Tic tac, l'heure tourne.. Au ralenti. Les aiguilles défilent à une allure si lente sur l'horloge que Shayn se demande si ce n'est pas une mauvaise blague. Un cours ne peut pas être aussi chiant ET aussi long à la fois. C'est un véritable supplice. Si Shayn est en règle générale un élève studieux et appliqué, il a la fâcheuse tendance à décrocher facilement si la matière ne l'intéresse pas. On peut dire que c'est le cas présent. Perdu dans ses pensées, à regarder sans cesse autour de lui en quête d'un petit quelque chose auquel se raccrocher, il en perd même la notion de ce qu'on lui demande. C'est une réflexion collective, sur un sujet d'actualité. Et il s'en tape. - Blablabla... Cause toujours, tu m'intéresses. souffle-t-il, heureusement pas assez fort pour que l'enseignant l'entende. L'amphithéâtre est plein à craquer et personne ne semble faire attention à lui. C'est parfait pour qu'il fasse autre chose. Un stylo dans la main, le jeune homme s'amuse à faire entrer et sortir la mine à répétition, au rythme d'un "clic-clic" infernal. On peut l'affirmer, il est détestable. Sans doute un poil irrespectueux aussi. Sauf qu'il ne compte pas changer sa manière d'être pour tout les fils à papa présents autour de lui. De toute façon, tout le monde est occupé à parlementer. L'université de Clemson lui manque, c'est indéniable. Là-bas, il avait trouvé une raison d'avancer, une identité qui lui était propre. Mais tout cela, on le lui a reprit. Son père a fait des siennes, a arrangé son transfert à Harvard sans qu'il ait son mot à dire. Son père a le contrôle sur tout les aspects de sa vie. Si étudier le droit était sa seule véritable envie, aujourd'hui il semble qu'elle soit tout de même gâchée par l'ombre du paternel. Il ne peut s'en prendre à lui, monsieur Jefferson est intouchable. Mais il peut toujours emmerder les autres, leur faire payer des crimes qu'ils n'ont pas commis. Finalement, jouer le bad boy en cours, c'est tout ce qu'il lui reste pour tenter d'exister.

Ma tête pivote lentement vers le garçon, assis à côté de moi. Comment … Comment on pouvait chiant comme ça ? Comment pouvait-on briser un cours aussi passionnant ? J’ai tenté de l’ignorer. De l’éliminer de mon champ de vision et de ne pas lui prêter d’attention. Je me suis même concentrée sur les deux autres personnes assises de l’autre côté de moi. C’était même le but de l’exercice, parlementer. Mais pas faire chier.

Un cliquetis, je mords ma langue.
Deux cliquetis, je serre mon stylo.
Trois cliquetis, c’est trop pour moi.

ARRETE AVEC TON PUTAIN DE STYLO. Et le silence se fait d’un coup. Eh merde. Je me pince les lèvres. Tous les regards convergent vers moi. Je ne pensais pas avoir parlé aussi fort. Mes joues virent au rouge. Je fixe méchamment le garçon avant de croiser le regard du professeur. Visiblement, suivre mon cours est le cadet de vos soucis. Dit-il avec un tel sarcasme. Alors que c’est tout l’inverse. Moi, je l’adore ce cours, il est passionnant. C’est .. Pas moi mais mon vois .. Mais je n’ai même pas le temps de me justifier que la sanction tombe. Et bien, vous avez gagné le droit de sortir et de me faire une dissertation de groupe sur le fait d’être un élément perturbateur. Je vous accorde 48h. Maintenant dehors. Je clique plusieurs fois des yeux. A croire que mes oreilles refusaient d’accepter ce qu’ils venaient d’entendre.

Non, ce n’était pas possible. Pas moi. Je travaille d’arrache-pied, je ne peux pas me faire virer de cours. Non, il y a méprise. Mais le professeur nous demande de nous presser au risque de perdre 24h. Alors, je remballe mes affaires sous le regard désolé de mes voisins. Mais je sors quand même la tête haute, quand bien même, j’étais meurtrie. Et je claque même la porte, de mauvaise foi. Le garçon me passe devant. Ça ne te suffit de faire de la merde, tu veux m’écraser en plus. Si les cours ne sont pas ta priorité, fallait rester chez toi. Au moins, tu ne m’aurais pas fait chier avec ton stylo de merde là. Je le regarde haut en bas. Encore un gosse de riches qui ne craint pas son avenir. Une honte. Si je pouvais je lui aurais pété la gueule. Mais au lieu de ça, je le dévisage, repassant devant.

