relationshit ▬ jasper

Les histoires d'amour, leur côté compliqué, et le fait que nous sommes tous de pauvres idiots à vouloir que cela dure toujours... On fonce dans le mur. On y croit, on se dit qu'on sera plus fort, à l'usure. Du monde on essaie de refaire la mesure. Lui à se mettre volontairement dans un bourbier et moi à donner à Joshua le pouvoir de me briser. Il craque un rire, juste avant de me dire ; « Non non c’est ça ! .. J’crois. T’es à deux doigts de me mettre le doute. » Alors que je viens de lui résumer grossièrement son histoire, sa façon à lui de se foutre dans de beaux draps, dans le noir. Et je tente un sourire, plutôt que d'accompagner ses mots de soupir... Le souci, c'est que mon histoire n'est pas mieux, que je suis autant peu douée que lui lorsqu'il est question d'être à deux. « C’est pas mal. C’est au niveau en tout cas. » Peut-être, je ne sais pas, mais c'est douloureux, plus souvent que ça pourrait rendre mon cœur heureux. Et ce petit geste, de cette épaule qui taquine la mienne, ça me prouve tout ce que je déteste. Je suis devenue une femme amoureusement minable, et ça n'a foutrement rien d'agréable.

« Mais j’suis sorti trois fois avec la même fille, qui fini toujours par m’prendre pour un con. Alors y a encore un peu de boulot. » Il reprend, peut-être histoire d'atténuer. Et moi je ne peux pas m'empêcher de répliquer. « Trois fois ? Et t'as pas voulu de moi ! » ça ne se dit certainement pas. Surtout quand on ne connaît pas la personne, enfin pas plus que ça. Un rencard loupé, ça ne fait pas une amitié. « Te laisses pas enfermer dans la même boucle que moi, à croire que les choses vont changer. » Et là... J'en déglutis, en fronçant les sourcils, pensive. Car je le sais, que Joshua ne changera pas. L'armée passera toujours avant moi.  

Alors, je fais semblant de lui proposer de boire, mais je sais que je pourrai pertinemment le faire afin d'oublier, ne serait-ce qu'une minute, mon étrange histoire. « On pourra dire qu’on boit des fruits, si on prend un cocktail. » Un sourire seulement pour souligner sa phrase. Au moins avec l'alcool on pourrait faire table rase.
Quelques secondes, et nous voilà assis côte à côte, duo qui, un tantinet, dénote. « J’préfèrerais que tu ne choisisses rien de chaud, si ça doit finir sur mes cuisses. » Petite taquinerie en rapport avec notre seul et unique rendez-vous, malchance bien trop traînante, rencontre différente. Il détaille les propositions annotées sur le carton, avant de reporter sur mon son attention. « Pour ta spécialité, tu dois te décider pour quand ? » Quelques jours, tout au plus, je devrais même l'avoir déjà fait, mais j'ai demandé un délai... Ridicule à souhait. « T’hésites entre quoi et quoi ? » Léger sourire, suspense complètement inutile. Pour lui ça doit être si futile... À des années-lumière de son quotidien, bien que j'apprécie qu'il fasse semblant de s'y intéresser. Même mon petit ami n'a pas le temps d'en parler...

« Entre un smoothie et un café... glacé. » Humour démodé, bien consciente que c'est sur ma carrière que la question était posée. « La neuro ; » car j'aimerai être capable de réparer le cerveau et tout ses possibles maux. Pour ma mère dont l'état se dégrade dans le Kentucky, pour sa peine et pour sa folie... « Et la chirurgie générale. » parce que je vise le plus haut, que je souhaite devenir chef de la chirurgie tout court, un jour. Et que je sais que c'est la voix à emprunter pour y accéder. « Je passe mon temps à hésiter. J'ai l'impression de jouer ma vie sur tous les sujets. » que je balance en haussant les épaules, levant les mains en l'air, car je suis épuisée par celle que je suis et qui me désespère. Parce qu'on ne parle pas seulement de travail. On parle de tout, en général, de tout qui fait que si souvent je déraille.
Mais lorsque la serveuse finie par arriver pour nous demander ce qu'il nous faut, je n'hésite pas à lui demander ; « Un frappé et un muffin à la myrtille. » Avant de passer la main à mon compagnon en un regard, j'attends qu'il demande ce que lui pourrait vouloir...

