Dix-huit jours. Cela faisait dix-huit jours que Lukas était parti à ce fichu concours de talents et qu’il n’en était jamais revenu. Pourtant, cela faisait de trop nombreux jours que le jeune homme aurait dû être de retour à Boston et à l’intérieur de mon existence. Dix-huit jours… C’était beaucoup trop long à mes yeux d’autant plus en sachant que je venais de me mettre en couple exclusif avec lui depuis peu de temps. C’était beaucoup trop long alors que nos dernières discussions avaient été un peu trop bancales à cause de l’annonce de la grossesse de Summer. C’était beaucoup trop long parce que, merde, je tentais vraiment d’être le parfait petit-copain. Je tentais réellement d’être le garçon irréprochable et exclusif que je me devais d’être pour que mon couple fonctionne. Néanmoins, je ne l’étais pas vraiment. J’avais craqué une fois déjà avec Côme des jours plus tôt. Avant même que la disparition ne soit officielle. Je ne me souvenais pas de tous dans les moindres détails. Je me souvenais avoir écrit à Côme pour qu’il me retrouve à l’hôtel et qu’il me fasse sien violemment. Une fois. Sans tendresse. Sans baiser. Sans rien. Juste de la baise pure et dure. Alors ouais, j’avais craqué une fois aux côtés de Côme. Cela n’avait été qu’un coup pour m’aider à me sevrer de cette addiction un peu trop forte. Cela n’avait été qu’une fois pour tenter de m’aider à supporter les effets secondaires du manque qui pulsait en moi. Les corps à corps… Ce n’était pas quelque chose dont je pouvais me passer habituellement. Depuis ma plus tendre adolescence, depuis que j’avais été utilisé au sein de la Mafia, je ressentais le besoin de coucher tous les jours avec quelqu’un. Lorsque cela n’arrivait pas, le manque se mettait alors à pulser à l’intérieur de mon être et c’était invivable. Alors là bordel, dix-huit jours… C’était long pour moi… Vraiment trop long. Le manque cognait à l’intérieur de mon être et je ne craquais pas. Malgré les nombreuses invitations de Côme qui dormait à mes côtés et qui était presque tout le temps avec moi, je ne cédais pas. Je m’interdisais de craquer afin de ne pas être l’horrible personne de l’histoire qui trompait son mec disparu. Je ne voulais guère être ce genre de personne. J’avais déjà foutu assez de merde comme ça. Et croyez-moi, ma tête se plaisait à me le répéter encore et encore. Les crises s’enchaînaient sans que je ne sache les contrôler. Elles étaient là. Violentes, destructrices, épuisantes. Les cauchemars s’intensifiaient au point où je ne parvenais plus à dormir plus de trente minutes par nuit. J’étais épuisé. J’étais déprimé. J’étais perdu. J’étais juste en train de couler dans l’Enfer de la vie. Alors, lorsque je ne me trouvais pas dehors à tenter de retrouver mon petit-ami disparu, je tentais de m’occuper l’esprit. Hier, je n’avais rien trouvé de mieux à faire que de me balader sur les réseaux sociaux pendant des heures. Incapable de fermer l’œil, je faisais défiler les profils avec l’espoir fou de trouver un indice. Ce n’était pas ce que j’avais trouvé pourtant. Oh non… J’avais trouvé autre chose. Quelque chose de mieux ? Quelque chose de pire ? Quelque chose de bien ? Quelque chose de mal ? Bordel, je n’en savais rien. Tout ce que je savais était que je m’étais arrêté sur son profil que je n’attendais guère.

Ulrik. Il était là. À Boston. Et, comme un pauvre idiot encore un peu trop accro, je n’avais pas su me tenir. Je lui avais envoyé un message un peu trop simple. Un court message qui avait donné lieu à une discussion et qui me conduisait ici en ce jour. Harbor Area. C’était là que le jeune homme habitait. C’était ici que nous avions convenu d’un rendez-vous pour ce soir après une discussion hier. Une discussion qui laissait entendre que ce soir n’allait pas être une soirée sage. Ulrik et moi avions rendez-vous à vingt-et-une heure alors j’étais clairement en avance. Une bonne demi-heure d’avance. Une demi-heure à me torturer encore la tête. Putain, mais qu’est-ce que je foutais ? J’étais beaucoup trop ridicule. J’étais tellement idiot. Clope coincée aux coin de mes lèvres, je marchais de long en large dans la rue. L’hésitation cognait si follement en moi. La peur bouffait mes entrailles. Le tic-tac de l’horloge cognait dans mes pensées tandis que l’heure du rendez-vous approchait. Je ne savais pas quoi faire. Est-ce que je devais prendre mon téléphone pour écrire un message à Ulrik et lui dire que je ne venais pas chez lui finalement ? Est-ce qu’il me croirait ou est-ce qu’il m’avait déjà aperçu en train de marcher dans sa rue ? Est-ce que je devais simplement aller retrouver le jeune homme au sein de sa demeure comme nous en avions convenu hier ? Pour tout vous avouer, je ne savais pas. Je ne savais plus. C’était le bordel absolu à l’intérieur de mes pensées. C’était le bordel total à l’intérieur de mon existence. Cela faisait des jours que je refusais qu’on me touche ou qu’on m’embrasse. Côme était présent au sein de mon appartement et il n’avait le droit que de me faire des câlins pour m’endormir le soir. Rien de plus. Je refusais tout parce que je sentais la culpabilité s’inviter en moi dès que je me laissais aller. Je sentais cette culpabilité venir me bouffer le cœur parce que si je me laissais aller, j’allais tromper l’homme que j’aimais et qui vivait peut-être un Enfer. Oh putain, j’étais un monstre n’est-ce pas ? Mordillant ma lèvre, je me laissais tomber sur un banc avant de tirer nerveusement sur ma cigarette. Mes doigts tremblaient un peu trop. L’hésitation demeurait. Les choses étaient simples et claires pourtant et une part de moi le savait déjà. Ouais, une part de moi savait déjà que j’allais rejoindre Ulrik parce que c’était ce qu’il fallait faire. Depuis la disparition de Lukas, je ne me rendais plus au travail et les difficultés financières se faisaient lentement sentir. Alors, merde, Ulrik avait proposé de me payer le double pour une nuit en souvenir du bon vieux temps. Ce n’était qu’une nuit de travail. Je ne faisais rien de mal. Il n’y avait pas d’attachement. Il n’y avait plus d’addiction. Ce n’était que du boulot et Ulrik l’avait lui-même clairement dit. Ce soir, je n’étais qu’une pute et il n’était qu’un client. Rien de plus. Rien de moins. Soupirant un coup, je sentais mon rythme cardiaque s’accélérer tandis que j’écrasais ma cigarette. Il était l’heure et il fallait que j’y aille. Il fallait que je me rende chez mon client parce que j’avais besoin de cet argent et peut-être aussi un peu parce que j’avais besoin de ce corps à corps. Non… Pas de ce corps à corps précisément parce que je ne ressentais rien pour Ulrik. J’avais juste besoin d’un corps à corps. Ouais c’était ça. Je tentais de m’en convaincre tandis que mon doigt s’abattait sur la sonnette. Reculant d’un pas, je glissais mes mains dans mes poches en attendant sagement que la porte s’ouvre. Et, lorsque ça arrivait, mes prunelles se posaient sur Ulrik un bref instant. Un trop bref instant pour éviter de me perdre. Il ne fallait pas que j’oublie les règles de cette nuit. Alors, sans hésiter, je soufflais « Bonsoir Ulrik. Ta pute est là. » Ouais c’était ça. Ni plus. Ni moins. Nous n’avions pas besoin de parler. Nous n’avions pas besoin de faire dans la dentelle. Je n’étais là que pour coller à ce statut. Il n’était là que pour être un client qui me paierait bien et qui m’aiderait à m’en sortir financièrement dans cette période difficile. Relevant les yeux sur le jeune homme, j’attendais l’autorisation de rentrer chez lui. Que la nuit commence.

