ft. @Taylor Veena Foster |
Elle n’a pas jugé bon de me le donner mais je ne l’en blâmerais pas parce que de toute façon ce n’était qu’une proposition faite pour déconner, briser la glace en cette soirée quand les températures au dehors ne cessent de dégringoler. Les flocons continuent de tomber contre la vitre sur laquelle ils se fondent en perles irisées, une tempête aux yeux des touristes et novices mais rien de très alarmant pour la vieille qui ne déroge pas à ses habitudes tardives, le flegme ancré sur ses traits creusés. « Je vois. » Personne ne viendra me chercher jusqu’ici, c’était un peu.... le but recherché, une retraite pleinement méritée.
Alors bien que je me fasse porter pale le temps de quelques jours, je ne suis pas pour autant venu trouver la mort ici et à la question qu’elle laisse en suspend, je la soupçonne de trouver dans mes hésitations un malsain plaisir si bien que le biscuit sur la table est reposé. Un touriste qui disparait dans une vallée reculée en pleine tempête de décembre, personne n’y prêterait attention si ce n'est les autorités du coin qui mettraient tout en œuvre pour l’étouffer, craignant pour leur gagne pain une triste et médiatique retombée. Mauvais plan. Dans le doute, il est même du bout des doigts foutu un peu plus de côté.
Puis brutalement elle s’active à boire l’équivalent de quelques gorgées afin de prendre congés, quitter la table sous mon regard interloqué et me glisser, à demie-affaissée : « Si vous y survivez… A demain ? » D’une main tendue elle semble vouloir pactiser, s’engager pour une seconde entrevue, adjoignant à ses précédentes paroles une précision qui me laissera le coup bien sceptique. « Taylor Foster, chambre 220. » La confiance est un sentiment qui se gagne au fil des jours mais certaines histoires vont vraisemblablement plus vite que d’autres, dont la nôtre. Ma paume va à la rencontre de la sienne pour une poignée de mains franche et ferme, acte brisant les codes moraux entre le bien et le mal tout en murmurant autant pour elle que pour moi le nombre « 220 ». Et malgré son départ je suis resté un bon moment encore à scruter le contenu de mon verre avant d’en sourire les traits décontractés, murmurant son nom « Taylor Foster… », bien décidé à la revoir comme précédemment annoncé.
Une fois le liquide ayant anesthésié un début de gorge irritée, je me suis acquitté de ma note et de la sienne par la même occasion même s’il n’a jamais été clairement question de la lui payer. C’est une dette qu’elle me devra plus tard même si je lui dois bien plus que quelques dollars et glissant la carte qui est d’un trait sonore débitée, mes lèvres s’empressent de lui demander : « Il y a quoi à faire dans le coin ? » La vieille me confiera que dans des temps reculés beaucoup venaient dans ces contrées afin de communier avec la nature. Encore aujourd’hui ces attelages presque disparus sont loués à qui voudrait renouer avec les vieilles traditions et les mushers, qui ne se comptent plus qu’en faible nombre, ne refusent jamais une sortie en contrepartie d’une gracieuse rétribution.
Alors sur le chemin du retour dans un bar qu’elle a mentionné comme étant leur qg j’ai eu l’occasion avec l’un d’entre eux de discuter. Un billet sur la table a été glissé en échange d’une parole donnée. Lui aussi d’entre ses lèvres gercées m’a honoré d’un « à demain » avant que je ne le quitte pour aller dans cette pension me coucher.
Réveil difficile aux premières lueurs du jour, les paupières ankylosées à vouloir rester étendu sous l’épaisseur de ce duvet, j’ai pourtant pris mon courage à deux mains en posant pieds au sol sur ce parquet qui fait tant la fierté de ce chalet. Une douche aura été nécessaire, salvatrice après le supplice de cette traversée de pièce. Puis enveloppé dans les habits les plus chauds je me suis présenté à la 220, frappant par trois fois avec vigueur contre le bois.
Peut-être que je n’aurai jamais dû le lui dire, que c’était un risque trop grand, que ce n’est pas normal comme comportement. On ne donne pas aux inconnus, dangereux potentiellement, son emplacement, et c’est une règle qu’on est censés avoir appris enfant. Mais les mots ont été balancé, comme on finit par craquer et révéler un secret. Et je ne peux m’empêcher de sourire sur la route enneigée que je parcours à pieds, le temps de rentrer.