Le problème dans tout ça ? C'est que je viens de commander, un muffin préparé à la poudre d'amande, que j'y suis allergique, et que, de ce fait, dans quelques minutes, cet aparté va devenir chaotique.
  

Spoiler:

 

J'enclenche la catastrophe

Face au désastre, face à ce tas d’histoires échouées, bancales, l’Ellington se marre. C’est sa défense à lui. Il n’a pas d’autres choix que de s’armer d’un air narquois quand on l’attaque ; quand le cœur se révolte sous la peau. Pour combattre la douleur de cet organe qui se tord, l’homme est railleur. Se reconnait comme ridicule, à courir perpétuellement après la même femme. Celle au battant portionnable, divisible. Mais, désormais, le menton levé et la mâchoire serrée, il s’est décidé à braquer et partir dans une direction opposée. Celle déjà empruntée par le rival. Celle de la tornade Alaska. Sublime et brulante, bruyante et obstinée. Il faudra éviter les obstacles, et s’entêter à ne pas détourner trop longtemps le regard. A ne pas retomber dans les écueils passés. Moi qui ai pourtant plutôt l’habitude de foncer dans ces murs présentés comme dangereux et douloureux. Qu’importe. Alors, je te taquine et bouscule ton épaule. Puisque nous sommes deux êtres ridicules, à déballer nos déboires. Ris avec moi. Regarde comme nous sommes risibles. « Trois fois ? Et t'as pas voulu de moi ! » La réplique provoque une légère surprise, qui se trahie par un sourcil qui se hausse. « Mauvais timing. » T’es du genre à parler trop vite, non ? J’le vois, à cette bouche qui voudrait rattraper les mots qui se sont envolés. « Et, mauvaise robe. » L’ironie à la bouche, qui atténue bien vite : « J’plaisante, elle était magnifique. » C’est le timing qui a foiré, les routes qui se confrontées plutôt que de s’embrasser. Autre mois, autre année, un résultat surement bien différent. Je n’étais pas prêt à penser à quelqu’un d’autre, à désirer une autre peau. Et, tu paraissais bien trop précieuse pour que je n’en effleure que la surface. Rien, si tout n’est pas possible. Alors, puisque notre dernière seule et dernière entrevue n’était qu’un désastre, je devrais surement m’enrober de méfiance. Ne pas distiller trop de conseils qui peuvent raisonner douloureusement chez l’autre. Mais, maladroit, c’est ce que les mots font. Ignorant tout des tumultes qui secouent ton couple. Et, désormais installés dans ce café, je mets les pieds dans ce plat compliqué qu’est ton futur. L’ambition dégouline de tes syllabes, j’le vois, que c’est ça qu’eux, aussi, ont vu, quand ils nous imaginés ensemble. Des monstres, les yeux rivés vers la plus haute marche. La médecin est un domaine inconnu, mais fantasmé par l’homme. Pas pour les tenues, mais pour cette possibilité de détenir entre ses doigts, la vie d’autrui. « Entre un smoothie et un café... glacé. » Un rictus amusé, et la tête qui se balance de gauche à droite, avec une certaine complicité. « Mes jambes te remercient. » Et le reste aussi. L’idéal serait de préserver tout l’ensemble de ta maladresse. « La neuro et la chirurgie générale. Je passe mon temps à hésiter. J'ai l'impression de jouer ma vie sur tous les sujets. » Y a un rire qui passe. Parce que ça raisonne dans mon quotidien, dans mon esprit qui oscille constamment, hésite, trépigne. N’avance que par des bonds, trop courts ou trop longs. « Qu’est-ce qui te fait vibrer ? » Les prunelles vrillent. « Je sais, c’est bateau. Mais c’est la vraie question à se poser, si c’est quelque-chose que tu dois faire toute ta vie. » Nouveau rictus. « Sans pression, évidemment. » La carte manipulée par les doigts qui hésitent, eux, entre chaud et froid. « Au pire, tu te trompes, et tu reviens en arrière. » Crois-moi, j’suis un spécialiste des retours en arrière. Et, des chocolats chaud viennois, accompagnés d’une part de cake au citron. Commandé rapidement après elle. Servis tout aussi rapidement devant nous. « Allez, choisis. » Là, comme ça, avec le presque inconnu que je suis. « On trinque, et tu balances ce que tu veux faire. » C’est parfois plus facile de faire des choix compliqués, sur une impulsion. L’esprit s’embourbe trop régulièrement, quand il ne suffit que d’une rencontre entre un frappé et un chocolat.

