« Tu crois qu'elle dit la vérité? Ton père a couché avec Sharon? » Raphaël hausse les épaules. Il n’a pas la réponse et, pour être honnête, s’en fout royalement. Sa mère a beau se la jouer blessée sur le petit écran, il sait parfaitement que tant que son compte en banque est fourni, qu’on la laisse vivre sa petite vie royale, elle ne quittera jamais Thibault Desrosiers. Ils s’étaient aimés, plus jeunes. Du moins, c’est ce qu’ils aiment raconter, bien que les deux rejetons aient du mal à y croire vu le tableau que les parents leur dessinent au quotidien. Aujourd’hui, ils sont juste beaux et riches, artificiels à souhait et plongés dans leurs ‘carrières’ respectives. Si être dans ‘the real housewives of beverly hills’ pouvait être considéré comme une carrière à proprement parlé. « Eteignez ça tout de suite! » Sa mère traverse le salon, perchée sur des talons aiguilles à faire pâlir Paris Hilton, dans une robe trop moulante, trop court, pour une journée aussi banale. Elle est magnifique, mais sapée pour aller faire le tapin - Raph ne fait que répéter, c’est le meilleur ami de papa qui le dit ! Le gamin ne peut s’empêcher de rire tout en s’échappant avec la télécommande, montant le son dans sa course alors que Josh reste focalisé sur l’écran. Il peut comprendre, on en devient vite addictif à ces programmes... Taylor fini par lui arracher des mains, éteignant au plus vite la télévision en feignant être choquée. Sa maman a bien des qualités - même s'il faut chercher pour les trouver - mais celui d’être une mère respectable et respectée n’en font pas partie. Difficile de conserver un peu de dignité et d’autorité quand ses déboires passent sur une chaine nationale tous les soirs. « Je vais te répéter combien de fois que je ne veux pas que vous regardiez ça ? » Il lui balance un sourire fier, parce qu’il l’est le gamin. Pense-t-elle vraiment qu’avec Louise, ils respectent cette règle ? Que toute occasion n’est pas bonne pour se caler devant la télé réalité dans laquelle ils apparaissent à de rares occasions, lorsque la production décide d’installer les caméras à la maison pour redorer un peu l'image de mère de Taylor ? Pour le peu qu’elle est à la maison, elle n’y voit que du feu. La baby-sitter de son côté s’en contre-carre, trop occupée à envoyer des textos à son mec pour se soucier de l'occupation des gamins. Le plus calmes ils sont, le mieux c’est. Toute baby-sitter normalement constituée se méfierait de l’eau qui dort mais Carla savoure les pauvres moment où ils ne la rendent pas complètement dingue. Josh se relève, les lèvres de Raphaël. s'étirent doucement « Papa devrait déjà être rentré. Tu crois qu'il est avec Sharon? » Cette fois-ci son sourire est grand jusqu’à ses oreilles alors qu'il part en courant à l’étage suite à cette petite provocation gratuite. Enfermés dans la chambre pour jouer à la console, il sait qu’il a gagné la partie en l’entendant fulminer et jurer de l’autre côté de la porte.



« Raph, regarde moi. » Elle hausse la voix et Raphaël soupire en se tournant vers elle, ouvrant grand les yeux pour exagérer sa demande. Louise lève les yeux au ciel et le sourire en coin de son frère l’énerve un peu plus. « Il est dix-huit heures. » Pense-t-elle bon de préciser, pour lui comprendre qu'il est trop tôt pour être sous l'effet de sa fidèle poudre blanche. « Il est minuit quelque part dans le monde. »  Il répond, avant de plonger une cuillère dans la casserole. Son soupire confirme que Louise abandonne la partie, ne cherchant même pas à ajouter quoi que ce soit. Sa petite soeur a du comprendre il y a un bon moment que ça ne vaut pas la peine de forcer, car il ne veut rien entendre. « Goute moi ça. » Il lui fait signe d'approcher et lui tends la cuillère, main sous celle-ci pour ne pas goutter partout sur le sol, dans l’attente de son avis. Leur relation a toujours été assez conflictuelle, principalement parce que toute la famille a tenu bien longtemps à garder la cadette dans l’ombre de la carrière de papa, mais il n'en donnerait pas moins sa vie pour elle. Gamine, Louise est consciente que leur paternel est dans un milieu osé mais ne comprend pas en quoi le sujet est tabou, en sa présence. Ils ont tous été bêtes à vouloir lui cacher, puisqu’il suffit de taper son nom sur google pour obtenir la filmographie de Thibault Desrosiers, producteur de films pornographiques. Mais il y a autre chose, une face cachée à sa production, une face qu'elle ne parvient pas à déterminer. Et Raph, il sait. Elle en était persuadée. Les Desrosiers l'ont gardée à l'écart comme une enfant, ce que Louise n'a pas supporté, reprochant trop souvent à son ainé de ne pas la mettre dans la confidence. Malgré les nombreux bas de leur relation, les reproches incessantes sur sa consommation de drogue, elle reste sa petite soeur, la prunelle de ses yeux et l'une des seules personnes dont l’avis compte plus ou moins pour le français. D’un point de vue culinaire, en tout cas. « T'aurais vraiment du continuer en cuisine. »  Impossible de lui faire un compliment sans lui faire une reproche. Raphaël soupire, lassé. Elle déteste ça. Lui qui n'écoute personne, qui n’en a pas grand chose à faire, est entré à l’université de Harvard, l’un des meilleures programmes d’arts du pays, pour suivre les traces de papa, plutôt que de poursuivre la seule chose concrète qui l'aie un jour passionné. « Dis la fille qui vient de commencer des études dans le cinéma alors qu'elle se voyait au barreau. » Par passion? Par pure jalousie? Simplement pour prouver qu'elle aussi peut le faire? Un comme l'autre, c'est ridicule. Louise va devoir se faire un chemin toute seule, car leur père ne la laissera jamais marcher sur ses traces. Il faudra lui passer sur le corps, et celui de Raph, avant cela. Elle était bien trop naïve, bien trop sage pour entrer pleinement dans ce monde, aussi respectable soit-il malgré ce qu'elle pouvait en penser. Leur patriarche n'est pas un exemple sur bien des points, mais il n'en reste pas moins un homme honnête et droit dans ses bottes.