Voilà bien longtemps que nous n’avons pas passé un moment entre nous. On habite pourtant au même endroit mais il faut croire que nous sommes douées pour nous croiser toi et moi. Les choses se sont enchaînées et nous n’avons pas réellement eu le temps d’en parler. Je compte bien qu’on profite de ce moment toi et moi. Et donc après avoir dévalisé le traiteur japonais, surtout pour toi faut l’avouer, pris soin de prendre également une bouteille de vin blanc, je débarque finalement au penthouse pour te retrouver déjà affalée sur le canapé en pyjama pilou. « C’est mal de prendre ainsi une longueur d’avance. » que je lance avec un sourire avant de poser les mets sur la table. Je prends soin de t’embrasser tout de même avant de filer vers ma chambre. « Installe tout, j’arrive ! » J’en profite pour me déshabiller en enfiler un pyjama satiné, je n’ai pas vraiment de tenues de nuit simples. Classe jusqu’au bout. Je relâche mes cheveux, peignant quelques instants mes boucles brunes avant d’en faire une natte pour la nuit. Enfin, je finis par me démaquiller de sorte à être plus confortable. Je te retrouve au salon, pensant que tu as déjà bien picoré quelques trucs. Pour ma part je me saisis du verre de vin blanc que tu m’as servi, le faisant tinter contre le tien. « A notre soirée ! » Je souris sincèrement, je suis heureuse qu’on puisse se retrouver, retrouver de doux moments aussi après les tempêtes qu’on a affronté cette année. « Tu vas mettre un de ces films sur netflix ? » J’apprivoise à peine ce truc, je ne suis pas très technologies il faut l’avouer sauf lorsqu’il s’agit de mes études.

Habiter le même endroit, et se croiser entre deux portes, laisser de la bouffe pour l'autre, laisser un mot sur le frigo et s'envoyer un texto pour s'recommander une série netflix. Mettez ça sur le compte des fêtes, des examens, d'une vie extérieure qui s'accélère. Mettez ça sur les horaires peu conventionnelles. Mais, pas ce soir ; ce soir c'est elles, et le téléphone est déjà éteint. La peau déjà recouverte d'un pyjama ultra glam digne d'une Bridget Jones, et les cheveux domptés en un chignon bordélique. La table est bien trop vide devant elle. Alors, tu débarques, et tu viens corriger ça, la joue qui se tends pour accueillir tes lèvres, et les mains qui attrapent vite les sacs de traiteur. « J'meurs de faim, dépêche ! » Le footing de l'après-midi avait creusé son estomac. Puis, on va pas s'mentir, la patience n'est pas spécialement son fort. Les plats sont disposés sur la table, et deux verres sont rapidement remplis, prêt à tinter quand tu reviens. Prête à poser pour la Redoute des riches. Un sourire s'amorce sur ses lèvres. « Tu veux pas être moche, une fois dans ta vie ? » Ou juste faire en sorte que j'ai pas l'impression d'être complètement négligée. Ce qui est clairement le cas, à cet instant. Attrape son verre, qu'elle claque délicatement contre celui de son alliée : « A cette année de drama, de larmes, de départs et de retours. » Les prunelles enrobent la Fidèle. « Et à nous, toujours là. » Bravant les tempêtes, s'attrapant les mains quand on défaille trop. Une gorgée, et demoiselle attrape la télécommande, faisant défiler les films. « Tu veux quoi comme genre ? » Le monde merveilleux de netflix s'ouvre à toi. « En sachant que t'en verras rien, car j'veux absolument tout savoir de ce... retour Deirdard. » Le sourcil s'arque, la malice qui s'invite sur les traits. On oubliera que j'suis pas trop douée pour les noms de ships.

