Je n’ai pas moi-même le mot sur la nuit d’hier soir. Ça ne devait être qu’un appel après la triste nouvelle du décès de ma grand-mère, un appel au secours que seul lui pouvait entendre, que seul lui pouvait atténuer. Ça ne devait être que nos voix qui s’entraident, nos voix qui s’enlacent. Mais si les étoiles me murmuraient que l’honorable femme décédée il y a quelques jours, allait être toujours présente à mes côtés, mon cœur m’a crié que la seule personne que je désirais à ce moment précis était lui et rien que lui. Le rayon de soleil, qui avait alors perdu son éclat naturel, était devenu plus vif, plus beau encore lorsque son cœur lui criait que ce qu’il désirait était la présence du seul homme capable de me faire tituber.
Je n’ai pas un seul mot pour décrire celui qui m’a donné l’espoir de sourire de nouveau, celui qui a glissé, une nouvelle fois, ses doigts dans mes cheveux, celui qui m’a offert ce regard si affectueux. Mon cœur crie encore, mais la tristesse aujourd’hui s’est atténuée. Elle se calme, se repose, se réconforte auprès des sentiments que j’échappe de mes lèvres lorsque je lui parle. Maladresse maladive ? Je l’ignore.
« Ton sweat est trop grand. » : ces mots résonnent encore dans ma tête alors que je brosse ma longue chevelure brune et que ma meilleure amie m’offre un dernier baiser et un clin d’œil en me souhaitant une très bonne journée avec mon Flynn Yeon Rider. Nouveau sourire, est-ce qu’il a réellement été jaloux ? J’observe le sweat accroché à la penderie : et tous ces signaux que je lui envoie, les reçoit-il bien ?

Ce matin, je me réveille avec cette nouvelle sensation que mon cœur pourrait exploser à tout moment dans ma poitrine. Symptômes ? Impression de ne plus savoir respirer correctement, rêves interdits, envie irrésistible de ses lèvres, envie irrésistible de lui appartenir, jour et nuit… Je pose ma main sur mon front, une plainte boudeuse sur les lèvres. Qu’est-ce que je ressens là ? Qui est-il pour avoir un tel pouvoir sur moi ? Nous n’étions que des enfants, nous étions si proches dans le passé, mais aujourd’hui tout est différent. Deux jeunes adultes qui se rencontrent, et une jeune femme qui ne peut s’empêcher de fondre comme une guimauve sur le feu.
J’y pense, et j’y repense, en enfilant en premier lieu mon jean à trou qui est légèrement ample, mais qui épouse bien ma taille. Un tee-shirt un peu ample rentré dans le pantalon, une vieillerie trouvée dans ma penderie. Juste de quoi me préparer à une éventualité d’atelier de peinture. Je n’attache pas mes cheveux et observe mon reflet dans le miroir avant de me dépêcher, je suis en retard et il faut faire tourner le moteur de ma petite voiture.

Un regard dans le rétroviseur et j’observe un petit paquet : des muffins myrtilles et chocolats avec deux chocolats chauds préparés par mes soins. De quoi raviver nos délices d’enfance, et pourquoi pas en créer de nouveaux comme ses… Je secoue la tête et me gronde : conduit, vide-toi la tête et ne pense à rien d’autre qu’à conduire.
Bien, je monte les marches en chantonnant, heureuse de pouvoir passer cette journée avec lui. Ma grand-mère m’observer, et je suis certaine qu’elle me dirait que ce pantalon montre un peu mes fesses, mais à quoi bon cacher ses atouts quand un homme nous plaît ? Toutes ces histoires qu’elle me racontait sur la manière dont elle avait charmé mon grand-père, autour d’un bon thé, m’amuse aujourd’hui. On dirait bien que je tiens cette manière de charmer d’elle, charmer pour obtenir ce que je désire ? Je l’ignore.

Je sonne, il ouvre. Rapide, sans chichi. Je me mets sur la pointe des pieds et lui offre un faible baiser la joue avant de lever ce petit sac en papier contenant les mets les plus délicieux, un rayonnant sourire aux lèvres.

- Timide ? Jamais chaton, et j’ai ramené de quoi prendre des forces avant d’attaquer la décoration de ton appartement !

Rayonnante même dans la tristesse, une prouesse qui n’égale aucune autre. Je pose le petit sac sur la table basse et observe l’appartement en posant mes mains sur ma taille. Il me rappelle drôlement mon appartement : il manque ce soupçon de vie que je recherche tant. Je glisse mes cheveux sur mon épaule en mordant lentement ma lèvre inférieure, mes iris posées dans celles de mon amie. Premier mordillement de lèvres, premier regard.
En lui tendant un chocolat chaud, je m’approche de lui, presque dangereux pour mon pauvre cœur qui finira certainement par cesser de vivre.

