je regagne l’intérieur du bateau, grelottant quelque peu malgré le soleil, les températures sont encore fraiches pour la saison. Peau qui s’anime de frissons et d’une douce violence dans les sensations que le corps éprouve. Te toisant de mon nouveau bord, je souris un brin moqueuse. « Besoin d’aide ? Il ne faudrait pas que tu retournes l’embarcation. » Corps plus massif, moins prestant, moins à l’aise dans cet élément.

Homme étrange, tu me dévoiles tes contours lorsque je n’espérais plus rien. Les silhouettes s’enlacent sous l’enveloppe fraîche et océane, les contrastes se fondent là dans la noirceur des eaux plus profondes, perdant la distinction entre le clair et l’obscur. Nous ne devenons qu’un amas lié, des corps qui dégagent une impression d’unicité, sans autre témoins que cette immensité.  « Vous êtes amis ? » Une ébauche de lumière se peint sur mes traits de Gamine fatiguée. Parce que l’alliance avait été scellée de force, j’imagine, par arrangement comme il en était de coutume dans les temps passés et comme cela se fait encore parfois dans les sphères les plus dorées. Attachées à des diktats effrontément trop poussiéreux. Moi je défends la noblesse du cœur, la violence du fond, les ressacs d’eaux troublées, le myocarde en dehors et sinon l’absence de décor à l’intérieur du sternum. Que le vide résonne plutôt que l’emprisonnement d’une âme que je n’aurais pas choisi. Je sais que tu n’avais pas la même vision des choses, préférant endormir l’alerte des sens dans draps toujours plus éphémères. « Tu pourras t’y tenir ? » Le naturel peut revenir au galop, l’envie de plaire, d’être désiré. Je n’ai jamais brûlée de ces envies mais je peux les comprendre. Soulagée que tu partages ma volonté de pas ébruiter notre relation pour autant. « On le sera tous les deux. » Je ne suis pas suffisamment naïve pour ignorer le diable dans ton décor. Pour l’avoir vu à l’œuvre, pour avoir pris des renseignements sur son compte. De mon côté, le gang est exposé, exsangue mais encore debout face à la mort de l’Alpha. Le fait que sa moitié expose un nouvel allié sitôt celui-ci enterré serait sans doute mal perçu. Et c’est une chose de ma vie que je n’ai désormais plus envie de partager, ni d’exposer.  Mes lippes se fondent un instant sur les tiennes avant que mon corps ne retrouve la fraîcheur de l’air, et mes affronts plus juvéniles. Cette fois, un rire léger s’échappe de ma gorge devant ta mine un peu vexée.  « Tu n’es pas gros, mais tu es plus lourd, plus musclé. » Le sourire s’éprend de tes mouvements. Silhouette plus massive face à la Frêle. Ces mêmes muscles t’aident toutefois à résister aux éléments tandis que mon corps proteste avec une certaine violence, insidieusement faible face aux éléments. Chose que tu remarques sans difficulté, venant envelopper le buste dans tes tissus, d’une tiédeur accueillie avec un certain apaisement, que tu répandes de tes parfums sur mes épaules, sur mon corps offert et exposé, les sens acclament les retrouvailles dans une puissance que je n’avais pas envisagé. De t’avoir permet de mesurer le poids de l’absence qui s’était imposée.

Bien des ombres tapissent tes veines et bien d’autres passeront dans ton dos. Ce sont elles qui m’avaient appelé à toi. La fureur explosant de tes phalanges, parlant ainsi tout ce qu’on ne voit pas. Résonance dans ma propre carcasse. Je renoue avec cette impression sereine de nous sentir en dehors du monde, à l’abri des eaux. La mer peut pour autant être dévastatrice, gagner en fureur et manquer de clémence. Mais pas aujourd’hui. Elle nous offre un autre visage, plus limpide, plus serein, se pâmant de ses eaux claires dans les lueurs solaires. D’autres intrus viendront pourtant se joindre à nos duels, comme cette fiancée, cette femme destinée t’accompagner de la plus officielle des manières. Mais je lui laisse la place, sachant pertinemment que j’en revêts bien une autre à ma façon. « Les amis sont précieux. » dis-je avec un mince sourire. « Elle est différente de toi j’imagine ? » Il ne peut en être autrement, parce que tu es singulier. Mystérieux, solitaire, tu ne laisses rien paraitre sous la carapace commune offerte au monde. Des amis moi-même, je ne n’en compte que très peu, et je n’ai pas besoin de plus. Moins il y a d’attaches, moins il y a de souffrances. Me faisant promettre qu’il n’y aura pas d’autres hommes ou de femmes, la chose est pour moi évidente, pour toi, elle l’est moins sans doute. « ça me va. » Car finalement, je ne veux pas t’y obliger si tu ne désires pas. Gamine capricieuse mais finalement autoritaire dans ses manières. « On restera discrets. » Pour ton père, mais aussi pour les membres de ma meute. Je ne veux pas leur donner de quoi se repaître, ternir un semblant de réputation, c’est ma liberté en dépit du reste. Je retourne finalement à l’embarcation, te laissant m’y rejoindre. « Chacun ses compétences. » Une synergie bien orchestrée, et une complémentarité à l’œuvre. Il y a des bénéfices et des inconvénients, incarnant toi et moi tour à tour la force et l’agilité. Ta chemise venant recouvrir ma peau frémissante.

Je ne suis pas de ces êtres qui se répandent dans les relations sociales. Solitaire depuis toujours, irrépressible vagabonde, la vie a toutefois déployé des attaches, parfois rompues avec violence et parfois plus durables. Je sais toutefois qu’obtenir l’amitié d’une personne est un bien précieux lorsque celle-ci est sincère et désintéressée. La chose est rare mais existe bien encore. Je viens rire doucement face à ta réplique. Ombre décontenancée par ses lueurs. « Tout est possible alors. » Sourire qui vient s’étirer alors que mes lippes marquent avec envie la peau encore rafraichie de l’eau sous ton lobe. La confession est déjà une preuve d’une volonté d’avancer alors je ne pousserai pas davantage, te laissant avancer à ton rythme. Nos corps retrouvent finalement l’embarcation, tandis qu’une autre sorte de chaleur vient animer les retrouvailles, celle-ci plus animale.