Lex qui ne meurt pas de faim, ce n’est pas Lex. Mes yeux se haussent au ciel mais le sourire qui vient peindre mes lèvres ne trompe pas. Tu as faim pour deux et j’aurais cette force pour nous deux également. Si le monde ne m’a pas doté d’une sœur, il a su faire preuve de clémence en te posant sur ma route. Je me change donc rapidement, te rejoignant par le suite dans le salon. Tu as tout bien disposé et j’en profite pour me provisionner de la ration la plus importante à mes yeux, à savoir un verre de vin. « Quand je serai morte peut-être. » Un sourire plus malin se pose sur mes lèvres, je me refuse à un manque de classe, tout simplement parce que je n’ai pas été élevée de cette manière, quoi que cela m’est parfois arrivé, il ne faut pas croire. Un souvenir fugace d’une nuit au summer camp me remet dans cette basse réalité. Heureusement, j’en ai oublié les trois quart, mais pas suffisamment faut croire…  « A nous, plus fortes que tout. » que je reprends en laissant tinter mon verre contre le tien. Parce que nous sommes ces amazones, au cœur de papier mâché mais à la cuirasse indestructible, il en faudra plus pour nous terrasser, pour qu’on refuse de se battre. Finalement, tous ces drames n’ont fait que de nous renforcer dans notre lien. Mais revenons à des préoccupations plus terre à terre et moins sentimentales, mes yeux parcourent toujours étonnée, cette multitude de films qui défilent sous mes yeux ignares. « Aucune idée, je n’en connais pas un seul. » Je n’ai pas une très bonne culture dans ce domaine, je dois l’avouer. « Quelque chose qui ne nécessite pas d’être trop concentré, un documentaire ? » Je suis classe mais pas très drôle, malheureusement. Je bois une gorgée, souriant lorsque tu me rejoins en disant que je n’en verrai rien, m’étranglant un brin au nom de ce ship improbable. « C’est tellement moche. » Diantre. Affreux. « Et bien… hum.. disons que… » Te mettre dans la confidence, je ne vois pas comment faire autrement mais c’est difficile à dire à voix haute. « On s’explore mais on ne parle pas vraiment. » Voilà, un bon moyen de faire taire les guerres, laisser parler la paix des corps, c’est plus reposant quelque part.

Les années s'écoulent, mais le dressage a fait son œuvre. L'une s’avachit, quand l'autre trône. Regardez son air altier, observez la posture, admirez la prestance qui persiste, qu'importe les vagues. C'est qu'elles ont essayé de la faire vaciller, la princesse de glace. La nouvelle année ne pourra que nous êtres plus favorables. Puis, si elle s'amuse à nous tester à nouveau, nous lui montrerons combien l'alliance des éléments contraires est solide. Invincible. Trinquons à nos malheurs, rions de nos échecs. On s'plaquera les mains sur les yeux, et on y retournera encore. Un sourire s'affiche sur les traits typés. « Tu seras leur cliente favorite, rien à refaire pour être présentable. » J'partirais la première, pour pas avoir à assister à ça. Toi, tu sauras encaisser, tu peux survivre à tout, même à une vie sans moi. Mais, tant que je tiens debout, tant que j'ai tes doigts pour me retenir quand je trébuche, on siégera ensemble, effrontées contre ce monde hostile. On ira danser dans des territoires inconnus, on se faufilera entre ces hommes décevants. On fera comme si on voyait pas qu'ils avaient esquinté l'organe à travers l'armure. Ils peuvent pas rentrer dans notre antre, là, faite de vin de bouffe et d'un monde merveilleux nommé Netflix. Tu connais pas bien ce nom, mais j'te fais défiler les catégories. « Un documentaire ? » Les sourcils se froncent légèrement, et les lèvres cèdent en un sourire amusé. Valide une espèce d'émission sur des débutants qui cuisinent, un truc ne nécessitant aucune attention, et juste quelques coups d’œil pour se moquer d'un gâteau qui se casse la gueule. « Voilà, un documentaire sur des cuisiniers en herbe! » J'peux tout te nommer documentaire, si ça t'arrange. J'peux aussi te donner des noms de ships horribles. Parce que ça me fait marrer. Ca me fait marrer, et après, ça me fait halluciner. A m'interrompre dans une bouchée, à me faire ouvrir les yeux en grand. « Pardon ? » Avale difficilement sa bouchée terminée. « Vous vous.. explorez ? » Okay, y a mon sourire idiot sur les traits, de la fille à qui on vient de larguer un scoop sans préavis. « Explorer, genre.. comme moi je peux l'entendre ? » Comme toi, aussi. Mais pas comme lui. « Genre.. sans vêtement ? » Quoiqu'il est capable de garder sa chemise pour pas attraper froid, et ses gants pour les germes.