- Merci pour hier soir, tu as été merveilleux et j’ai réussi à dormir, même si ma nuit a été agitée dans tu es parti…

Cauchemar ? Non, simplement le manque de sa chaleur près de moi. Je lui tourne le dos et me penche pour ramasser un oreiller que j’ai dû faire tomber en déposant le sac en papier. Je remonte, me redresse, lentement, en glissant ma main dans mes cheveux.
Toujours de dos à lui, j’observe les murs vident de vie, ceux qui méritent un peu de couleur, ceux qui méritent d’être couronnés de souvenirs.

- On commence par quoi ?

Quand bien-même je désire étouffer le chagrin d’avoir perdu un être cher à mon cœur il y a quelques jours, mon sourire ne peut être que sincère envers cet homme. Il réveille en moi une tendresse enfouie depuis quelques années, une affection toute particulière ; un amour unique. Son réconfort de la veille a été bénéfique, a pansé mes plaies malgré ce poignard qui s’enfonce petit à petit dans ma poitrine. Un nœud se forme dans ma gorge lorsque j’y pense, mon estomac se tord douloureusement lorsque l’écho du rire de ma grand-mère se perd dans ma mémoire, mais mon phare dans la nuit me tend la main, me berce, me protège.
Son clin d’œil me fait chavirer, comme s’il s’affairait à retirer petit à petit cette lame de tristesse qui me ronge depuis le décès de ma deuxième mère. Il est le roi Arthur qui conquiert mon cœur, le véritable roi de mes pensées. Mes lèvres s’étendent en un sourire qui craque pour ce petit geste, un sourire qui en devient lui-même absolument craquant. Je hausse les épaules en accompagnement de cette joie, fière de mes souvenirs.

- Il est difficile d’oublier des choses aussi merveilleuses, nae byeol.

Un frisson parcoure délicieusement mon échine. Mon regard croise le sien pour s’y déposer, pour être de nouveau envoûtée par ce regard noisette. Mes lèvres s’entrouvrent alors que je ressens de nouveau cette émotion : nos cœurs crient de se retrouver, n’est-ce pas ? Quelle est cette harmonie qui s’établit entre nous ? Une harmonie si naturelle et pourtant si difficile à établir. Nous sommes deux jeunes adultes qui commencent à s’aimer, plus qu’on le devrait, n’est-ce pas ? Yeon-Min, comme je commence à t’aimer plus qu’il ne m’est permis.
Je secoue vivement la tête en posant mon chocolat sur la table. Je pose mes mains sur ses épaules et fait une moue pour lui dire que tout va bien. Son départ a été comme un vide en moi, comme s’il me manquait quelque chose pour me sentir en sécurité, pour me sentir parfaitement… Moi.

- Tu as été parfait, tu n’as fait aucun bruit, c’est juste que… Sans toi, c’est pas pareil, dis-je en tapotant doucement ses épaules.

Je ne dis guère plus que mes propres pensées, de peur d’en dire de trop. Ma main glissée dans mes cheveux, et l’oreiller parfaitement installé sur le canapé, je me tourne légèrement vers mon ami, le regard surpris. Vient-il de m’observer ? De sourire en m’observant ? Mes joues se réchauffent, mon sourire est idiot : alors, mademoiselle Seo, comment peux-tu réagir comme une adolescente devant son amour de jeunesse ?
Je reprends mes esprits, posant mes mains sur mon ventre pour respirer profondément. Mon cœur cesse de battre lorsque quelques de ces photos sont mon œuvre. Mes joues se réchauffent de nouveau, mes dents agrippent ma lèvre inférieure. Mes yeux brillent, mille étoiles s’y déposent. Sa voix résonne dans ma tête, mais mon esprit est ailleurs. Mon regard observe ces photographies, comme bloqué par ce souvenir.

- Mon dieu, Yeon, ce sont mes photos, dis-je dans un murmure, surprise et à la fois touchée, il n’y a que moi qui les développe, d’habitude.

Ma gorge se noue, et j’ignore si ma tristesse pousse mes émotions à bout, mais une larme roule sur ma joue, celle que j’empresse d’effacer alors que mon sourire revient aussitôt. J’ignore si ce sourire me blesse, mais je le sens presque faux, presque exagéré. Je respire de nouveau, profondément, et observe les inscriptions en carton, effleurant « smile » du bout des doigts.

- Peignons en premier, ça peut être vraiment bien, dis-je, distraite par mes propres émotions en glissant le bout de mes doigts sur l’inscription « happy ».

Mon regard n’ose pas croiser celui pour lequel mon cœur flanche et titube, alors que je refuse de montrer de nouveau cette tristesse au brun. Je soupire simplement et attache mes cheveux en une longue tresse, mon regard ne quittant pas ces inscriptions qui veulent dire tant.