Ça me fait toujours étrange, d’être loin des responsabilités, de m’accorder une pause, éloignée de la rigueur, qu’au quotidien, je m’impose. Bien que même aujourd’hui ça n’en était pas un véritable, d’aparté, à la vérité, étant donné que j’ai opéré durant la moitié de la journée, mais qu’importe, l’impression ne veut pas se retirer, surtout lorsque je me retrouve dans cette chambre d’hôtel démodée. La solitude n’est pas, quelque chose qui me pèse plus que cela, habitude prise depuis le temps, d’une femme qui place sa carrière au-dessus de tout et des gens. Cœur pris mais indépendant.
Et la nuit s’est déroulée sans encombre, sans le voir débarquer et revendiquer un je-ne-sais-quoi qu’il aurait pu prendre comme un droit, non pas que j’aurai voulu que ce soit le cas, mais joueuse, j’ai cette affection toute particulière pour les relations – même en termes d’amicalité – tumultueuses. Pour celles qui rendent vivants. Qui font trembler la ronde du temps. Par habitude, j’allume le téléviseur au réveil, mets n’importe quelle chaîne, simplement pour avoir un fond sonore, et que le silence ne me dévore.
Traîner au milieu de draps, je ne le fais qu’en de rares fois. Exulte un « J’ai besoin de café. » alors que je me vois déjà, en tenue de nuit, aller en chercher. Et encore sous le joug de cette journée de repos peu coutumière, je regarde l’écran de mon téléphone afin de vérifier qu’une urgence ne soit pas tombée. Quelque chose qui me ramènerait plus vite à Boston. Dans mon cœur et dans ma tête ça résonne. Rien d’affiché, et c’est ce qui me convainc de prendre le temps de prendre un bain. Un jour pour moi. Il faut juste que ça rentre quoi.
Alors je sors du lit, finalement, quant à la porte, frapper, j’entends. Inattendu, l’esprit embué de la nuit se demande si je n’ai pas commandé du café, par acte manqué, mais lorsque je vais ouvrir, de surprise, j’en crache un soupir. Et prononce en un sourire ; « La place est prise, vous pouvez partir. » Synonyme d’un « Que me vaut ce plaisir ? » comme bonjour, après tout, il y a pire.
ft. @Taylor Veena Foster |
Les jointures s’écrasent à trois reprises sur ce que j’avais cru être du bois et qui n’est en réalité que du contreplaqué vernis au son creux qui en résulte. Gite holocauste qui suffit amplement au touriste de petite classe sociale ou pour celui qui ne souhaite pas attirer le regard sur sa personne, tout en devanture et qui une fois éventré ne paye pas de mine. Les minutes s’écoulent et mes doigts restent à examiner les aspérités de cette porte par simple curiosité, n’ayant rien d’autre à faire que de prendre mon mal en patience. Curieux, je jurerais que la mienne est de composition différente. Peut-être récemment changée qui sait… Et brusquement elle s’entrouvre sur son visage encore marqué par les plis de son oreiller, une cicatrice éphémère sur sa joue qu’elle n’a sans doute pas encore remarquée. « La place est prise, vous pouvez partir. » Comment… déjà un amant ? Et je me suis surélevé bêtement, tentant d’apercevoir par-dessus sa silhouette si à l’intérieur un nuisible l’avait effectivement toute la nuit réchauffée. Aucun bruit mais le doute reste néanmoins permis. « On consomme local. Grosse erreur. » Mais flatté d’avoir été ne serait-ce qu’un instant son choix premier, l’imaginant déjà m’avoir attendu sur son lit, la coupe à la main en scrutant nerveusement les aiguilles de son réveil matin.
Alors que ma paume s’arrime au reluisant de sa porte, je ne peux que rentrer dans son jeu, croire en ce qu’elle veut bien me faire avaler même si j’imagine mal une femme de son rang, de son pédigrée, s’adonner à ce tourisme si particulier. Demi-sourire qui me fend les traits, mon regard s’égare vers ce point culminant en hauteur que je sais être l’indice d’un mensonge en devenir. « Ah. Ma corbeille ne contenait pas de capotes. » Déception, parmi tous les petits gadgets et confiseries gracieusement offerts à chaque détenteur d’une chambre, je n’ai pas trouvé la moindre trace d’un condom, pourtant logique lorsqu'on loue un gite en de pareilles circonstances. Et faussement surpris j’ai continué. « Et vous, vous en aviez ? » Pour terminer en beauté, un peu rebuté quant à cette nature profonde qu’elle souhaitait à tous nous cacher. « Ils vous ont repérée de loin.»