T’es ce genre de femme que la nature vient enlacer et qui ne s’en sort qu’encore plus belle. Tu as cette capacité de lâcher, d’oser être toi-même. Moi c’est différent, je suis sculptée, tenue, par chacun de mes remparts de glace. Je suscite souvent l’admiration mais c’est comme toi que je voudrais être finalement, ne pas avoir à craindre le regard du monde, pouvoir m’autoriser à être celle que je veux vraiment être. Regarde-nous toutes deux avachis sur ce canapé, c’est presque comme avant. C’est presque comme si la vie n’avait pas voulu nous briser. Presque comme si on les voyait plus dans nos sombres reflets, le soir venu. « Un documentaire oui ! » que je reprends entêtée avec un mince sourire aux lèvres. Je ne connais pas les occupations frivoles, inutiles, je n’ai pas été éduquée dans cette optique, si ce n’est pas malheureux. « Parfait, je ne me sentirai que plus compétente. » Un sourire satisfait vient emplir mes lèvres à la vue de ces cordons bleus ratés, ce n’est pas un domaine où j’excelle mais je m’y défends. De toute manière, cette émission n’est qu’un prétexte et je te réponds sans doute un peu tendue lorsque mes lèvres viennent s’abreuver du vin, souriant plus que je ne le voudrai à ta réaction. « Genre sans vêtement oui. » Je viens marquer cette déclaration d’un oui de la tête et je peux comprendre qu’elle vienne te sonner, j’en suis moi-même la première surprise, évitant malgré tout une quelconque projection dans l’avenir. Je ne prévois plus rien, je me laisse vivre et même si c’est de la plus étrange des manières. Je veux dire Noah aurait toujours été moins surprenant qu’Abélard. « Au moins, on ne passe plus notre temps à s’entretuer. » Et cette paix éphémère est la bienvenue, quoi qu’on en dise. Mon regard se tourne vers le tien, t’observe, je redoute de savoir ce que tu en penses, parce que t’es notre plus proche amie à tous les deux, tu me connais mieux que personne et… « C’est une mauvaise idée, tu crois ? » J’en sais rien et je n’ai plus vraiment envie d’y penser, juste goûter à cette sensation de paix que je peux ressentir entre ses bras alors que la guerre nous étreint depuis si longtemps.

Tu es la glace qui tiens, je suis celle déjà craquelée, qui épuisée par les semblants, fini par laisser voir que tout ne tourne pas très rond dans ses émotions. J'ai appris à retenir les mots, à ton contact. Une retenue éphémère, risible comparée à la tienne, mais présente. J'apprends de tes attitudes, de cette éducation dont j'ai manqué. Nos passés s'opposent, mais se rejoignent en leurs failles. Quand je serai plus grande, je serai comme toi. Dans la prochaine vie, quand nos chemins se croiseront à nouveau, dans une autre histoire. Mais je garderais toujours celle-ci en exemple, du feu et la glace qui s'avachissent, de la glace qui insuffle une actualité plus brûlante que n'aurait pu le deviner la flammèche. Devenons de ces stéréotypes adolescents ; le vin en plus. « Vous avez trouvé une autre activité, de toute évidence. » Reprends l'insolente, un fin sourire armé aux commissures. Il n'y avait bien que toi pour opposer vos glaces, et faire fondre les vêtements superflus qui vous recouvraient. C'est une évidence que vous ne voyez pas, enfermés dans cette danse, à vous marcher sur les pieds sans cesse. Vous vous gênez, à vouloir chacun guider. Il suffit pourtant de suivre le rythme. « Je ne sais pas. » Le verre porté aux lèvres, une gorgée. Les prunelles sont inquisitrices, quand elles se posent sur l'alliée. « Tu penses que c'est une mauvaise idée ? » C'est pas à moi de trancher. Mais l'avis se donne, quand même : « Vous ne savez pas faire séparément, alors.. » Je te laisser finir la phrase, en faire ta déduction. Je vous ai vu, tour à tour, vous détester, me conter des points qui devenaient virgules. Je l'ai lu, me dire ce qui se tramait sous sa peau. J'ai promis le silence. Je ne suis plus sûre de tenir mes promesses longtemps. « Il reste, lui. » Qu'elle laisse s'échapper. On a mit les lettres sous un tapis, on a fait le serment muet de les oublier. Abelard, il est resté. Toujours.

C’est pour ces moments anodins qu’on lutte. Quand le repos nous étreint dans une soirée improbable où le Dress code est un pyjama. Où le vin nous baigne, ainsi qu’un programme télévisé plus que douteux. Confessions autant improbables en premières invitées. Je ne sourcille pas pourtant lorsque je viens t’avouer que oui, Abélard et moi avons passé une barrière. Je ne peux pas nier y avoir pensé ces dernières années, mais disons que je n’aurais pas cru la chose possible et que je n’aurais pas pu imaginer le reste. « Je l’avoue plus plaisante. » Un sourcil se hausse comme surpris de mon propre aveu alors que ma gorge réclame une gorgée d’alcool supplémentaire. Les confidences se monnaient, elles se font plus faciles sous le voile liquoreux. Et puis je viens te demander. Parce que tu es Celle qui me connaît le mieux. Celle qui sans doute sait mieux pour moi que ma propre personne. Je continue à boire lorsque tu m’interroges, préférant me taire. Je repose le breuvage. Nous ne savons pas faire séparément c’est une certitude. Nous entre-tuant parfois mais ne dépassant jamais le seuil de l’agonie. Je ne sais pas où tout ceci nous mène. « Impossible que je devienne Reine de Belgique. » Un sourire cette fois étire mes traits. T’imagines comme le chose est improbable. Comme Abélard s’étoufferait lui-même d’une nouvelle pareille. Mais oui. Il est resté. Il reste. Et je sais qu’il restera encore. « Je suis d’accord. Et je prends goût au fait qu’il reste. » C’est rassurant et c’est la peur ultime à la fois. Parce que nous sommes faits de la même glace, mais c’est le même feu qui dévore le cœur, les mêmes failles. Semblables et antagonistes, c’est l’alter mais sans lui plus d’ego. Je n’aime pas savoir une personne indispensable à mon existence mais il en prend le rôle. « Et toi alors ? » Il m’a semblé deviner quelques ombres alors pas de raison que je sois la seule à expier mes conquêtes.

Le silence fut long et pesant ; imposé par l'un des côtés, et contraint par la pudeur de l'autre. Il a fallut attendre, pour arriver à ce dénouement. Je vois que ça cède, que ça craquelle, et il faudra bien mes griffes pour faire tomber encore quelques pierres de cet édifice. Le chemin est encore long, et il faudra faire attention aux irrégularités de la route. Callaghan, elle perd pas espoir. Elle s'accroche à vos mots, à vos regards, elle se met à croire que parfois le bouquin peut bien se terminer. On est pas obligé de brûler les pages en plein milieu. « C'est pas la question. » On a qu'à faire comme s'il n'avait pas son titre, et ses manières, et.. non, on peut pas enlever ça à la personne. La typée grimace légèrement, les lèvres taquines : « Vous seriez deux tyrans, je ne le souhaite pas pour le pays. » Vous seriez imprenables, du haut de votre tour. J'aurai peur qu'il t'isole de la plèbe, de ces êtres non royaux que nous sommes. De ces êtres qui s’abîment les mains, qui se salissent les genoux. Peut-être lui donneras-tu un peu d'humanité. « Sauf si tu trouves un rôle où je pourrais quand même me balader avec une couronne. » Les épaules s'haussent, et demoiselle absorbe une gorgée de vin, l'air de rien. Tu me trouveras bien un emploi fictif, un truc où je pourrais me promener avec une belle robe, et défendre vos carcasses dans un même mouvement. On aurait dû vivre dans un autre temps. Les prunelles se confrontent à celles d'en face, pour en aspirer encore un peu de sincérité. « Tu ressens quoi pour lui ? » On s'est habitué à plus de détours, mais tu sais que ce n'est pas ma spécialité de camoufler mes pas. « Tu réponds à cette question, et ensuite c'est moi qu'on cuisine. » Anticipe. Fini son verre. « J'espère qu'on a une deuxième bouteille qui traîne. » On aura besoin de toutes les forces disponibles.

