Ma jolie Katalia,

Avant de continuer cette lettre, je veux que tu allumes ta radio et que tu mettes cette musique

Ca fait plusieurs longues semaines qu’on ne s’est pas vues, pas entendues. Ca fait bizarre, c’est difficile et jamais - je pense - je n’aurais imaginé un jour subir une si longue distance. Mais c’était vital pour moi. Pas tellement d’être loin de toi, mais je devais couper des ponts et me retrouver, moi. Toute seule et faire mon deuil. Mais t’es dans ma tête, t’es dans mon cœur et pas un jour ne passe sans que j’essaie d’imaginer ce que t’es en train de faire, ce que tu vis. J’espère que t’es heureuse, et que ton joli sourire ne cesse de s’étendre sur ton joli visage. C’est important pour toi. Pour moi. Pour nous deux. Quand on était petites, tu te rappelles ce qu’on s’était promis ? Que jamais l'une ne pouvait être heureuse sans l’autre. Parce que toujours à deux on fonctionne. De près comme de loin. Comme des siamoises, comme des jumelles. New-York est ma ville de naissance et pourtant, c’est si vide sans toi. Alors je suis partie, moi aussi. Tu connais mon amour prononcé pour la Norvège, pour Tromso et ce besoin d’évasion parfois. Tu verrais comme c’est beau et puis surtout, si tu savais comme ça me fait un bien fou. C’est un repère pour moi, c’est l’endroit où je me cache lorsque j’ai besoin de penser à moi, lorsque j’ai besoin de me ressourcer et de recommencer certaines choses à zéro.

Tu te rappelles quand je suis repartie à New-York en avril dernier ? Je t’ai dit que j’avais besoin de prendre du recul, de penser à moi et de me retrouver. Je venais de rompre et si je pensais que ça ne pouvait pas être pire que notre première rupture, je me suis trompée et je crois que jamais je n’ai autant douillé. Je me suis effondrée, et j’ai pleuré et c’est là que mon enfer a commencé. Je ne vais pas te l’apprendre, mais perdre quelqu’un qu’on aime vraiment, ça fait mal. C’est perdre des habitudes, perdre un repère, une présence, c’est devoir se rattacher à des souvenirs douloureux et les passer en boucle, sans cesse. Et c’est dur. Alors j’ai quitté Boston le plus rapidement possible, et je me suis retrouvée toute seule dans mon grand appartement de New-York. Toute seule, avec mes souvenirs. Et j’ai pleuré. Encore. Je m’en voulais, je me posais tellement de questions : pourquoi moi ? pourquoi nous ? Pourquoi ça s’est passé comme ça, encore ? Est-ce qu’il va revenir ? Est-ce que moi j’arriverai à revenir ? Est-ce que je pourrai le récupérer. J’étais persuadée d’y arriver. Petit à petit, j’ai sombré et je me suis oubliée. Je vous ai oubliés. J’ai regardé nos vidéos, nos photos. Je lui ai écrit une montagne de lettres jamais envoyées, je dormais avec son pull, je voulais l’appeler, le voir, lui parler. Et puis j’ai beaucoup pleuré.
 
Je n’arrivais plus à contrôler mes émotions, je pleurais pour un oui pour un non avec l’impression que plus le temps passait et plus il s’éloignait, alors qu’il était déjà loin. Parti. Je ne mangeais plus, je dormais beaucoup, et puis plus du tout. Et puis tu sais quoi ? J’ai pleuré. Beaucoup pleuré. Pour la moindre chose, la moindre musique. Quand j’allais dans les Hamptons avec mes parents, rester assise sur les rochers à regarder la mer me faisait encore pleurer et je me demandais parfois si un jour, ça cesserait. Les yeux rouges, les yeux gonflés, j’avais besoin de pleurer, alors autant pleurer tout ce qu’il y avait à pleurer. J’écoutais des podcasts, en me disant que ça m’aiderait, mais en fait non, pas directement. C’était pire. C’était dur. Et le plus compliqué, c’était de vous le cacher. J’avais jamais le temps pour venir vous voir. Jamais le temps pour vous recevoir. Je mettais des smileys dans mes SMS, parce que j’avais peur que tu te rendes compte de quelque chose. C’est joli, c’est facile et ça fait croire que. Méfie-toi des emojis, ma Kat. Parce que clairement, je vous ai bien baladés, et j’en suis désolée.

