Et j’accroche à l’écran éclairé la radio que je viens de faire réaliser, pour le genou d’une petite fille tombée aujourd’hui. Résultat sans appel dont j’avais conscience dès le départ, mais puisqu’il ne faut rien laisser au hasard. Ligaments sectionnés. Forcément elle devra être opérée. Hospitalisée, d’ailleurs, avant de pouvoir ressortir de l’hôpital en pleine forme.

Je transmets aux parents les recommandations, le fait que je m’occuperai moi-même de l’opération. Bien évidemment, entourée, d’un titulaire en traumatologie, même si c’est une intervention que seule, je pourrais réaliser. Et quand je reviens vers l’accueil des urgences afin de voir si on a besoin de moi, j’entends une voix que je n’ai pas entendu depuis quelques mois.

J’ai presque l’impression de l’inventer, mais je me dirige tout de même vers l’inférieure de garde pour la journée. Quand mon regard se fait interpeler par le sien, qu’il arrive en trombe sur moi et que Liam, me gueule ; " J'ai besoin de passer une IRM. Je vois des fantômes !" Merde. Il me fatigue déjà. J’avais presque oublié qu’il me fait cet effet là. Mais d’un autre côté, notre dernière entrevue remontant au moment où il venait de se découvrir un fils et il jouait au parfait papa. Du coup, il devait être moins enclin à jouer aux couillons qui voient des apparitions. « Pardon ? » que je lui demande en haussant les yeux ciel. « C’est non. » parce que l’IRM, vois-tu, ce n’est pas un jouet, et qu’il va me falloir un peu plus de précisions pour accepter. Je suis bien loin d’être prête à perdre mon boulot pour un mec à tendances tarés. Que j’ai seulement rencontré deux fois, il faut le préciser, je le crois.


(Hj ; excuse le temps de réponse. Je crois que je me suis laissée surprendre par le nombre de mes rps )

« S’il vous plait ? » Sérieusement ? C’est tout ce qu’il a en stock ? Un sourire et un s’il vous plaît ? Je commence à me demander s’il n’a pas un véritable problème au cerveau, mais aucunement en rapport avec une tumeur. Juste parce que c’est clair qu’il a un souci mental à l’intérieur. « J’ai enterré ma petite amie en octobre et je la retrouve hier soir dans mon salon, ça mérite une consultation d’urgence non ? » Pourquoi ? Pourquoi il ne peut pas avoir une vie foutrement tranquille ? Pas d’enfant caché, pas de tests and a réalisé, pas de petite amie zombie. Et qu’est-ce que j’ai fait, bon sang, pour mériter un tel patient. « Je crois que les tumeurs aux cerveaux peuvent créait des hallucinations. J’en ai probablement une ! » Liam Gremlins, docteur apparemment.

J’inspire longuement, je tente de garder mon calme, vraiment. Avant de plaquer ma main sur mon visage pour le malaxer. « Liam, je suis fatiguée. » Et au cas où il ne le saurait pas, c’est un hôpital ici pas un endroit où l’on vient jouer. On est loin d’une cour de récré. « Je vais t’éviter une perte de temps. » De nos temps, plutôt. « Elle s’est foutue de ta gueule, et voulait juste sortir de ta vie. » J’en pose ma paume sur son épaule, faussement bienveillante. « Pas étonnant vu que tu es un psychopathe. » Evidemment, je ne veux pas être blessante, je ne réalise juste pas à quel point sa situation peut être troublante.

(Hj ; Je savais que tu saurais apprécier le gif )

" Et ? " Et je n’ai pas envie de m’amuser. Voilà ce que j’ai. Ce n’est pourtant pas compliqué à comprendre, non ? Ou alors peut-être qu’il fait réellement partie des couillons. Imbécile heureux qui semble bien décider à se foutre de la gueule du monde et à se prendre pour dieu.

Alors je pars dans ma conclusion, de lui dire que c’est un fait, irréfutable, il souffre d’un disfonctionnement de la raison. " Quoi ? " Un psychopathe, c’est bien ce que j’ai dit, tu n’as pas rêvé mon petit. Un psychopathe qui prend, à l’évidence, un malin plaisir à me rendre tarée. Apparemment, il est généreux et sa folie, il aime la transmettre et la partager. " Je suis pas un... " Mes bras se croisent sur ma poitrine, et là, juste là, je sais que je vais faire une chose qu’un jour je vais, forcément, regretter.