Spoiler:

 

HJ : ils ont faillis survivre à leur rencontre  

Je ne garde aucune rancœur à l’égard de Jasper. Bien loin de là, même, parce qu’il était simplement écrit, que tous les deux, nous n’étions pas faits pour être unis. Seulement, je ne peux me retenir de le taquiner, de souligner, qu’il n’a pas été des plus persistant avec moi. Ça fait mal à mon égo, quelque part, tout au fond, je le crois. Encore heureux que de complexes trop persistants, je ne souffre pas. Lorsque son épaule heurte avec amicalité la mienne, je ne peux pas m’empêcher de sourire, encore plus quand j’entends ses dires. « Mauvais timing. » sans rire. « Et, mauvaise robe. » Arrête, on le sait tous les deux que j’étais parfaite. « J’plaisante, elle était magnifique. » Et j’en viens à fouiller, dans les méandres des souvenirs de cette soirée. Ce rencard qui détient à présent un goût de démodé. Je m’interroge sur la couleur que je pouvais porter. Comme si ça aurait réellement pu changer quoi que ce soit, comme si le rouge ou le noir aurait donné à notre duo d’autres possibilités, une autre finalité.

Dans cette réalité parallèle, il n’y aurait pas, la fille dont l’ex est je ne sais plus qui. Il n’y aurait pas Joshua aussi. Et si l’on aurait pu être heureux, c’est bien plus probable qu’une fois tous les deux, on aurait été, finalement, des plus malheureux. Mais qu’importe les délires qui peuvent se créer dans mon esprit tortueux, car nous voilà à l’intérieur, et que nous n’en sommes pas moins rieur. Malgré tout, la journée semble avoir la teinte de la bonne humeur.

Encore plus lorsque je lui confie entre quoi balance mon cœur. « Mes jambes te remercient. » Avec plaisir, c’est pour moi. « Qu’est-ce qui te fait vibrer ? » La question me surprend, si bien que je pourrais lui répondre que c’est tout qui le fait. Du moment que j’ai un scalpel entre les doigts, bien que ça fait un brin folle à lier de le dire comme ça. Film d’horreur éveillé que de ne vivre que pour éventrer. Sauver à la force de blessures, aimer les doucereuses tortures. « Je sais, c’est bateau. Mais c’est la vraie question à se poser, si c’est quelque-chose que tu dois faire toute ta vie. » La vérité, c’est que même bateau, je crois bien qu’ils ne sont pas si illisibles que cela, mes idéaux. « Sans pression, évidemment. » Oui, enfin, c’est plus simple à dire qu’à faire. « Au pire, tu te trompes, et tu reviens en arrière. » En médecine ce n’est pas comme si on avait tout le temps nécessaire. C’est déjà un travail sur plusieurs années que de se forger un avenir afin d’être reconnu et respecté. « Allez, choisis. » Pardon, maintenant, ici ? « On trinque, et tu balances ce que tu veux faire. » A croire qu’il rend les choses plus simples, aujourd’hui, Jasper.

Pourtant, j’avais cette sensation que lorsque nous étions ensemble, le monde allait s’ouvrir sous nos pieds, comme une éternelle ritournelle, quelque chose d’incontrôlé. Mes prunelles accrochées aux siennes, je me persuade qu’un truc de bon peut ressortir de cette entrevue. Mes phalanges se referment sur mon café glacé, alors que je le force à heurter sa propre boisson, le visage incliné. Un soupir, long, irréfléchis, je crois que ce sera toujours un « n’importe quoi » entre moi et lui. Est-ce qu’il pense que la vie peut être aussi simple que ça ? Qu’elle peut se décider autour d’un café avec un homme que l’on ne connaît qu’à peu près. J’aimerai lui dire, que je me permettrais bien d’en douter, et pourtant, je m’entends murmurer, comme secret ; « La générale. » Voilà ce que je veux. Je veux toucher à tout, et surtout me penser en train de danser avec les dieux. La gorgée de ma boisson avalée, je ne peux m’empêcher de frissonner, et me voilà en train de mordre dans le muffin précédemment commandé. « Je veux tout. » Et plus encore, je veux que mon métier me dévore.

La saveur de la pâtisserie me semble différente de celle que j’avale habituellement, mais je ne relève pas, je me contente de mâcher, sans calculer cela. « Au moins, cette fois, on pourra noter quelque chose de positif sur notre rendez-vous. » qu’il m’a permis de déterminer mon avenir qui sera, je le sais, totalement fou. « Incroyable, pas vrai ? » Et je croque encore, dans le poison que je ne sais pas nocif pour moi. Avale, avec difficulté cette fois. Fronce mon expression à cette légère impression. Celle qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Mes paumes relâchent tout ce qu’elles pouvaient tenir, muffin et verre, souffle un « Jasper… » ça y est, je suis en train de crever, c’est clair.

  

Spoiler:

 

Tu peux dire que le visage de Tay est en train de gonfler

Change de robe, modifie la chemise que je portais. Mélangeons les couleurs, le resto, et voyons ce que ça donne. A une autre période, une autre saison. Une moins glacée, moins perturbée. Transposons-nous dans un moment plus propice pour le rapprochement de nos esprits. De nos corps, qui ne se coordonnent pas. Il n’est souvent question que de moment. De quelques minutes, secondes, qui font la différence. Ca, et le passif. Peut-être aurais-je dû décaler le rendez-vous de plusieurs semaines. Gagner du temps et nous en donner par la même occasion. Nous fournir une chance. J’avais écris la fin de la soirée avant même d’avoir vu ton sourire. Si je l’avais vu avant, peut-être aurais-je modifié le début. La chemise blanche plutôt que la bleue nuit. Les yeux rieurs plutôt que ceux taciturnes. Le disponible, plutôt que celui au cœur qui dégueule, et qui susurre en boucle un prénom qui se barre de sa vie. Nos corps nous ont préservé, en se bousculant. Nos paroles nous ont aidé, en étant maladroites. Voués à l’échec, les battants englués dans nos errances respectives. Je ne me conseille à personne. Tu devrais le dire à Laska, que parier sur moi n’était pas la bonne solution. Que toi, tu vois ce qui ne va pas. Mes gestes trop grands, ma bouche qui filtre mal les répliques. Qui te presse à faire le choix d’une vie, comme on parierait son avenir sur un lancer de dés. Dit-lui, j’suis trop lent puis trop rapide, que je sais pas choisir le bon rythme. Dit-lui, que j’suis moins beau quand je grimace et que j’oublie de sourire. Quand j’te pousse dans tes retranchements, armé d’une tasse qui percute la tienne. C’est simple. Puisque si tu hésites, c’est que l’esprit s’amuse à te trouver tout un tas d’argument qui pollue un désir simple. Laisse-moi dégager tout ça. Faire le tri, et observer l’essentiel. Au centre. Ce qui t’as fais grandir, désirer la médecine, ce qui te bouffe le ventre et le quotidien. Si je suis un indécis quand il s’agit des affaires de cœur, ce dernier est pourtant on ne peut plus déterminé quand il s’agit d’affaires, d’ambition. C’est ce qu’ils ont vu, n’est-ce pas ? En dehors du fait qu’on serait sublime en photos, cette ambition et ce truc tortueux qui rongent l’être. Ces monstres, cachés sous de jolies enveloppes. Ils se parlent en sous-titre, et se susurrent des trucs de monstres. Des trucs qui ne se disent qu’à l’abris des regards. « La générale. » Un sourire s’encoche sur les lèvres masculines. Tu vois, finalement, ce n’était pas si compliqué. « Je veux tout. » Je les comprends, tu sais. Les entremetteurs. Je les comprends. Quand tu dis ce genre de trucs, je les comprends. « C’est ce qu’on pourrait mettre sur ma pierre tombale. » Relevé avec un rictus amusé. Il voulait tout, sans concession. Et, il a toujours évité le bonheur, à tout vouloir. « Alors, ça sera la générale. » Pourquoi se satisfaire d’une spécialité, quand on pouvait agrandir son savoir sur le corps en général ? Le sang m’effraie, alors je te laisserais cet art. Mais.. « Je me demande ce que ça fait, que de tenir la vie de quelqu’un entre ses doigts. » J’en ai les phalanges qui palpitent, à cette sensation. « Le pouvoir poussé à son apogée. » Tu la vois, cette lueur dans les prunelles ? Cette lueur d’un pouvoir qui grise, qui surpasse tout. La richesse et l’amour. Qui fout tout parterre, et qui écrase le sternum. Les paupières se rabattent sur la lueur de folie. « Et, sauver les gens évidemment. » Être une de ces divinités qui annonce la survie d’un autre aimé à des éplorés. Peut-être est-ce pour ça que mon temps libre se consacre à la police, désormais. Mettre une arme entre ces doigts, et se sentir utile, essentiel. Pas autant que tu le serais dans une salle d’hôpital. Pas autant que tu le serais, dans cette situation qui se présente à nous. « Au moins, cette fois, on pourra noter quelque chose de positif sur notre rendez-vous. Incroyable, pas vrai ? » Que tu as eu le temps de glisser. « Avoir fait ma connaissance c’était déjà un truc positif, j’te permets pas ! » Que j’ai le temps de répondre, un rire accroché à la bouche. Qui continue, quand tes yeux s’arrondissent, tes gestes s’arrêtent, et : « Jasper… » Le rire est sonore. « Non ! » Je sais ce que t’es entrain de faire, et j’te demande d’arrêter immédiatement. « Arrête, il est super bon je suis sûr. » Un morceau de muffin qui rejoint la bouche Ellington. « C’est bien ce que je disais. Super bon. » Mache doucement, quand le rire se fane, aussi progressivement que ton visage enfle, et que tu ne cesses pas ton manège. « Taylor.. » Mon index, rivé sur tes traits. L’inquiétude qui s’amuse à s’incruster dans le scénario. « … ton visage. » Avale d’un coup. « Ton visage, ton visage est entrain de gonfler ! » Le type est debout. Le type est mauvais, il ne sait pas quoi faire. « Recrache ! » Ouais, c’est tout ce qu’il a sous la main. « Il faut faire quoi ?! » Le palpitant qui panique, et tout le reste du corps avec. C’est toi la médecin. « Il faut que t’aille à l’hôpital. » J’te balance le manteau au-dessus des épaules, et j’ai déjà les doigts autour du poignet. L’aura d’angoisse qui touche les tables autour, les regards qui se posent sur toi. J’ai juste peur que tu ne parviennes plus à respirer, et de perdre trop de temps à rester les bras ballants. J’ai même pas mon brevet de secourisme. J’suis inutile. Ridiculement inutile.

Je veux tout. et plus encore. Je fais partie de ces femmes-là, de celles qui sont fragiles, mais qui sont surtout fortes à la fois. Je crois que la vie peut tout m’offrir, qu’il suffit de provoquer sa chance, d’être celle qui mène la danse. « C’est ce qu’on pourrait mettre sur ma pierre tombale. » Et là, tu vois, je reconnais ce pourquoi on aurait pu se mettre ensemble toi et moi. Cette sensation d’être semblables et différents à la fois. « Alors, ça sera la générale. » Oui, c’est ce que j’ai choisi, au détour d’un café, avec un presque inconnu, je viens de faire le choix d’une vie. C’est drôle mais c’est comme si… j’étais plus légère. Comme s’il n’y avait plus d’ombre sur le tableau de ma carrière. Les doutes s’effacent, la vie s’éclaire.

« Je me demande ce que ça fait, que de tenir la vie de quelqu’un entre ses doigts. » La question ne me surprend pas, car il est vrai que c’est fascinant d’avoir cette puissance-là. « Le pouvoir poussé à son apogée. » C’est ce que je crois aussi, bien que je n’aie pas forcément de réel droit d’ôter la vie, je me contenter de la secourir, de tenter de l’étirer. « Et, sauver les gens évidemment. » Et j’en souris en le regardant plus intensément. « Oui, ça fait parti des termes du contrat. » celui que l’on signe quand on commence les longues années d’études en médecine.

J’essaie donc de conclure sur le sujet de mon travail, lui disant qu’une bonne chose ressort de tout ça, et qu’à la finalité, dans notre aparté il n’y a rien qui déraille. « Avoir fait ma connaissance c’était déjà un truc positif, j’te permets pas ! » J’accompagne ses dires, d’un léger sourire. Et me concentre sur la pâtisserie, sans m’apercevoir qu’en le faisant, c’est à mon tour de jouer avec ma vie. « Non ! » Si. Car c’est un péché, la gourmandise, et que c’est mignon. « Arrête, il est super bon je suis sûr. » En même temps que le goût du muffin, je savoure celui de ton rire, et de ton aisance à venir prendre un bout de mon gâteau. « C’est bien ce que je disais. Super bon. » C’est vrai, mais il va me flinguer, alors faute d’être bon, il faut avouer que c’est… super con.

« Taylor.. » Et comme je le vois dans ton regard, je le ressens dans mes terminaisons nerveuses, l’allergie improbable s’en devient de plus en plus furieuse. « … ton visage. » Et mes mains vont se poser sur ma peau, tandis que j’essaie d’avaler, comme une droguée, le dernier morceau. « Ton visage, ton visage est entrain de gonfler ! » C’est donc ça, la sensation. Ce n’était pas qu’une impression. « Recrache ! » Pardon ? Et le voilà debout au bord du gouffre de ses émotions. « Il faut faire quoi ?! » Me faire une piqûre. Une perfusion. M’envoyer la bonne dose pour que je puisse reprendre ma respiration. « Il faut que t’aille à l’hôpital. » Ce serait, c’est vrai, l’idéal. Alors à son image, je m’apprête à me redresser, de toutes les façons, à sa manière de tenir ma main ce n’est pas comme si j’avais d’autres options. Puis… je lui donne raison, il nous faut aller à l’hôpital, avant que ça ne tourne vraiment mal.

De ce fait, avant de me lever pour de bon, comme une gosse qu’on a coincé en train de faire une connerie, j’attrape une serviette de ma main libre pour la porte à ma bouche et … recracher. A dire vrai, je ne crois pas que j’aurai été en capacités de l’engloutir cette bouchée. Et tandis que ma gorge continue toujours à gonfler, que mes cordes vocales sont de plus en plus bloquées, quand on sort du café, je réalise un point, qui ne m’avait pas paru important, avant. Le fait que je n’ai plus de moyen de locomotion, étant donné que j’ai récemment eu un accident. Il faudrait que je pense à prier plus souvent, un jour, je vais vraiment finir sur une table d’opération en tant que patient. Et je serais alors, bien loin, du schéma du chirurgien tout puissant. « Chai pas d’voiture. » Ok, ma langue ne veut plus bouger comme il le faudrait. J’en mords ma lèvre inférieure, affolée, tellement fort que je pourrai presque me mettre à pleurer. Mélodramatique à souhait. Un muffin va m’achever.