Toute relation a ses revers. J’ai trouvé un apaisement que je n’aurais pas soupçonné dans sa stature toute monarque. Celui qui fût mon Alter toutes ces années, s’offre alors un plus grand rôle. De ceux qu’on avait pas prévu dans la partition, on redistribue les cartes. Et en bonne scientifique qui se respecte, j’envisage les nuances, les possibilités, les obstacles. Ce rôle pour lequel il est destiné notamment. Je n’y ai aucune place. Je n’ai déjà pas ma place dans le doré de ce monde. J’ai su entrouvrir l’espace néanmoins, à la force glaciale de mes ongles, par l’affront de mes ambitions, piétinant les ennemis d’une aiguille dédaigneuse de talon. Mon visage se ferme l’espace de quelques secondes lorsque tu me rétorques sous ton feu Lex, que ce n’est pas la question. Toi t’es les flammes des enfers qui se foutent du décor dans lequel on les plante. Y’a le cœur et le mental et tu m’as toujours tiré vers la première part. Mes sourcils se haussent, à renfort de vin dans ma gorge. « Je n’ai aucune envie de diriger un pays. » Que le peuple s’occupe de ses affaires. Même si je l’avoue te voir un Amazone couronnée pourrait être un puissant et beau spectacle. Pour le coup tu seras parfaite, en tant que Main provocante et brûlante de la Reine.  Je viens reposer mon verre, sentant la détente s’emparer de mes chairs. C’est court répit lorsqu’une autre de tes questions s’amorce, ce que je ressens pour lui. Et bien voyons, on a connu plus facile. Je viens glisser ma main sous mon menton, prenant le temps de réfléchir là où je n’ai laissé parlé que l’instinct de me vouloir auprès de lui. « Il est cette ombre que je ne peux effacer, une constante que je ne peux ignorer. Je crois bien l’aimer à ma façon oui. » Et tu sais que je ne suis pas douée pour ce domaine, encore moins pour en comprendre les nuances là où la passion a l’habitude de me traverser toute entière. C’est inédit, disons. « J’ai prévu, c’est évident. » Que je dis en me levant pour prendre la deuxième bouteille, soulagée que ma torture soit passée autour de la tienne. « A toi. » que je lance un sourire provocateur aux lèvres.

Il y a de ces histoires qui ne sont pas faites pour marcher, qui ont une date de péremption déjà établie, qu’on sait déjà biaisées, abîmées, condamnées. Qu’importe. C’est le chemin qui compte parait-il, pas la destination. Ce que je te demande, c’est si son absence pèse sur ton ventre, si quand il t’embrasse tu te sens à ta place. Ce que je te demande, c’est s’il est celui, là, maintenant, qui compte. Celui qui reste, celui qui persiste, malgré vos désaccords, et tout ce qui vous opposent. S’il est celui qui réchauffe ce cœur gelé. « Il n’est pas prêt, de toute façon. » Assène, juge depuis sa position de pauvre intruse dans ce monde doré. Nous n’avons jamais rien eu à faire dans cet univers. Mais, lui s’y plait, s’y complaît, il a les codes et dégouline de précieux. Il sait néanmoins faire des places aux autres, malgré ses paroles, l’ogre n’est pas si terrible. Il eu fallu toi, pour craqueler l’armure du prince. Je suis moins subtile et moins délicate que tes habitudes, et c’est à la hache que je compte libérer quelques confidences. Ca fait du bruit, ca fait désordre, mais c’est efficace. Y a qu’à voir le sourire s’afficher immédiatement sur les lèvres de la typée, bien trop heureuse d’entendre ces mots. « Deirdre est amoureuse d’Abelard. » Qu’elle minaude, gamine, tout en observant l’alliée chercher une seconde bouteille de réconfort. « Et Abelard est amoureux de Deirdre. » Glisse, là, la vérité qu’elle connait. Comme un secret qui ne l’est plus, une confidence qu’on peut rompre. « Depuis au moins une éternité. » Au moins. J’sais même pas comment j’ai pu taire ça aussi longtemps. « Remplit mon verre d’abord ! » Pousse le verre sur la table basse, du bout des doigts. Quand il est plein, le porte à ses lèvres et boit du courage. « Je ne sais même plus où tu en es de mes péripéties. » Gonfle ses joues, et expire. « Je suis… » Les lèvres se pincent. « en couple, je crois ? » Angoisse. « C’est une cata, j’arrive pas à lui dire non, à freiner le truc, je.. » Il efface les doutes, il fait fi de la terreur qui me gagne. Il voit pas que j’ai encore des lettres gravées dans la carcasse, des trucs pas réglés. Que j’ai peur que lui aussi s’en aille. « J’ai beau lui expliquer que j’sais pas faire, que je suis pas prête, il est tellement certain que ça m'emporte. » Cache ses lèvres dans le liquide. T’as demandé, voilà que je ne sais plus me taire.