Mes doigts vont chercher mon bipeur, histoire de vérifier que je n’ai pas d’urgence à venir, et voyant que rien n’est allumé, mon regard va se reposer sur un Liam complétement paumé. « Ok. » par pour l’Irm, ça c’est clair que c’est à oublier, mais je vois bien qu’à défaut d’être chirurgienne, je vais devoir me transformer en psychologue. « J’ai le temps d’un café. » je veux bien écouter, parce que je sais que c’est mieux, plutôt que de le laisser agresser toutes les secrétaires et autres infirmières qu’il pourra croiser. « Satisfait ? » je sais que ce n’est pas un examen, mais c’est tout ce que je peux lui proposer, c’est déjà mieux que rien.

« Pour l’IRM ? » Je n’y réponds pas, à sa question, pas oralement en tous cas, et je me contente de lever les yeux au ciel, encore une fois. Avec l’intime conviction qu’il se fout de moi. L’IRM n’est pas pour aujourd’hui, ni même demain, car étrangement, c’est un examen réservé aux patients qui en ont besoin. A croire qu’il reste persuadé, que l’on passe nos journées ici seulement pour s’amuser.

Et je lui dis, finalement, que j’accepte de partager avec lui, un peu de mon temps. Si ça peut me permettre de le calmer et de ne pas le voir, dans tout l’hôpital, déambuler. « Merci » D’un simple signe de main, je lui signifie qu’il n’y a pas de quoi. Les amis, c’est fait pour ça. Si on oublie le détail qui dit que nous ne sommes foutrement pas amis. « Merci » deuxième fois qu’il m’assène à la force de ce mot, me mettant mal à l’aise à un certain niveau. Gênée car j'estime ne pas mériter tant de pommade sur mon égo. « C’est bon, arrête. » qu’il ne se la prenne pas, la tête. Ce n’est pas comme si j’avais accepté quelque chose de démesuré. « Allez viens. » que je conclue pour qu’on emprunte, de la cafétaria, le chemin.

Un long soupir s’échappe de mes lèvres tandis que l’on marche côte à côte, et les mains dans les poches, je reste muette quelques instants, écoutant simplement le bruit de nos pas résonnant. Mais je finis par l’interroger, foutrement mal à l’aise par ce traquenard qu’il a – juste un peu – engendré. « Je me demande jusqu’où tu serais allé. » Si je n’étais pas arrivée, pour voir tes volontés se réaliser. S’il était réellement prompt à agresser toutes les infirmières et autres docteurs que – par la logique de l’endroit – il allait croiser.

« Je te suis » L’homme rend les armes, je ne lui laisse, de toutes les manières, pas d’autre choix. Et on marche en un silence, tous les deux dans nos pensées, je me demande ce que je ferais, à sa place, si j’étais dans sa situation, à voir réapparaitre un petit ami présumé mort après la séparation. Sans me douter que dans quelques mois seulement, je serai celle qui devra survivre à ça. Trop paisible, la Veena.

Lorsque je lui demande ce qu’il aurait pu faire si je n’étais pas arrivée pour sauver ses arrières. « Pas jusqu’à étrangler le sale mioche qui mâchouiller son chewing-gum trop fort dans la salle d’attente. Si ça peut te rassurer. » Et j’en hausse les sourcils, forcée de constater que l’ampleur de dégâts, je ne l’avais pas mesurée. « Enfin j’y ai peut-être pensé une petite seconde. » Et même s’il sourit, je me dis que son expression est faussée.

En arrivant à l’entrée de la cafétaria, je lui lance un regard, sur le côté, « J’sais pas ce qui m’arrive… » et c’est à mon tour, d’activer mes zygomatiques pour détendre le sérieux de mes traits. « Je ressens quelque chose… » continuant mon manège, lui tendant un joli piège. « C’est comme, » un truc bizarre, étrange. « De la compassion, » ou de la pitié, et j’en secoue le visage pour me rassurer. « Mais je ne devrais pas m’inquiéter, » pour lui et notre aparté. « Ça va passer. » Car notre relation n’est pas vraiment ce que l’on décrit habituellement afin d’évoquer une amitié. Que je ne lui porte pas un "énorme" intérêt, enfin peu ou simplement pas assez. Alors autant s’en amuser, de l’homme venu hurler dans un couloir d’hôpital, que son cerveau est certainement en train de surchauffer.