En fin d’année, Lukas est venu me voir et ma plus grande crainte était qu’il remarque quelque chose. Et de fait. Je sais que je suis pétillante, joyeuse, souriante et chaleureuse. Mais cette fois-là je ne m’étais toujours pas retrouvée. Je ne savais plus comment faire, ni comment agir. Les seuls réflexes que j’avais était de m’effondrer, et c’est ce que j’ai fait. Alors on a parlé et je lui ai tout raconté. Je ne voulais pas qu’il vous en parle, encore moins qu’il t’en parle. Parce que j’étais persuadée que ça allait s’arranger. Après autant de temps, c’était forcément le cas, non ? Ca ne pouvait pas durer éternellement.

Un matin, j’ai décidé que c’en était assez. Que j’avais assez pleuré. J’avais intégré l’idée qu’il n’y aurait plus de retour en arrière, que c’était définitivement…terminé. J’ai pris la lourde décision de revenir à Boston pour récupérer mes affaires que j’avais laissé chez lui. Et c’est à cet instant que j’ai pu m’appuyer sur la chose qu’on a de plus précieuse au monde : des parents. J’ai passé quelques jours en famille avec mon frère, ma sœur, mes parents comme quand on était enfants. J’ai appris à redécouvrir mes parents, et j’ai passé du temps avec l’homme le plus important pour moi : mon papa. J’ai finalement revendu mon appartement, et je suis retournée chez eux. Quand j’ai débarqué avec toutes mes affaires les larmes plein les yeux, ils n’ont jamais cessé d’être présents, et bienveillants.

Après avoir passé du temps à extérioriser ma peine, ma haine, ma tristesse et tout ce que je ressentais, j’ai compris que j’avais passé outre de cette phase, et qu’il était temps de passer à la suivante. Il était temps d’être optimiste et de voir le bon côté des choses. Je sais que je ressors grandie de cette longue et douloureuse période et j’ai appris à me redécouvrir, j’ai appris à me reconnaitre et à me rappeler qui j’étais réellement. Le temps guérit les blessures. C’est la conclusion que j’en tire, je crois. Enfin, j’ai décidé de partir, de prendre du temps pour moi uniquement. La Norvège m’appelait, il était temps. Et une fois les pieds sur le tarmac, j’ai compris que j’étais guérie et que j’allais mieux. Lorsque mon père est venu me voir un week-end, il a remarqué la différence. J’étais redevenue souriante, épanouie, joyeuse et rayonnante. Et tu sais ce qu’il m’a dit ? « Ma Mélu, n’oublie pas les personnes essentielles dans ta vie » Je n’ai pas vraiment compris pourquoi il me disait cela. J’avais pas compris qu’il ne parlait pas de ma famille, mais de vous. Alors aujourd’hui je vais mieux parce que je vous ai vous. Même sans votre présence, vous m’avez aidée à aller mieux, parce que jamais je n’ai imaginé une vie sans vous et parce que je savais que ça irait mieux et qu’un jour, je reviendrais auprès de vous. Vous m’avez motivée, vous avez été mon objectif, mon but dans la vie et ça m’a guérie. Et je vous en remercie.

J’ai compris, maintenant, Kat. Je suis passée à autre chose et j’ai compris que je pouvais vivre pour moi, sans lui, sans homme, juste avec ceux qui me sont précieux. Je peux vivre sans lui, mais je ne peux pas vivre sans vous. Vous êtes mes piliers, ceux que je fais passer avant tout le monde. Ceux pour qui je pourrais décrocher la lune et toi, t’es mon bijoux le plus précieux. Alors promis, je reviendrai très vite. Mais en attendant je veux que tu continues de sourire pour toi, pour moi, pour nous. Pour lui ? Parce que oui, je sais que t’es heureuse, et amoureuse. Alors j’y crois comme toi et je veux que ça marche pour toi, pour vous.