Je n’aurais jamais parié qu’il finisse par débarquer, si tôt, dans la matinée, je m’étais laissée croire que Dutch Cooper était de ceux qui sortent le soir, cachés, à l’abris dans le noir. J’avoue même que je ne comprends pas vraiment ce qu’il fait là. De mon point de vue, on en avait terminé, lui et moi. Mais le destin est capricieux, et j’en invente un nouveau jeu. Lorsqu’il relève le visage afin de voir plus loin dans le paysage, j’aimerai lui préciser qu’il ne risque pas de tomber sur un étrange mirage. Je suis de ces femmes, qui n’appartiennent qu’à un homme, dont les cœurs ne déraisonnent. « On consomme local. Grosse erreur. » Ah bon ? Ca ne vaut pas le coup quand ce dernier vient d’ailleurs ?
Et sa main s’accroche au boisé de la porte, et que son visage en un sourire, se fond. « Ah. Ma corbeille ne contenait pas de capotes. » Donc nous sommes soudainement, tous les deux, devenus potes. « Et vous, vous en aviez ? » Comment lui dire que lorsque je suis dans un hôtel, ce n’est pas la première chose qui me vient à l’esprit de vérifier ? Peut-être que cela vient du fait que nous ne sommes pas dotés des mêmes attributs particuliers. « Ils vous ont repérée de loin. » Sur ces mots, je ne peux pas me contenir, ma langue fourche plus vite qu’il ne faut pour le penser, ou le dire. « Vous êtes en train d’insinuer que j'ai l’air d’une putain ? » parce que la blague, il ne faudrait pas non plus qu’elle parte trop loin. Ce n’est pas comme si nous avions de quoi partager des souvenirs enfantins. Nous deux, on ne se connaît pas dans le quotidien. Je me retourne, paume sur le front, en lui laissant tout de même le loisir de suivre mes talons. « Vous savez parler aux femmes, dès le réveil. » C’est sûr, des hommes que je côtoie, aucun n’est son pareil. Un bain, un café, c’était ça dont j’avais besoin, mais on ne peut aller à l’encontre des Dieux et de leurs desseins.
De mes doigts, j’attrape un gilet, afin de couvrir ma peau, amorçant un frisson, avant de lui poser la question ; « La raison de votre apparition ? » Car il est vrai que ça me surprend, dans le fond.
ft. @Taylor V. Foster |
« Vous êtes en train d’insinuer que j’ai l’air d’une putain ? » Je n’irais pas jusque-là parce que dans ses attitudes ne transpire aucune désinvolture qui caractérise ce genre de femmes et en ce sujet je peux me vanter d’en connaitre les moindres aspects, une compétence que je me garderais bien de lui formuler. Elle se soustrait alors de mon regard en se retournant et me libérer l’accès que j’hésite un instant à emprunter, posant un pied puis deux dans l’entrée avant de stationner, contemplant cette chambre pas si différente de la mienne. « Vous savez parler aux femmes, dès le réveil. » Ironique lorsqu’elle me plante une réflexion, la main levée à hauteur du front sans pour autant me montrer d’attention. « En général je ne suis déjà plus là » lorsqu’elles se réveillent, autrefois adepte des départs anticipés, une habitude qui fait dorénavant partie des vestiges d’une vie passée, préférant l’admirer elle lorsqu’elle laisse pénétrer les premiers rayons dans ses iris bleutées.
La brune s’écarte pour passer sur ses épaules la première chose que ses doigts vont sur une chaise frôler et me mettre dos au mur en un seule question, comme si nous n’avions jamais convenu de nous revoir la vieille. « La raison de votre apparition ? » Je suis alors resté con, les mots en suspens tout comme ma verve et d’une paume brassant l’air bêtement, lui ai fait part de mon étonnement. « On devait se revoir. » Sortis de leur contexte, j’avoue qu’ils prêtent à confusion mais peut-être souhait-elle vraiment que je la visite tard dans la nuit pour une brève relation. Non. « Alors comme j’aime les défis » et gagner son amitié en fait clairement partie, « je suis venu vous en lancer un. » Mais pour se faire il lui faudra sans doute trouver de quoi plus chaudement se vêtir. « Vous aimez les chiens ? » Indice sur l’activité à venir lorsque je me permets d’aller jusqu’à sa fenêtre pour examiner les cimes enneigées et ce ciel dégagé. Il va faire beau toute la journée aux dires des gérants du logis mais la météo du coin est réputée pour être capricieuse, surtout en cette période de l’année. Un dernier coup d’œil sur la montre rivée à mon poignet et mon index ne cesse subitement d'en frapper le cadre pour lui annoncer « Parce que nous sommes déjà en retard » sur ce qui était programmé.