Le manque… Je détestais tellement le sentir pulser à l’intérieur de mon être. Je haïssais cette sensation qui se réveillait en moi afin de me rappeler que je n’étais pas comme tout le monde et que je ne pourrais sans doute jamais l’être. Merde. J’étais censé être en couple exclusif avec Lukas et ça voulait dire que j’étais censé ne coucher qu’avec lui. Cependant, mon petit-ami avait disparu depuis dix-neuf jours et, avant même sa disparition, notre relation avait commencé à se dégrader. J’étais perdu. Je ne parvenais plus à fonctionner correctement et à prendre sur moi. Je ne parvenais plus à m’en sortir. Physiquement, mentalement, financièrement… Tout était en train de couler. Je faisais des efforts. J’en faisais vraiment et la preuve était que j’avais refusé plus d’une fois les avances de Côme. J’avais vraiment pris sur moi pour relayer ce manque au second plan et tenter de vivre avec malgré la douleur que ça causait en moi. Et c’était là qu’il était apparu. Ulrik. Comme un coup du destin, son visage s’était dessiné sur l’écran de mon téléphone. Dans mon Enfer infernal et épuisant, mon ancien client dont j’étais un peu trop accro était là. Nous avions pris contact. Et nous avions fini par convenir d’un rendez-vous ce soir. Ce soir où j’allais foutre mon couple en l’air sans doute. Ce soir dont j’avais si follement besoin pour tenir le coup. Ce soir où l’hésitation pulsait encore quelques minutes avant l’heure fatidique. Néanmoins, le besoin d’argent et le besoin de sexe me poussèrent à agir malgré tout. Écrasant ma clope, je venais sonner chez Ulrik et la porte s’ouvrait rapidement. Il m’attendait. Bien sûr. C’était logique puisque ce rendez-vous avait été fixé. Était-il impatient de ma venue ? Ma salutation tombait rapidement et je mettais les choses en place un peu trop aisément. Un peu trop réellement. Ce soir, j’étais le prostitué d’Ulrik. Juste ça. Ni plus. Ni moins. Ce soir, je faisais mon job alors ce n’était pas une vraie tromperie. Un sourire en coin glissait sur mon visage tandis que le jeune homme soufflait qu’il n’avait fait que suivre ma propre voix. C’était vrai. C’était moi qui lui avait soufflé que les choses se passeraient comme ça et ça me convenait parfaitement. Ce n’était qu’un boulot et j’avais insisté sur ça. Le client. Le prostitué. Et, bien évidemment, cette règle du ‘pas de baisers’ que j’imposais souvent à mes clients. J’étais stupide n’est-ce pas ? Je savais autant qu’il savait qu’il n’était guère un client comme les autres. Ce serait difficile pour moi de le voir comme tel ou de le traiter comme tel. Et, ça me percutait à l’instant même où mon prénom glissait entre ses lèvres. Ça avait quelque chose d’un peu trop bon. Ça avait quelque chose d’allumeur qui venait réveiller un feu éteint depuis des semaines. Ça avait quelque chose qui me faisait perdre la tête. Comme guidé par cette voix, mes prunelles bougeaient pour remonter sur Ulrik. Elles s’arrêtaient un moment sur le haut de son corps dénudé. Si parfait. Si tentant. Me donnant déjà si chaud. Ma langue glissait sur mes lèvres comme un automatisme que je n’étais pas fichu de contrôler tandis que j’imaginais déjà la peau d’Ulrik sous ma langue. Damn it. La température montait à l’intérieur de mon corps. Je sentais même mon pantalon commencer à se resserrer alors qu’il n’y avait eu aucun contact. J’étais encore si loin de lui. Pourtant, ma tête était déjà en train d’imaginer la suite de cette rencontre et ça me donnait si chaud.  Mon client se déplaçait en me faisant signe d’entrer et j’obéissais sagement sans chercher à babiller quelques paroles. Je n’avais aucune envie de perdre du temps dans des discussions futiles. Je ne voulais aucunement rester sur le pas de la porte à sentir cette tentation monter. Non. Je n’étais pas là pour prendre mon temps et jouer. J’étais là pour un corps à un corps. Juste pour ce foutu besoin.

Pénétrant dans la demeure, je sursautais en entendant un bip résonner derrière moi. Un frisson parcourait ma peau et je ne parvenais pas à savoir s’il était agréable ou désagréable. C’était comme si je venais de pénétrer dans la prison d’Ulrik – la prison du désir – et je ne savais plus exactement comment je devais me sentir face à cette réalité qui cognait. Heureusement pour mon bien-être mental, je n’avais guère le temps d’y réfléchir puisque le jeune homme s’approchait et que je sentais son souffle caresser ma nuque et mon cou. Ce n’était qu’un souffle et j’avais déjà l’impression de tomber. Mon cœur s’affolait un peu trop et je dû faire appel à toute ma concentration pour récupérer les billets qu’Ulrik faisait tomber dans ma main. Mes prunelles sombres s’arrêtaient sur la liasse avant que je ne la range dans la poche de mon pantalon. Je n’avais pas besoin de recompter la somme. Je n’avais guère besoin de perdre du temps comme ça. Je savais qu’il n’aurait jamais dit qu’il allait payer le double s’il n’allait pas le faire. Alors, je faisais confiance aveuglément avant de me redresser comme pour me donner le courage d’affronter la suite. Une suite qui me faisait fondre lorsque la voix d’Ulrik venait résonner à mon oreille pour me dire ce que je devais être. Être sage. Bien jouer mon rôle. Malgré moi, un sourire amusé glissait sur mes lèvres et j’acquiesçais doucement en marmonnant un « Toujours… » qui résonnait difficilement. Ce n’était pas ma faute si je perdais mes moyens face au jeune homme qui attrapait ma veste pour la faire lentement glisser. Je le sentais frôler mes bras et mes épaules augmentant mon envie. Mon pantalon devenait réellement serré. Ma respiration s’affolait un peu trop. Mon cœur était d’ores et déjà parti beaucoup trop vite. Les lèvres d’Ulrik glissaient dans ma nuque frôlant à peine la peau qui lui était offerte et qui se couvraient de frissons sur son passage. Mes yeux se fermaient sous le contact. Ce contact qui était beaucoup trop parce que je me sentais déjà devenir dingue. Ce contact qui n’était clairement pas assez parce que, zut, j’en voulais plus. J’avais tellement besoin de plus. Là, sur le coup, je voulais me retourner face à Ulrik et lui dire qu’il n’était pas juste un client. J’avais envie de me retourner pour lui demander de m’embrasser et de me prendre contre un mur parce que j’avais trop besoin et envie de lui. Je ne voulais pas attendre. Je ne voulais pas qu’il joue avec moi à cause de mes propos. Pourtant, je restais presque de marbre. Je ne bougeais pas. Sage gamin qui se tenait à sa place. La voix d’Ulrik résonnait à mon oreille pour susurrer des mots d’une voix suave et enjôleuse. Une voix qui me faisait un peu trop perdre la tête. Et, putain, ça allait plus loin. Ses dents caressaient mon lobe s’amusant à me rendre encore plus fou et m’empêchant de lui répondre. Foutu Ulrik. Il connaissait la moindre de mes faiblesses. Il savait parfaitement y faire. Il avait eu le temps de tout explorer de moi. Il avait eu le temps de tout découvrir. Je sentais le jeune homme se rapprocher et je m’embrasais presque aussitôt. Des nouveaux mots tombaient sonnant comme une porte d’échappatoire qui m’était encore ouverte et, sans perdre de temps, je secouais légèrement la tête de façon négative. Légèrement parce qu’Ulrik se déplaçait à mon autre oreille pour répéter mes mots. Les yeux fermés, le cœur battant à tout rompre, la respiration déjà affolée, le corps un peu trop chaud, je murmurais « Tu… T’sais parfaitement que j’vais rester Ulrik… J’veux pas de ta porte d’échappatoire… T’as payé et je suis là… » Ouais il avait payé et je n’allais pas juste m’enfuir avec les billets en poche. J’aurai pu le faire bien évidemment. J’aurai peut-être même dû le faire pour rester le parfait petit-ami. Cependant, je ne pouvais pas. J’avais besoin d’un corps à corps. Et, puis zut, je ne voulais pas être ce mec qui n’honorait pas sa parole. Je recevais de l’argent pour un job et j’allais honorer ce travail à la perfection. Les doigts d’Ulrik glissaient sur mes hanches et je mordillais ma lèvre pour retenir ce foutu gémissement qui cognait dans ma gorge. Fermant les yeux, je marmonnais « Tu… Un client… Juste un client comme un autre… » comme pour tenter de m’en convaincre et ne pas me laisser avoir par le feu ardent qui s’allumait en moi et qui me poussait à reculer d’un pas pour me presser contre le corps d’Ulrik. Putain, il fallait que je crois à mes propos. Ce soir, Ulrik n’était qu’un client comme un autre. Un client d’une fois. Ce soir, ce n’était qu’un boulot. Juste un boulot et ça ne devait pas me rendre fou de désir et ivre de plaisir. Non. Il ne fallait pas.