Quelqu'un vient de crier, juste à côté de lui. Ca l'aurait presque fait sursauter. Shayn tourne la tête, sachant qu'on s'adresse à lui avec cette histoire de stylo. Sauf que l'amphi' est devenu clairement silencieux d'un coup. Tout le monde la regarde, cette jolie brune qui vient de s'énerver. A croire qu'elle est la seule à avoir remarqué qu'il se fichait du cours. Les autres faisaient leur truc dans leur coin, comme demandé. Et lui.. Il comptait les moutons au plafond.
Long soupir qui s'échappe de ses lèvres, Shayn est partagé entre agacement et amusement. Se faire virer de cours, ce n'est pas sa première fois. Ca lui arrive parfois de sortir de lui-même, quand il s'ennuie vraiment de trop. La dissertation, en revanche, il s'en serait bien passé. Les cours, le football, la boxe et les ennuis avec son père... Il n'avait pas besoin d'un travail en plus, qui plus est avec cette jeune femme qui doit le détester.
Se dépêchant de sortir pour ne pas perdre vingt-quatre heures de travail, Shayn se dit qu'il va aller boire un café au starbucks du coin. La demoiselle est là, mais il s'en fiche, il trace sa route. Sauf que ça ne pouvait évidemment pas se terminer comme ça. Le voilà qui s'arrête dans le couloir et lève les yeux au ciel. Nouveau soupir, avant qu'il ne se tourne vers elle. - J'ai aucune raison de vouloir t'écraser. J'te connais même pas. C'est toi qui t'excites pour rien. Un stylo, non mais sérieux.. il secoue la tête et s'apprête à tourner les talons, mais elle en rajoute une couche. Sa remarque le fait sourire. Elle pourrait même le faire rire. Alors c'est comme ça qu'on le perçoit ? Un gosse de riche ? - Tu sais même pas de quoi tu parles... réplique-t-il, sarcastique. La collaboration commence très mal. - Tu vas devoir me supporter pour ce travail, t'es au courant ? Enfin, tu peux toujours abandonner hein.. laisse-t-il entendre, la lueur du défi naissant dans son regard. C'est bien connu qu'en droit, le verbe "abandonner" est mal vu. Il ne faut "rien lâcher" parait-il.

Il ne faut pas parler de son père. Surtout quand on ne sait pas vraiment de quoi on parle. Le sujet est sensible. Ca l'énerve facilement. Mais heureusement, c'est une demoiselle qui lui fait face. Shayn s'est fait la promesse de ne jamais lever la main sur une femme. Les hommes, en revanche... L'impulsivité est l'un de ses plus gros défauts, il ne pourra le nier. Et elle l'exaspère déjà, cette gamine avec ces remarques à deux balles. - T'es superficielle au point de t'arrêter à ce que tu vois ? raille-t-il en retour, fatigué par toutes ces personnes qui jugent à l'aspect. Elle est mignonne c'est certain, mais elle en a moins qu'il ne pensait dans la tête.
Voilà qu'elle se rapproche de lui. Manquait plus que ça. Sourcil arqué alors qu'il se demande ce qu'elle compte faire, la jolie brune lui pose un doigt sur le torse. Rien que ça. - Le mec comme moi, il va te permettre d'obtenir une super note à la dissert'. et il est très sérieux en plus. Studieux et bosseur quand il le souhaite, Shayn serait tout à fait capable de l'aider à rendre un excellent devoir. A compter sur le fait qu'elle ne l'agace pas avant deux jours. Et c'est mal parti, si on compte sa nouvelle réflexion. Talons tournés, il la regarde s'éloigner, se demandant où elle va. - Quoi, t'as besoin de mon aide maintenant ? s'amuse-t-il à répondre en lui faisant un sourire en coin. - J'habite pas loin du campus si tu veux qu'on se pose. déclare-t-il, sans savoir si c'est vraiment une bonne idée de lui faire cette proposition. Ceci dit, ils seraient à l'aise et tranquille pour bosser, au moins.

Cette gamine toute frêle pense pouvoir le décrire en utilisant des clichés de fils à papa. Superficielle et pleine de préjugés en plus. Mais quel joli combo dis donc. Shayn se dit que ça va être pénible de bosser avec elle, que c'est presque une perte de temps parce qu'au final, ils ont tout les deux envie de terminer ça le plus vite possible. Autant bâcler le travail à ce compte. Ou pas. S'il peut lui prouver qu'il est doué, son regard de vipère changera peut-être. Enfin.. De toute façon, il n'a aucunement le choix. Il doit composer avec elle, mademoiselle l'intolérante, madame je juge tout le monde et à tout va. - L'être le plus infâme de la terre ? Bah bien sûr... Allez, ferme ta jolie petite bouche au lieu de dire des conneries. et il éclate de rire, comme si elle venait de sortir la meilleure blague qui soit. Tu parles sans savoir, encore et toujours. Le diable, Shayn le connait; il est son fils.

