Je pianote tranquillement sur mon ordinateur pour répondre aux différents e-mails qui me sont adressés. C’est fou le nombre de problèmes qu’il faut régler et qu’avec des horaires de nuit comme ceux-là, c’est clairement problématique à gérer. Je me dis que j’aurais dû prendre une nouvelle gérante pour me remplacer, ça aurait dû être du court terme. Mais finalement, elle ne reviendra pas. Et puis… je dois avouer qu’il y a un jeu trop dangereux ici pour me motiver à laisser quelqu’un d’autre gérer la boite. Cette raison est en train de danser promptement sur la caméra n°9. Mes yeux ont déjà quittés l’écran de l’ordinateur pour fixer ceux des caméras de surveillance. La jeune femme est en train d’offrir un show privé à un homme et évidemment, même là-bas, je peux tout voir. Elle est si jeune… si sensuelle…

Cette réflexion me porte vers un souvenir douloureux et foudroyant. Moi, saoul, lui demandant de danser pour moi. A vrai dire, il n’y avait pas vraiment de désir sexuel dans ma demande. J’avais juste l’envie qu’elle s’occupe de moi. Et je dois avouer qu’à nouveau, j’aimerais bien être à la place de cet homme, et qu’elle enlève les vêtements un à un pour moi. Mes yeux ne quittent pas l’écran quand la jeune femme dévoile sa poitrine, offrant un spectacle que j’ai pourtant vu plusieurs fois… Mais le mouvement de l’homme provoque un nouvel éclair dans ma tête. Lorsqu’il s’approche bien trop près d’elle alors que les règles sont édictées pour éviter les problèmes en tout genre.

« Sortez-le tout de suite. » je beugle dans l’intercom des vigils alors qu’ils se dirigent jusqu’à la salle en question. A mon tour, je traverse le club. Il a de la chance qu’ils soient arrivés avant moi, je n’aurais certainement pas été aussi clémente dans le traitement qui lui sera réservé. Mes yeux se portent sur la jeune femme, me rapproche d’elle pour poser mes mains sur ses avant-bras. Me rappelant de la dernière fois que je l’ai vu, seule à seule, mes mains s’arrêtent dans leurs mouvements. Je les place dans mon dos. « ça va aller, Cleo ? »

Cleo bosse déjà depuis quelques mois au Nirvana, ayant pris goût à ce job qui occupe bien ses soirées. Et à vrai dire, parfois elle se disait même qu’elle aurait dû s’y intéresser un peu plus tôt. Elle commençait même à avoir quelques clients réguliers, qui lui demandaient des show privés dans les salles prévues un peu en retrait, lui offrant généralement de gracieux pourboires qu’elle ne pouvait généralement négliger, l’aidant bien lorsque les mois étaient un peu plus compliqués. Mais si elle avait bien retenue une leçon, une règle intransigible c’était bien celle du zéro contact, sans quoi, elle risquait aussi sa sécurité. Et ce n’était pas son but non plus, elle voulait simplement faire passer une bonne soirée à ses clients, et gagner de quoi vivre à l’abri du besoin sans contracter de nouvel emprunt.

Ce client, elle ne le connaissait pas, peut-être était-il déjà venu, peut-être que non ? Mais elle ne l’avait en tous cas jamais croisé. Pourtant, il lui demande un show privé, alors Cleo accepte, ne pouvant vraiment décliner l’offre. Dans cette salle, elle commençait à danser pour lui, au rythme de la musique, sans vraiment le quitter des yeux, ôtant peu à peu ses vêtements, jusqu’à se retrouver seins nus, face à l’homme. Et pourtant, sans qu’elle n’eut le temps de bouger, il amorça un mouvement pour s’approcher d’elle, la toucher. Cleo paniquait intérieurement, ne sachant comment réagir. Pourtant, elle savait où se trouvait le bouton pour appeler la sécurité dans chaque salle privée, et qu’elle accourait en quelques instants pour virer le malotru mais ses membres étaient figés, jusqu’au moindre orteil, pétrifiée.

Mais elle vit les deux gars de la sécurité rappliquer aussitôt, sans qu’elle puisse faire quoique ce soit, sortant le gars de la salle. Cleo ne pouvait toujours bouger et ne réalisait pas encore ce qui venait de se passer. Et Elia entra en trombe dans la salle, s’approchant d’elle, amorçant un contact avant de retirer ses mains promptement. Au son de la voix d’Elia, qui lui demandait si ça allait, Cleo se mit à trembler, comme une feuille. “J’ai froid”, souffla-t-elle. Elle ne pouvait penser en ce moment même à ce qui c’était passé quelques semaines auparavant. Parce qu’elle ne savait déjà pas comment affronter ce qui venait de se passer, et qu’elle voyait là uniquement Elia, sa patronne, qui faisait tout pour les protéger des clients qui essayaient d’outrepasser les règles. Un nœud s’était formé dans son estomac, face à cette situation qu’elle affrontait pour la première fois, et les larmes coulaient sur ses joues, finissant leur course écrasées au sol. “Je suis désolée Elia...” Sans qu’elle ne puisse contenir son geste, elle saisit la femme face à elle et la serra dans ses bras, tentant de retenir chaque larme.

@Elia Milano