Elle croqua dans la barre et accepta mon offre. Elle prit le bâtonnet et tira dessus.

"C'est toujours aussi dégueulasse." avait-elle dis avant que je ne pouffe de rire !

"Ca dépends pour qui ! Ici, l'herbe est dégueu mes les bonbons sont géniaux" riais-je.
"Tout est une question de point de vue après tout ! et puis, comme je ne savais pas si tu fumais, j'ai moins dosé que d'habitude et puis, je conduis après, je vais pas me mettre en danger pour rien"

Elle tira une deuxième fois avant de me repasser le joint. Je suis quelqu'un de partageur et puis elle semblait vraiment sympa donc je ne vois pas pourquoi je ne partagerais pas.

Je regard l'heure. Il faisait nuit noir depuis déjà bien longtemps. Tiens ! Il était déjà 2h ? Demain, y avait pas de cours, j'étais vraiment tranquille heureusement.

"Ca te dis de finir la soirée chez moi ?". Elle fit une petite moue interrogatrice, perplexe à cette idée. En même temps, j'étais un gars et elle ignorait plus ou moins tout de moi. "Je te le promets, rien de bizarre, juste moi, quelques tableaux en bazar, une enceinte et ça." Puis je sors de ma poche un petit sachet avec 4 petits bonbons dedans.

Il riait, parlait de bonbons qui semblaient être bien meilleurs que l’herbe fourrée dans son joint. Et il était attentionné en plus, ajustant sa dose habituelle pour elle. Un nouveau sourire lancé dans sa direction (quoique, son sourire n’avait peut-être jamais quitté ses lèvres depuis le moment où il lui avait adressé la parole) et elle se permit de tirer une seconde taffe.
« Eh bien maintenant, tu sais que je fume une fois de temps en temps. Mais merci de m’avoir prise en compte, c’est adorable. »
Caesar était un gars bien, malgré le fait qu’il se procurait de la drogue et la traînait avec lui. Et il était raisonnable en plus, vu qu’il reprenait la route. Elle lui rendit la moitié de sa barre de céréales comme promis puis le laissa fumer son joint tranquillement, le distrayant avec des questions et nouveaux sujets de conversation de temps à autre. Elle parlait, pouffait de rire, bougeait selon les musiques qui passaient à fond dans le Nephilim, parlait encore. Elle appréciait la compagnie du jeune homme, très honnêtement. Elle se sentait bien à ses côtés ; et il était assez gentil pour la laisser se coller à lui dans l’espoir de se réchauffer.
Puis il lui fit une drôle de proposition – proposition à laquelle elle ne s’attendait pas. Elle s’attendait à du je te ramène chez toi ?, chose que les gentlemen les plus acharnés lui lançaient à la fin de certaines soirées – fort heureusement, ils respectaient toujours ses choix, notamment quand elle leur disait de rentrer chez eux après l’avoir déposée elle, puisqu’elle ne désirait pas aller plus loin. Elle s’attendait à tout ; mais pas à être invitée chez lui. Caesar avait remarqué son expression dubitative, il s’empressait même de la rassurer sur ses intentions. Elles n’étaient pas mauvaises. Elles avaient même piqué la curiosité et l’intérêt d’Hayley. Des tableaux ? Caesar était un artiste ? Elle qui adorait le dessin, ça l’intriguait et lui donnait envie de le suivre. Surtout s’il y avait de la musique en prime, et… Ah ! Les fameux bonbons. La blondinette était une débutante en matière de drogue, surtout au niveau de sa consommation : à part la beuh qu’elle avait déjà fumé (et c’était un bien grand mot) de temps à autre en soirée, elle n’avait jamais rien touché d’autre. Mais elle n’était pas pour le moins ignorante, elle connaissait quelques noms. Là, pour le coup, elle pencherait pour de l’ecstasy – ou quelque chose comme ça. Elle chercha le regard du jeune homme pendant deux secondes et finit par prendre une décision en lui souriant et en se levant, passant ses mains sur ses cuisses et son short :
« Je te fais confiance, Caesar. Et j’aimerais bien voir cette histoire de tableaux ! On y va ? »

Elle accepta. Je me leva et lui proposa de l'aider à se relever. Vous parlez qu'elle accepterait ? Et bien non ! Elle est têtue celle là !

"Suis moi, je suis garé par là". Je pointais du doigt une rue en perpendiculaire à celle où nous étions. Et oui ! L'avantage d'avoir une moto, c'est que je peux toujours me garer à 5mn de l'entrée d'un quelconque lieu où je souhaite me rendre. Enfin bref, nous arrivions devant mon véhicule. Règle numéro 1 : toujours avoir un deuxième casque sur soi. Bon, ok, c'est la règle numéro 2 parce que la numéro 1 ça reste "respecter le code de la route" mais bon, ça reste dans le top 3 !

Une fois devant la moto, je lui passe un des casques que j'avais rangé.
"Mets le. Si tu n'y arrives pas, pas de panique, je t'aide".

Je mis le mien et une fois que tout le monde était bien équipé je lançai:
"Tu es déjà monté à moto ? C'est assez simple. Tu me tiens bien, et tu suis mon inclination. Tu bouges ton corps exactement comme le mien. Rien de plus simple. C'est comme le vélo, c'est une question d'équilibre. On y go ?"

Je sers le frein et appuie sur le bouton de démarrage. Rien de bien compliqué. Deux coup sur la poignée d'accélération pour que le moteur ne se coupe pas pendant qu'Hayley montait derrière moi. Le bruit résonna dans la rue. Ok, je plains les voisins mais moi, j'aime ce bruit un peu rauque et mécanique.
Hayley me serra, presque un peu fort mais ça allait encore. Je commençai à accélérer et nous voilà partis. Le vent ne devenait plus mon ennemi, il me poussait vers l'avant, les frissons de plaisirs sur mes bras. C'est quelque part ma liberté. J'ai toujours été enfermé à mon passé, à ma famille à mes études. Rouler, c'est ma liberté. Et j'accélérais. Les lumières néons des magasins clos illuminaient mon passage. Après quelques virages, nous étions arrivés.

Au moment où je coupais le moteur, je sentis l'étreinte s'arrêter. "Alors c'étais cool ?" Puis je ris.
"J'habite juste là !" et je changeai de clé et inséra une toute petite clé dans la serrure de la porte de ma maison. J'habitais pas très loin des habitations de la Pfo. Au moins, je pouvais être à l'heure pour les soirées. J'ouvre alors la porte et nous entrâmes dans mon antre. Elle s'extasiait déjà sur mes tableaux.

"C'est juste un peu de bazar, là y a du Dali, ici du Brauner, derrière tu dois avoir Kalo ou du Francès, je sais plus." Fait toi plaisir, je vais juste chercher mon enceinte dans ma chambre"

Elle partait bien d’une fête au Nephilim pour aller passer le reste de la soirée chez un garçon qu’elle avait connu quelques heures plus tôt. C’était une première. Mais ça ne la dérangeait pas, parce que Caesar était fort sympathique et qu’il l’avait tentée avec l’art et des tableaux. Peut-être qu’avec le recul, elle se dira qu’elle était inconsciente ce soir-là, qu’il aurait pu lui arriver n’importe quoi… mais ce n’était certainement pas maintenant qu’elle allait prendre du recul. Alors elle suivit le jeune homme jusqu’à… sa moto. Ok. Là aussi, c’était une première. Elle s’apprêtait à refuser, à lui demander d’y aller à pied parce qu’il était venu seul et avait certainement un seul casque sur lui et Hayley ne voulait pas risquer quoi que ce soit – mais il était surprenant, le Caesar. En effet, il dégaina un deuxième casque, que la blondinette prit volontiers.
« Oh ça va quand même, je vais réussir à mettre un casque ! »
Elle rit et lui montra qu’elle savait mettre un casque. L’enfiler, oui. En revanche, resserrer l’attache sous son menton… c’était autre chose. Elle fit la moue, s’étant contredite en l’espace de quelques secondes, mais le laissa faire avant d’écouter ce qu’elle allait devoir faire – l’accompagner en bougeant son corps comme le sien. Hayley hocha la tête et monta sur l’engin tandis que Caesar le démarrait. Le moteur ronronna haut et fort, et la jeune femme s’empressa de s’agripper à lui, passant les bras autour de sa taille. Crispée (et quelque peu apeurée) au départ, il lui fallut attendre un court instant avant de prendre le coup et de se détendre. Son nouvel ami gérait, malgré les quelques verres et le joint – ou peut-être qu’elle ne se rendait pas compte parce que ce qu’elle avait consommé faisait déjà effet sur elle. Et peut-être parce que le paysage défilait sous ses yeux, et que c’était beau. Magique. Tous ces traits de couleur éclairant la nuit noire alors que tous deux filaient sur la route. Ses bras se relaxèrent autour de Caesar, et Hayley positionna sa tête d'une meilleure façon contre lui, afin de mieux voir ce qu’il se passait autour d’eux.
Le contact de la moto fut coupé bien vite – peut-être trop vite à son goût –, mais elle ne ronchonna pas et retira le casque une fois qu’elle avait posé un pied à terre, arrangeant rapidement ses cheveux par pur réflexe.
« C’était très cool, même ! répondit-elle avec un grand sourire aux lèvres. Elle lui rendit la protection et ajouta, j’espère que tu me referas faire quelques tours de moto plus tard ! Un jour ou l'autre. »
Ça, elle y comptait bien ! C'était thrilling.
Hayley se laissa guider jusqu’à la demeure du garçon, entra avant de laisser échapper un long sifflement de surprise, mêlé à de l’éblouissement. Elle était comme frappée par la présence de toutes ces œuvres. Quelques tableaux en bazar ? Elle n’aurait jamais cru qu’il y en avait autant !
« Wow. C’est canon ici. Et, alors qu’il s’éloignait pour aller chercher son enceinte, elle renchérit, j’espère que tu as du Seurat ! Le pointillisme m’a toujours fascinée. »
En l’attendant, elle se pencha par-dessus les peintures qu’elle n’avait encore jamais vues, et rechercha une œuvre pointilliste – ce truc de peindre par touches et de jouer avec les couleurs de telle façon que, en s’éloignant, tout cela affiche une image concrète… du génie. Elle remarqua ensuite des tableaux dépourvus de couleurs, entièrement vierges.
« Dis Caesar, tu peins toi aussi ? »

Alors que je fouille ma chambre de fond en comble je crois entendre parler Hayley. Seurat ?

"Euh ... Je suis pas sûr d'en avoir !" avais-je hurlé pour qu'elle m'entende bien. De toute façon, je n'ai pas vraiment de voisin. Ici, ce sont surtout des studios et des ateliers d'artistes.

Je regardais partout, à droite, à gauche, sous mon lit, dans ma table de chevet. Mais où ai-je pu mettre mon enceinte ? Oh punaise mais bien sûr ! Pas dans ma chambre ! Je me dirige alors dans la salle de bain, et là, dans le placard, je la trouve. Bon Caesar, à un moment, va falloir que tu te rappelles d'où tu mets tes affaires. Je reviens dans le salon où Hayley fouillait parmi mes tableaux.

"Tu peins toi aussi ?"

La question était si innocente qu'un éclat de rire me vint. Si je peins ? Oh que oui je peins !

"D'où penses-tu que tous ces tableaux viennent ?"

Et je vis ses yeux grandir. Alors que j'allumais mon enceinte je ne pus m'empêcher d'ajouter "La plupart des gens m'appelle le faussaire. Moi je préfère qu'on m'appelle un génie en devenir, un restaurateur qui vend ses œuvres d'entrainement, enfin ce genre de choses".
MAIS QU'EST CE QUE TU FAIS CAESAR ? Non mais là, j'avais pété un câble où quoi ? On ne parle pas de ses activités pas très légales à une parfaite inconnue ! Et si elle était dans la police ??
Bref, c'était trop tard. Je mis ma playlist de funk parce qu'au moins, c'est toujours pas trop mal quand on est défoncé.

Pendant qu’il farfouillait sa demeure à la recherche de son enceinte, Hayley s’occupa en vadrouillant à travers la galerie de tous ses tableaux en bazar. C’était beau, et impressionnant. Elle s’attarda sur un aux couleurs chaudes, avant de le voir revenir et de lui poser la question qui lui brûlait les lèvres. Est-ce qu’il peignait, lui aussi. Sa première réaction fut d’éclater de rire, prenant la jeune femme au dépourvu. Qu’est-ce qu’elle avait dit de drôle ? Est-ce qu’il avait pris une substance en cherchant son enceinte ?
Puis vint sa première réponse, tournée en une autre question. Elle mit quelques secondes à comprendre l’information puis elle écarquilla les yeux, regardant les nombreux tableaux traînant autour d’eux. Non ? Si ? Ah ben si. Caesar lui avoua rapidement qu’il était un faussaire, même s’il ne semblait pas fan de cette appellation relativement péjorative.
« Woah… siffla-t-elle, bouche bée. Elle s’approcha d’une toile qu’elle connaissait et se pencha dessus, l’observant de plus près. Les traits sont fins, directs, comme s’il n’y avait jamais eu d’hésitation et que le geste était instinctif. C’est… du beau boulot. Tes répliques sont ultra convaincantes. »
Certes, Hayley n’était pas une pro de l’art et de la peinture, mais elle s’y connaissait quand même un minimum. Et pourtant, elle n’y avait vu que du feu. Il semblait qu’elle allait de surprise en surprise avec Caesar ! D’ailleurs, ce dernier lança son enceinte, laissant un rythme funk résonner dans la pièce. Hayley ne tarda pas à bouger le haut de son corps ; la musique avait cet effet quasiment immédiat sur elle, les différentes chansons et rythme l’entraînant dans le monde de la danse. Qu’est-ce qu’elle aimait danser ! Elle sourit à Caesar en s’approchant de lui, touchant son épaule pour avoir son attention.
« Si tu me passes un crayon, je te promets que ton secret sera bien gardé. Elle lui fit un clin d’œil, amusée, presque joueuse. Non, sérieusement, t’inquiète pas, je ne dirai rien. Mais tu m’as promis des tableaux ! Et figure-toi que je dessine depuis que je suis petite. Ma mère est illustratrice. On se fait une séance ? »
À première vue, le petit mélange d’alcool et d’herbe de tout à l’heure la rendait un peu plus avenante, plus audacieuse que d’habitude.

La belle blonde était-elle en train de me complimenter ? Je crois bien !

"Merci."

Un simple mot, un simple remerciement. On ne m'a jamais vraiment complimenté. En même temps, trop peu de personne savent que c'est moi l'artiste derrière l'œuvre. Enfaite, on m'a toujours dissuader de peindre. Peindre ce que de grands artistes on déjà peint avant moi, c'était un échappatoire. Je me souviens qu'au début, papa se demandait d'où venait ces tableaux. Quand il a compris, il m'a envoyé assez loin pour qu'il n'ai pas d'ennuis. Moi, j'ai juste passé quelques temps en Grande Bretagne avec de la famille que je rencontrais pour la première fois.

Elle commençait à bouger ses épaules sur la musique. Je me devais de l'accompagner parce que j'adore danser tout de même et puis c'est la fête tous les jours. Je me sers un verre d'eau et le bois d'une traite. Règle # 1 : toujours bien boire quand on fait la fête.

Hayley s'approche alors de moi, pose une main sur mon épaule et me demande un crayon. Je souris alors qu'elle me regarde dans les yeux. Séance peinture ? Je suis toujours chaud !

Je me dirige vers une table près de la fenêtre et sort d'un des tiroirs un crayon en 2B, un en 4B, un en HB.

"J'en ai d'autre si tu as besoin. Mais moi, je vais me rajouter un petit remontant." Je sors alors de ma poche de jean le petit pochon acheté plus tôt. J'en sors alors un des petits bonbons. Celui que j'avais désormais dans le creux de ma main était rose, rectangulaire et un petit dessin était gravé mais trop petit pour que je ne devine la forme exacte. J'apporte alors ma main à ma bouche et dépose le petit cachet sur ma langue et le laisse fondre.
Je prends une toile et quelques bouts de papier et les place sur un premier bureau, juste à côté du canapé, en général, c'est là que je me mets car je trouve la chaise agréable.

"Toi, tu seras là et moi je me mets juste de l'autre coté, choisi un thème."

Alors juste avant qu'elle n'annonce le thème, je me dépêchais de prendre le même matériel que je venais de lui donner. Je me devais d'être sur les mêmes bases. Ni plus, ni moins.

« Mais je t’en prie ! »
Elle fit un grand sourire à Caesar. Elle pouvait dire que le compliment l’avait quelque peu pris au dépourvu – peut-être parce que les faussaires étaient généralement vus d’un mauvais œil et n’avaient pas la même reconnaissance que tous les autres artistes, étant donné que leurs pratiques pouvaient être considérées comme illégales. Sauf qu’Hayley ne se focalisait pas sur cet aspect, bien au contraire. Elle préférait voir le talent de Caesar dans ce domaine : il savait reproduire des œuvres à la perfection. Et elle était persuadée qu’il pouvait créer des tableaux exceptionnels lui-même. En effet, même s’il… recopiait des peintures mythiques et connues, cela lui servait également d’entraînement. La manière de tenir ses pinceaux, les couleurs à utiliser ainsi que les mélanges possibles à effectuer, les traits plus ou moins fins à tracer, les contours à réaliser…

Il lui proposa des crayons HB, 2B et 4B. Un sourire attendri étira ses lèvres tandis qu’elle saisissait un crayon 2B – classique, mais une valeur sûre.
« Tu sais, j’ai l’impression de retomber en enfance. Je sais pas, voir tout ça, de ses mains elle désigna le tiroir et les quelques crayons qu’il venait de sortir, ça me rappelle les fois où ma mère me laissait dessiner avec elle. Elle me sortait tout et me laissait choisir. Y avait tellement de crayons, je savais jamais où donner de la tête. »
Elle rit en se remémorant cela, se revoyant haute comme trois pommes, coiffée d’un palmier contenant à peine ses fines mèches blondes, essayant chaque crayon gentiment prêté par sa mère et écrasant les mines à chaque fois car elle ne savait pas contrôler sa force lorsqu’elle gribouillait. Seule différence avec maintenant : il n’y avait pas de bonbons spéciaux à son époque. Heureusement, d’ailleurs ! Car seul le monde des adultes autorisait ce genre de perversion.
« Qu’est-ce que tu viens de prendre, exactement ? » demanda-t-elle, curieuse, une once d’innocence encore présente en elle. De l’ecstasy, peut-être ?

Alors qu’il se mettait en place, Hayley l’imita et récupéra une toile et des feuilles avant de prendre place, les deux crayons toujours en main. Elle lui sourit et prit quelques secondes pour réfléchir à un thème.
« Mh… les ombres. La lumière, les ombres. C’est bon pour toi ? »
Elle ignorait d’où cette idée de thème lui venait. Elle aurait pu choisir les classiques – l’amour, la nature, les animaux, une nature morte ou même la nudité. Ou peut-être des thèmes un petit peu moins communs, comme les saisons, la musique ou la danse. Mais non. Les ombres, la lumière. Pourquoi pas, après tout ?
« Mais cette fois, je veux voir ce que tu sais faire tout seul. Parce que je suis persuadée que tu peux faire des grandes choses toi aussi, sans l’aide de peintres célèbres. »

"Ecstasy, ma douce insomnie. Tu tentes ?" avais-je lancé laissant le sachet sur le bout de canapé près de la table où elle allait se poser avant de donner le thème.

Les ombres et les lumières ? Un bien vaste thème dîtes-moi ! Je fronçai les sourcils. Comment ça pas de copie ? J'avais tout de suite pensé à un tableau de Van Gogh, la Terrasse du Café. C'était pile poil dans le thème.

"Ok, je relève le défi" soufflais-je, un léger sourire au coin des lèvres. Après tout, je peux le faire.

Je l'entendais déjà gribouiller sur le bureau. Tant d'imagination ? Probablement ce qu'elle avait fumé avant la stimulait. Je pris une grande inspiration et ferme les yeux. lève la tête, craque quelques doigts de ma main. Je sais que c'est désagréable, mais la musique couvrait le bruit alors ça ne posait pas vraiment de problème.
Je pose mes yeux sur ma feuille blanche. Ombre et lumière, qu'est ce que ça m'évoque ? Pas grand chose, c'est quand même très binaire. Un peu comme le bon et le mauvais. Et si j'axais mon œuvre sur ça ? Caesar, t'es un génie. Enfin génie ou juste sous influence, je commençais à dessiner. De grands gestes, de plus petits, pas besoin de peinture, juste d'un crayon bien gras et un moins gras. Ma plume, mes plumes se profilèrent sur le papier, sur la toile de mon imagination. Ombre et lumière, comme Lucifer, ange déchu tombe de la lumière des cieux à la pénombre des ténèbres. Les couleurs autour de moi étaient en train de fondre, j'avais chaud et je décide alors de poser mon t-shirt me retrouvant torse nu dos à Hayley. Je n'entendais plus le bruit du crayon sur le papier derrière moi mais j'étais peut-être juste trop concentré sur mon œuvre. Ma propre œuvre. Je voulais quelque chose de réaliste.

Puis la musique changea, quelque chose qui me redonna le sourire dans tout cela, je décrochais enfin de mon dessin. Je ne sais pas quelle heure il est. Probablement tard. Qu'importe ! Je dessine vite, faire un dessin avec autant de détails me prend moins longtemps que le commun des mortels.

La voilà mon œuvre. Mon art à moi. Ombres et lumières comme le Mal et le Bien, si divins. Lucifer, jeté du Paradis par Michael. Se faisant attraper par les démons des Enfers, sans choix, sans possible retour vers les cieux, vers la lumière, comme si déjà coincé. Il s'enfoncera dans le futur, dans un endroit sans soleil, sans lendemain. Quelque part c'est moi et mon adelphe. J'étais Lucifer et lui sera toujours Michael. Je serais toujours le petit canard et pourtant j'étais le plus gentil, le plus dévoué avant la marée de sang. Ca brise une vie, ça choque un enfant indéfiniment.

Bref, je devais juste être complètement high, je ne pensais plus, je ne réfléchissais plus, j'agissais. Alors je pris la toile entre mes mains et me retourna vers la jeune fille affalée sur le canapé. J'avais en effet peut-être perdu la notion du temps.

"Fini !"

C’était bel et bien de l’ecstasy. Hayley n’était pas née de la dernière pluie, elle en avait déjà entendu parler – surtout au lycée, lorsque les filles et elle traînaient avec des camarades de classe qui avalaient quelques cachetons à la fin de la journée ou entre deux cours. Elle avait également déjà aperçu quelques paquets circuler lors de certaines soirées étudiantes. Mais elle n’y avait jamais touché, préférant danser, boire quelques verres et, dans quelques cas, tirer une ou deux sur les joints de ses amis. Et là, elle était seule en la présence d’un nouveau bonhomme qui, elle le sentait, allait avoir un impact dans sa vie, les bonbons à portée de main. Un tout nouveau monde, de nouvelles sensations s’offraient à elle.
« Mh. Elle fixa le sachet un court instant. Pas maintenant. Après notre premier dessin, par contre. »
À croire qu’elle se sentait pousser des ailes, ce soir-là. Peut-être parce qu’elle avait plus bu qu’à son habitude, n’ayant jamais refusé les verres offerts par Caesar. Peut-être parce qu’il lui plaisait, ce garçon, et qu’elle se sentait bien à ses côtés. Peut-être parce qu’elle lui faisait déjà confiance, notamment pour la guider sur comment consommer de l’ecstasy pour la toute première fois et l’accompagner tout au long de son premier voyage. Qui allait avoir lieu après leur premier dessin, d’ailleurs. Caesar accepta le défi lancé immédiatement, malgré le thème qu’elle venait lui imposer – les ombres, la lumière –, sans copie. Son imagination était déjà en plein travail ; il lui manquait simplement l’affirmation du jeune homme pour qu’elle puisse se lancer corps et âme dans son dessin. Ce qu’elle fit, son côté d’artiste prenant le dessus. Son côté d’illustratrice. Elle eut une petite pensée pour sa mère, avant de se laisser envahir par ses idées et ce qu’elle griffonnait sur sa toile. Des coups de crayons assez légers, çà et là, donnant petit à petit naissance aux images qui se succédaient dans sa tête, parfois bien opposées. Car, sans vraiment s’en rendre compte, elle donnait vie à sa part de lumière, ainsi qu’à sa part d’ombre. À cette dualité qui sommeillait en elle, comme elle sommeillait en chacun d’entre nous. Seuls des contours fins permettaient de distinguer ce qui composait son côté le plus lumineux – elle comptait y mettre des couleurs, pour rappeler cette fameuse lumière, associée au bonheur, à la joie de vivre. Quant à son côté plus sombre, plus obscur, Hayley insistait dessus avec le crayon à papier, jouant avec les nuances et des dégradés de gris plus ou moins foncés pour respecter les couleurs plus ténébreuses qu’elle lui associait. Tout au long de la création de son œuvre, elle ne pouvait s’empêcher de fredonner ou de chantonner, encore plus lorsque c’était la chanson de Maroon 5 qui passait. Qu’est-ce qu’elle aimait ce groupe ! Il venait de ses terres natales, en plus. Elle les avait déjà vus en concert – le lendemain, elle n’avait plus de voix, tellement elle avait chanté et crié, telle une parfaite groupie.

« Hey Caesar, je peux te piquer des crayons de couleur ? »
Sa question était soudaine, mais elle voulait vraiment passer à l’ajout de couleurs pour terminer sa part de lumière. Trop concentré dans sa propre œuvre, Caesar ne lui répondit pas. Il était encore en train de griffonner sur son papier… et c’est à ce moment-là qu’Hayley se rendit compte qu’il s’était débarrassé de son haut, se révélant torse nu. Elle arqua les sourcils de surprise, avant de glousser légèrement. Ah, carrément ! Secouant la tête de manière amusée, elle décida de ne pas le déranger et se permit de fouiller les tiroirs du bureau duquel il avait sorti les crayons à papier… jusqu’à mettre la main sur l’objet de son désir actuel : un paquet de crayons de couleur. Et c’était reparti. Elle posa les touches finales à son dessin, jeta un dernier œil à Caesar qui était encore en train de laisser la mine de son crayon glisser sur sa toile au gré de ses idées. Le thème l’avait inspiré ! Hayley sourit et prit place sur le canapé, beaucoup plus confortable que la chaise sur laquelle elle trônait depuis le début de leur séance artistique. Elle dansa, chanta pour passer le temps, n’hésitant pas à observer sa création pour revenir sur des imperfections possibles, oubliées dans le feu de l’action. Puis, finalement, Caesar annonça la fin de son barbouillage. La blondinette se redressa et se pencha vers lui pour pouvoir regarder son œuvre. Ce qu’elle vit lui coupa le souffle pendant une fraction de seconde.
« Woah, fut ce qui échappa ses lèvres après un léger sifflement. Caesar était beaucoup plus qu’un faussaire : c’était un réel artiste. Comme c’est beau… tous ces détails ! Bon, les démons font un peu peur, rit-elle avant de redevenir sérieuse, mais j’adore cette représentation du thème. Basculer de la lumière vers les ténèbres. Ou plutôt… être poussé dans les ténèbres. »
Parce que l’ange lui rappelait un ange déchu. Un ange exilé, banni, qu’on ne voulait plus avec nous. Qu’on jetait. Un ange dont on se débarrassait. Parce qu’il perdait des plumes, l’ange. Il tombait, et il ne pouvait rien faire pour se redresser et reprendre son envol vers un monde meilleur. Pendant un court instant, Hayley se demanda si cette œuvre était un écho à sa propre vie, à son passé – comme l’était la sienne. Mais elle ne le questionna pas, préférant regarder le dégradé de la lumière passant à l’obscurité.
« J’adore les détails des ailes de l’ange et d’un des démons. C’est trop beau ! Puis elle grimaça et tira la langue, bon, ne t’attends pas à ça pour mon dessin par contre. Quand toi, tu fais plus artiste professionnel, je fais plus élève d’élémentaire en plein apprentissage. »
Elle rit et, en jetant un œil à sa toile, aperçut le sachet d’ecstasy, toujours présent et patient. Elle se souvint qu’elle avait prévu de tester. Alors, elle glissa sa toile sur ses genoux pour que Caesar puisse la voir. Sa part d’ombre entrait en conflit avec sa part de lumière. L’ombre, envahie par tous ses démons intérieurs qui prenaient de plus en plus de place, qui pourrissaient tout ce qu’il y avait autour d’eux. Qui essayaient de se débarrasser des barrières pointues et dangereuses mais relativement fragiles, hissées à cet endroit précis pour protéger le côté plus lumineux. Ce beau côté, où la vie se développait encore et toujours, où la joie de vivre était de mise, où la chaleur, la douceur et l’affection régnaient. Et ce papillon qui n’avait qu’une seule hâte : voler de ses propres ailes.
Hayley sortit un bonbon du sachet. Elle avait vu Caesar faire, l’avait vu prendre un cachet sans rien d’autre. Mais, dans le doute et au risque de passer pour une inexpérimentée (même si c’était définitivement ce qu’elle était), elle demanda :
« Et comment ça se prend, exactement… ? Je le croque, je l’avale, je le laisse fondre ? »