Mais soit, malgré son caractère -exceptionnellement merdique-, le jeune homme l'amène chez lui. Pour une fois qu'il n'invite pas une fille dans le but -premier- de la mettre dans son lit, ça se fête. Quoique.. Elle est jolie, sait-on jamais. Elle soupire, longtemps, trop à son goût. Elle l'agace putain. - T'as raison, plus tôt tu sera partie, plus vite je serai tranquille. elle empiète sur son espace avec ces manières à deux balles. Et il a le sang chaud, le garçon. Alors l'un dans l'autre, elle ferait bien de se taire plutôt que de balancer des réflexions à deux francs six sous. - Fais comme chez toi, je t'en prie.. murmure qui s'échappe de ses lèvres en la voyant s'installer. Prends tes aises gamine, vas-y donc ! - Non. Mais vu comme tu es chiante, tu vas être notre meilleure référence. raille-t-il en lui offrant un sourire, plus dédaigneux qu'autre chose. Blouson qu'il pose sur le porte manteau n'est-ce pas avant de la rejoindre; Le foutu élément perturbateur, c'est elle en fait. Avec ces manières et sa grande gueule, elle vient déjà de mettre un sacré bordel dans sa journée. - On pourrait mettre ton nom en titre. Ca collerait carrément bien. tu veux jouer la carte de la provocation ? Pas de soucis, il en a en stock. Au passage, présente toi, ça lui évitera de t'appeler "la chieuse" ou "gamine". Ce sera déjà ça de pris.

Faire équipe avec elle pour rendre un sujet commun, ça va relever du miracle. Leur seul point commun, c'est la filière du droit. Partant de là, peut-être qu'ils vont réussir à s'accorder. A voir, surtout en fonction de leurs efforts respectifs. S'asseyant à son tour à la table, à côté d'elle, le ténébreux pousse un long soupir. Cette histoire promet d'être longue et potentiellement ennuyante. - Shayn. Presque enchanté de te rencontrer... Llhéva. qu'il répond en lisant son prénom sur la feuille. Original. Pas mal. Peut-être qu'ils vont réussir à faire connaissance, pendant cette séance de travail improvisée.
Désormais, il doit lui prouver qu'il n'est pas seulement le type stupide qui fait du bruit pendant les cours. Ce serait tellement beau qu'elle finisse par reconnaitre qu'il est doué dans la matière. Une véritable victoire personnelle. Peut-être qu'il pourrait remonter dans son estime, par la même occasion. Enfin, c'est pas sa priorité non plus. - Un élément perturbateur... Ca peut être une jolie brune qui se met à gueuler soudainement au beau milieu d'un cours, par exemple. Evidemment qu'il parle d'elle. Ca pourrait même servir d'exemple. - Tu voyais ça autrement, peut-être ? il lui tend la perche, attend le retour de bâton. Au fond, la faire chier, ça commence à l'amuser. Elle ne manquera pas de remarquer que cette histoire arrive à le faire sourire, d'ailleurs.

Comment voulez-vous qu’on travaille correctement quand il me pousse à bout ? Bon, d’accord, ma capacité à être raisonnable était inexistante avec lui-même quand même. N’avait-il pas vu que je tentais d’agiter le drapeau blanc ? Je lui lance un regard noir. Et commence m'insulter moi-même de rougir à ses mots. Llhéva. T’es une honte à toi toute seule. Je cligne plusieurs fois des yeux, avant d’écrire bêtement ce qu’il dit, dans un coin de la feuille. Retirant le mot jolie. Parce que, au fond, les compliments me blessaient. Entendus tant de fois que ça me peinait d’être vu uniquement comme jolie. Je détourne le regard, le temps de ravaler les mauvais souvenirs avant me recentrer sur ma mission. Rentrer. Qui sait, en conservant mon calme et étant diplomatique, il verra que je peux être une élève studieuse. Je pousse un soupire, faussement agacée et l’observe fièr de lui. Bon, j’admets, le voir sourire n’est pas déplaisant. Mais ce n’est pas le sujet. Ou alors quand un vilain garçon s’amuse à faire cliqueter son stylo pour une raison obscure dans le but précis soit d’exprimer un ennui dans un cours, ce qui n’est pas très respectueux pour le prof soit parce qu’il sait que ça gonfle ses voisins.  Tu en penses quoi ? Grand sourire, parce que, c’était trop beau de ne pas réagir quand même. Je suis certaine qu’il l’avait cherché. Enfin bref, je propose que chacun écrive sa propre définition sans utiliser l’autre comme référence. Même si, j’apprécie que tu penses à moi. Je lui fais un clin d’œil, reprenant du poil de la bête. Et ensuite, de proposer comment gérer ce genre d’énergumène et de citer de célèbres emmerdeurs. Sauf toi. Désolé petit.  

HRP: