Son café noisette entre les doigts, elle y trempe les lèvres distraitement, avant de reposer son menton au creux de sa paume et de déverrouiller une millième fois son portable. Allait-il seulement venir ? Il était impossible qu'il ait senti le piège dans son message, le ton étant resté le même, cet innocent empressement de le revoir intact. Ne l'était-elle pas finalement ? Contente de le revoir ? Elle chasse cette pensée de son esprit Hanne, se faisant une raison que l'homme qu'elle a rencontré il y a plusieurs semaine est mort pour elle. Et elle se maudit, la poupée, de s'être laissée avoir, ne serait-ce qu'un peu, par ses belles paroles. Elle se déteste pour ça, pour la facilité avec laquelle elle tombe dans leur filet, avec laquelle elle fait confiance à leurs sourires, là où sa conscience lui inspire méfiance et réserve. Peut-être qu'elle avait voulu croire à cette rencontre insoupçonnée, à un destin qu'elle avait toujours tant négligé. Qu'il ne pouvait pas avoir été mis sur sa route autant de fois pour rien. La déception est pourtant grande alors qu'elle revoit les policiers sur le pas de sa porte, et plus tard la dureté du regard d'Eos au coin de la rue, les mots échangés, et le prénom qui s'échappe. Stan. Appellation à laquelle il répond avec trop de familiarité pour n'être qu'un pseudo. Associé à sa visite des autorités, l'incertitude n'en est presque plus une dans l'esprit de la jolie blonde qui préfère voir le masque tomber que laisser le bénéfice du doute au jeune homme. Comme il était toujours plus facile de se rattacher au pire, douloureux retour d'un boomerang émotionnel qui ne la caractérise que trop bien. Ses défenses sont levées, mais sa raison est en alerte - paniquée - et lui insuffle de fuir, de ne pas le recontacter, de ne pas chercher à la revoir, de ne plus croiser son chemin. Ce serait le choix le plus sage et pourtant, elle ne peut s'y résoudre, Hanne, et son besoin de vérité prend le dessus. Elle ment à la police pour lui. Pour elle. Pour comprendre ce qu'elle ferait mieux de continuer d'ignorer. A la recherche authenticité, d'une raison qui tuerait dans l'oeuf le maigre espoir que ce soit une erreur. Autant qu'elle aimerait avoir tord, elle sait ce qu'elle a vu, loin d'être la blonde naïve et stupide pour laquelle il l'a prise. Bientôt la cloche de la porte d'entrée laisse entendre son clair murmure alors que la silhouette qu'elle attendait pénètre dans le café. Café qui a été témoin de leur première rencontre, erreur de jugement qui prend soudainement tout son sens pour Hanne alors qu'elle recolle les morceaux d'un puzzle aux pièces trop déformées pour elle. Il est tellement difficile de croire à ce qui se dessine sous son regard océan. Tout concorde vers le plus beau mensonge qu'elle n'est jamais vécu. Elle lui montre pourtant son plus joli sourire, moitié faux, moitié vrai alors qu'il s'assoit en face d'elle, même table que la première fois. « Salut Eos. » Dans ces deux mots, elle place les dernières tonalités d'une douce croyance ensevelie, se permet d'y croire encore un peu, avant de revenir heurter la réalité de manière foudroyante. « Ou tu préfères que je t'appelles Stan ? » Elle hausse les sourcils, fausse innocence sur son visage de porcelaine alors qu'elle porte sa tasse à ses lèvres, sans le quitter des yeux.

@Stanislas Windham