Me contenir et ne pas exploser au visage de Carter est quelque chose que je peux faire parce que je l'ai promis à mon frère. Mais jouer les douces, mignonnes et mielleuses - en plus de nous envoyer droit dans le mur - ne fait pas parti de mes cordes. Je ne peux même pas me dire que ce sont les disputes constantes de ces derniers temps ainsi que tout ce que je ressens qui me fait démarrer au quart de tour parce que même sans ça, mon point de vue et ma façon de parler serait la même. Carter et moi, c'est une vieille histoire et si je l'ai toléré pendant qu'elle sortait avec mon frère, savoir qu'elle l'a trompé et qu'elle est partie en Australie avant la naissance de Thaïs... forcément, ça coince. Et si je pourrais tenter de calmer mon rythme de mot et mon rythme cardiaque, j'en suis tout bonnement incapable. Je ne peux pas la menacer, l'attaquer et si je n'ai pas pour habitude d'appuyer sur le pathos, quand il s'agit de Thaïs, je suis à nue. Et dans ces moments, il m'est impossible de me calmer, de me contenir, de ne dire que ce que je pense réellement et mon égoïsme - doublé de mon narcissisme - ne peuvent que me forcer à comparer sa situation avec ce que j'ai pu connaître de similaire. Bien entendu, je ne suis pas mère, donc je ne peux pas savoir ce que ça fait mais s'il y a une chose sur laquelle je peux parler - ou monologuer - c'est bien sur les choix que l'on pense être logique et bien alors qu'ils sont tout sauf cela. Et comme mon attaque préférée est d'assommer avant de laisser l'autre discuter, les mots coulent et on pourrait presque penser que je suis atteinte d'une diarrhée verbale. À laquelle répond et met bien en avant que, n'étant pas mère, je ne sais pas vraiment de quoi je parle. Elle n'a pas tord. Et si je crois que mes chances de savoir de quoi elle parle sous peu se sont fait la mal en début de mois, je n'ai aucun doute qu'un jour, je saurais ce que ça fait. Quand j'entends Jem parler que sans Cameron, il serait déjà sur Londres, je ne suis pas choquée ni blessée parce que je le sais et l'ai toujours su. Sa venue à Boston, supposée de courte durée, s'est transformée en douce épopée. Et quand je pense qu'il a acheté une maison, je sais que c'est pour un petit moment qu'il restera ici. Ça me rassure un peu, au final. Je tourne le visage vers Jeremiah et pince mes lèvres. Il est un père merveilleux et si le regard qu'il me porte depuis tout à l'heure est aux antipodes de celui que j'ai sur lui, je sais que j'ai fais le bon choix, en novembre dernier. Il me le prouve aujourd'hui à nouveau. Ça toujours été Thaïs avant le reste, pourquoi changer ? Je sais bien que rentrer en Australie, c'était pour donner une meilleure vie à Thaïs et au final, quand elle s'est rendue compte que la famille de notre petite tête était ici, elle est revenue. Peut-être à contre coeur, maintenant que j'y pense. Carter explique rapidement qu'elle n'a pas encore pris sa décision mais que Jeremiah a raison, c'est à elle de souffrir et non sa fille. Seulement, lorsque la douleur devient à la limite du supportable, c'est difficile de voir de cette manière. Je ne peux qu'acquiescer aux mots de la brune. La voix de ma filleule retentit dans l'appartement et nous sommes rapidement sur le départ. Personne n'a haussé la voix. Tout le monde va bien et j'espère que la bombe a été désamorcé ou qu'au moins, les démineurs sont sur le chemin.
Thaïs déposée à son père, après un goûter rapide et des bisous en cascade sur ses joues rosies, nous nous retrouvons dans le couloir. Tu veux discuter dans ta suite ou la mienne ? Parce que je n'ai pas oublié et je crois qu'on en a besoin. En fait, c'est même sûre. Je ne peux plus respirer que d'un poumon. Des deux ou d'aucun. Mais pas cet entre deux.