« En général je ne suis déjà plus là. » Un sourcil s’arquant sous la pensée de son côté, complètement, charmant. Et le pire c’est que s’il n’y avait pas eu Joshua, peut-être que je ne l’aurai pas pensé ironiquement. Car avant d’abdiquer face à mes sentiments, je n’étais pas vraiment destinée à finir au couvant. Mais qu’importe, ici et maintenant, ce n’est pas le plus marquant. Puisque j’aspire plutôt à délier le pourquoi du comment. « On devait se revoir. » Euh… pas vraiment. Je dirais même que non, il n’en était pas question.
J’ai, certes, balancé le numéro de ma chambre hier, mais je peux toujours plaider instabilité mentale l’espace d’une durée, après tout, c’est de famille, il parait. « Alors comme j’aime les défis » Mais encore ? Parce que je ne suis pas au point de vouloir le mettre dans mon lit. « je suis venu vous en lancer un. » Juste après avoir souligné la possibilité que je sois une catin. Je dois applaudir, m’impatienter ou bien ? « Vous aimez les chiens ? » Est-ce qu’on parle du genre masculin ? Etant donné qu'on parlait de pute, ça me semble, logique à souhaits. Et oui, la blague, je l’aurai, une énième fois osée, si seulement, c’était un peu plus que l’on se connaissait.
Bien que je m’interroge sur la bienséance qui se devrait être entre nous soutenue au moment où il traverse ma chambre pour aller regarder plus loin. Et m’accule finalement d’un « Parce que nous sommes déjà en retard » montre en main. Est-ce que ce serait trop lui demander que de préciser le fil de ses pensées ? On peut me prêter, bien des talents, mais pas celui de lire dans les esprits, à l’évidence, défaillants. Et de ma réflexion, je ne peux que lui lâcher un regard s’amusant. « Vraiment ? » Les surprises, ce n’est pas mon fort, à contrario, je crois que très souvent ceux qui m’en font, veulent, à coup sûr, ma mort. Puisque cela tourne toujours au vinaigre, ca me file, d’avance, la fièvre. « Donc, je dois vous faire confiance ? » Il faut dire les choses comme elles sont, on ne les a pas élevés ensemble, les cochons. « Ok. » je prononce plus pour moi, me motiver, que pour lui signifier que le bénéfice du doute lui est accordé. La vie, elle est faite pour s'y risquer. Sinon, c'est tout qui nous passe à côté. « Il me faut du café. » Ce n'est pas une condition, c'est un passage obligé, et je n’en démordrai. Soulevant l’index à la suite d’une pensée, venue en pêle-mêle aux autres s’entrechoquer. « Tenue exigée ? » Vu comment il est, j’imagine que je dois aussi passer deux ou trois laines plutôt que mon gilet. M'avançant vers ma valise afin de m'habiller.
ft. @Taylor V. Foster |
Et aussi promptement que je ne me suis empressé de parcourir son espace vital sans la moindre gêne, la moindre hésitation, ma nuque s’est braquée vers elle si tôt le coup de semonce donné parce qu’il est l’heure, à ma montre, d’y aller. « Vraiment ? » Et si j'imagine que l’imprévu doit être la grande inconnue qui fait valser son quotidien, me voir ainsi débarquer dans cette chambre d’hôtel doit être des plus perturbant, malsain. Alors l’esquisse de mesquinerie tapie dans le fond de ses yeux est mise sur le compte d’une crise nerveuse légère. Se retrouver ici pour respirer, changer d'air et oublier les traumas auxquels elle se retrouvent trop souvent confrontés pour finalement voir sa tranquillité bousculée par un inconnu qui lui rappellera inexorablement ce qu’elle a voulu temporairement quitter… Dur.
