Un jour comme un autre, du mauvais temps comme toujours en cette saison hivernale, un ciel grisâtre et sans saveur pour accompagner le tout. Et pourtant, c’est bien ces jours-là que je préfère. Le soleil, la chaleur et la sueur, ce n’est pas pour moi, je m'accommode mieux des temps pluvieux, venteux ou même neigeux. C’est vrai, je suis bizarre, mais ça je l’avais remarqué depuis longtemps, plus besoin de le souligner, épargnes-moi de ta parole, c’est mieux quand tu te tais, merci. En plus d’aimer les temps pourri, comme vous dites, j’aime le silence et il y a rien de pire pour moi que les bruits de fond ou les voix insupportables, moins les gens parlent mieux je me porte. Donc oui, je ne supporte pas non plus les relations sociales, une perte de temps pour moi, c’est seul que je suis le plus à l’aise. Si ça peut vous soulager d’une pitié dont je n’ai pas besoin, j’aime bien être seule ça ne me dérange pas, donc range ton regard compatissant ou ton sourire moqueur, ça ne m’atteint pas, ça ne m’avance à rien à vous prendre en considération, j’ai autre chose à faire.

     J’ai toujours été comme ça, et puis c’est pas comme si j’avais le temps de me faire des amis, je déménageais tout le temps, j’étais donc seul pas commodité, je savais que je ne restais pas longtemps dans une ville. Et puis à quoi bon se faire des amis pour qu’il te trahissent ensuite. Je pense toujours comme ça et pourtant, et pourtant, certaines personnes franchissent sans difficulté le mur que j’ai bâti, il y a longtemps, pour me séparer du reste du monde. Il y avait moi et les autres et c’était très bien comme ça. Mais, mais, comment se fait-il que la barrière soit franchie ? Aurais-je arrêté de les repousser ? Avancent-ils d’eux même sans que je m’en rende compte ? Je ne sais pas, je ne sais plus, je n’arrive pas à savoir pourquoi cette fille banale arrive-elle à me parler ? Comment se fait-il que je lui réponde et que je soit heureux de lui parler ?

     Comprenez bien que en ce qui me concerne personne ne devait s'approcher et personne ne voulait s’approcher. Cette fille à elle seule à briser tout ce que j’avais pu faire pour m’éloigner du monde jusqu’ici. Toute cette distance, elle l’a brisé, je ne sais comment mais étrangement, avec elle je suis à l’aise et je m’amuse bien. Pourtant, ce n’est censé être que ma collègue, elle ne devait pas se rapprocher normalement.

    Alma, cette jeune femme que j’ai rencontrer à mon boulot, cette jeune femme au sourire rayonnant comme mille étoiles, à mes yeux elle est aussi brillante que le soleil. Elle est vraiment exceptionnelle et elle fait vraiment beaucoup d’efforts pour s’intégrer. J’ai vu dès le début ses appareils et j’ai compris. Je vous le dit, à sa place je n'essayerais même pas d’oraliser et laisserais les autres se démerder pour me comprendre. Et pourtant, avec moi elle a tout de suite essayé de me parler. Au fond, je comprends que ce soit dur pour elle, j’ai donc fait avec ce qu’il me restait de mon apprentissage de la langue des signes et j’ai, inconsciemment, essayé de communiquer avec elle de cette manière. Je ne sais pas pourquoi je n’ai fait, j’aurai pu l’éviter ou répondre froidement, mais je ne sais pas pourquoi, j’aime bien discuter avec elle. Peut-être que la langue des signes y est pour quelque chose, car on signe, et il n’y a pas ou peu de parole. Ça se pourrait mais je suis sûre qu’elle y est pour quelque chose. Cette fille m’intrigue, ça faisait longtemps que je n’avais pas apprécié passer du temps avec quelqu’un.

     Comme vous vous en doutez (ou pas), on se fait une petite sortie aujourd’hui. Rien d’amoureux là dedans (elle ne me plait pas dans ce sens là). Je dois juste aller dans un musée pour un cours, j’en ai parlé au boulot et elle a demandé si elle pouvait venir c’est tout. Et oui, j’ai accepté pour qu’elle vienne, moi qui préfère rester tout seul, je sais ça m’étonne aussi. Mais elle avait l’air tellement contente de venir pour voir le jardin japonais à l’intérieur que je ne pouvais pas refuser. Elle avait des petites étoiles qui brillaient dans ses yeux, j’ai pas réussi à dire non…

     Je suis donc arrivé devant le musée en avance pour ne pas rater notre heure d’entrée et j’attends donc son arrivée. En parlant du loup, la voilà qui arrive, je lui fait donc signe de me rejoindre. "Alma, je suis làààà" dis-je avec ma main levée. Je sens que ce jour grisâtre va laisser place au ciel bleu. Le soleil est déjà en train de chasser les nuages.

@Alma E. Nightindale