Je ne la blâmerais donc pas pour ce manque de confiance, hochement des épaules pour simple constat de ma part. Elle finira par abdiquer puisqu’il est évident que je ne bougerais pas tant qu’elle se refusera à accepter, à respecter cette promesse faite la vieille. « Il me faut du café. » Dernière exigence farfelue de son coté, même s’il est un peu trop tard pour l'exaucer à moins de m’y plier lorsque nous serons en chemin, voire même arrivés au chalet. « Vous l’aurez, une fois qu’on y sera. » Il leur faudra bien de bonnes minutes pour les atteler et j’imagine qu’en attendant elle pourra alors se sustenter de ce café acre qu’ils ont pour réputation de faire couler. « Tenue exigée ? » Et puisque nous partons en pleine nature sous les quelques flocons que j’aperçois dégringoler au travers de sa vitre légèrement embuée, j’acquiesce dans la foulée, décochant une dernière fois une œillade sur le cadran de ma montre qui ne cesse de changer. « Chaude. Si c’est dans vos cordes. » Femme frigide depuis le premier jour où nous nous sommes croisés qui a su, de ses doigts, attiédir un cœur sur le point d’imploser. J'espère seulement qu’elle a de quoi dans sa garde-robe aller crapahuter dans ces forêts enneigées.
D’un pas sur le coté je me suis écarté de la fenêtre pour la laisser apprécier de la météo qui pourrait à tout moment se dégrader. Ici, seuls les locaux savent conjecturer, d’un simple regard sur les hauteurs, de ce que le temps peut leur réserver et je me prends subitement à penser à Haiwee. Elle en serait capable, elle aussi, avec cette façon qu’elle a d’entendre ce que les autres ne peuvent percevoir. Et sans transition pour couper court à mes réflexions, d’une voix railleuse, je me suis donné le droit de la taquiner, celle qui dans quelques secondes va très certainement me jeter. « J’attends dehors ou... je peux rester ? »
« Vous l’aurez, une fois qu’on y sera. » Une fraction de seconde je me demande s’il me prend pour un animal auquel on tend une carotte dans le but de l’appâter, afin de l’apprivoiser. Car même s’il ne me connait, je pourrais me damner pour un café. Mes paupières se plissent, le temps de le jauger, et de me rendre compte que l’effet – bien que ce ne soit possiblement pas celui escompté – est totalement réussi. Parce que j’abdique et je n’ai plus qu’une seule volonté, sortir d’ici. Et obtenir le Graal promis.
Alors je me décide avant de penser à l’accoutrement qu’il va me falloir enfiler. Etant donné, que je viens de poser sur mes épaules dénudées, un simple gilet. « Chaude. Si c’est dans vos cordes. » J’en arque les sourcils, cette fois, ne comprenant certainement pas l’ampleur de ses dires, et à deux doigts de lui souligner, que je ne suis pas atteinte de stupidité, et que si je suis présentement découverte ou presque, c’est parce que je viens de me réveiller. Dans ma valise, évidemment, il n’y en a aucune, de tenue d’été. Bien que d’accord, ok, j’avoue que la combinaison de ski n’y est. Faute de débutante qui n'est pas habituée à s'octroyer du temps pour s'amuser. « J’attends dehors ou... je peux rester ? » Et puisqu’il a traversé ma chambre dans son entièreté, pour se poster à la fenêtre, je rends les armes en soupirant, dehors ou dedans… Pour le coup, ça ne change pas vraiment. Pas que je sois atteinte d’impudicité, mais simplement parce que c’est dans la salle de bain que je compte me préparer. « Restez. » que je lui dis au moment où mes mains dans mon sac commencent à fureter, à la recherche de la tenue la plus chaude que j’aurais.
Et parce que j’avais laissé volontairement mon mot en suspens, je viens lui préciser, la suite des mouvements que je vais réaliser, amusée. « Je vais m’habiller à côté, » et comme il me regarde, je prends le soin de lui désigner, la porte de la pièce désirée. « par contre, » méfiante lorsque je me redresse, et pose sur lui, l’accusation de mes prunelles, consciente de me tenir face à un potentiel criminel, « pas la peine de tenter de me voler, » car mon compte, malgré mon boulot, n’est pas des plus garnis, « vous serez déçu par mes cartes de crédits. » honnête sur ma situation, pratiquement ruinée par mes études, ma mère et son hospitalisation. Sa déraison. Et peut-être qu’il ne me croira pas, qu’il se dira que ce ne sont que des bobards cherchant à le dissuader tout ça, mais qu’importe, n’est-ce pas ?
Rapidement, je file dans la pièce adjacente, chargée de mes vêtements, que je passerai en quelques minutes seulement. Et quand je réapparais, prête à y aller, en me dirigeant vers la porte pour l’ouvrir, je quémande, comme une droguée « Il y a une chance de négocier le café sur le trajet ? » Sait-on jamais.
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