Je sors à peine de l'hôpital, quand j'ai su qu'Eros y était pour Wilhelmina, je n'ai pas hésité un instant à m'y rendre. Wilhelmina a eu moins de chance que nous deux, elle est dans le coma, un bout de métal enfoncé dans la jambe la conduite au bloc opératoire. Eros est mon meilleur ami, je ne pouvais pas le laisser plus longtemps. Je suis sortie moi-même de l'hôpital il n'y a pas si longtemps que ça, me retrouvant le bras droit en écharpe avec une sentence que j'accepte que difficilement : je ne peux pas exercer la médecine pleinement, pas d'opération, pas de geste techniquement. Juste de la paperasse et encore. Étant donné que c'est mon bras droit et que je suis droitière, je n'imagine pas comment je vais galérer. Je fini par le laisser seul, leur laissant un moment d'intimité bien qu'elle a toujours les yeux fermés. Je ne suis pas croyante, mais j'en viens à prier dans ma tête qu'elle ouvre les yeux très vite, il le faut. C'est tellement la cohue depuis l'accident, que je n'ai pas eu l'occasion de me poser un instant, et ce n'est pas plus mal, cela m'évite d'entendre à nouveau les hurlements des gens, de revoir les sirènes de pompiers sur place, de ressentir à nouveau l'odeur de brûler dans ce métro. Être occupée me permet de ne pas repenser à tout ça, seulement mon épaule qui me fait parfois un mal de chien et que je calme avec des antalgiques. Avant de partir, je passe par la pharmacie, même si je ne peux pas exercer, mon badge est encore valide. Voulant me spécialiser dans la chirurgie plastique et reconstructrice, je connais les meilleurs soins à appliquer pour un visage abîmé. Surtout quand il est aussi beau que le tient. Quand tu m'envoies ce message pour que tu acceptes que je passe te voir, je n'hésite pas un instant à appeler mon chauffeur, Arlon, pour qu'il me dépose chez toi. Tu as été là pour moi dans cet accident, bien plus que personnes d'autres. Depuis un moment, j'essaye de faire taire dans ma tête ses petites voix qui me disent que tu me plais bien plus que de raison, je ne peux pas craquer comme ça, il y a beaucoup trop d'ombres au tableau sur mon avenir que je ne contrôle pas – merci le Grand-Duc. Mais c'est plus fort que moi, j'ai envie d'être à tes côtés, j'essaye juste de ne rien montrer. Je me présente aux gardes du corps qui protègent ton logement, attendant qu'on me présente à toi avec les crèmes magiques dans mon sac.

Les récents événements mettaient Willem dans une situation des plus inconfortables. En fait il détestait ne pas pouvoir contrôler sa vie, comme c’était le cas en ce moment suite à cet accident de métro. Certes il n’avait eu que le visage touché par l’accident mais c’était assez pour que sa mère, la Régente soit dans tous ses états. Ce qui était normal, puisqu’elle avait déjà enterré son royal mari quelques semaines plus tôt et elle n’aimerait guère que son fils prodigue la quitte ainsi. Du coup il ne pouvait nier les remontrances de sa mère, ce qui le faisait paraître comme un enfant de dix ans pris en flagrant délit. Sa mère lui avait clairement fait comprendre que ses actions irréfléchies auraient pu avoir des conséquences désastreuses sur les Pays-Bas. Mais voilà le jeune Roi était énervé, perdu, en pleine crise de désespoir et pour ne pas flancher complètement, il s’entraînait sans relâche à l’escrime. Il ne portait même pas de protection alors qu’il utilisait le vieux sabre de son grand-père. Du coup à force de se faire autant mal en s’entraînant de la sorte, il finit par se blesser au même moment où on sonna chez lui. Il fit pression sur sa blessure avant de se diriger rapidement vers sa salle d’infirmerie personnelle mais la jeune femme était déjà devant lui, accompagnée de Matthijs qui s’inclina avant de s’éclipser pour les laisser seuls. « Coucou ! Merci d’être venue me voir » dit-il assez tristement tout en faisant toujours pression sur sa plaie pour que le sang ne coule pas trop.

Cet accident allait changé des choses, le cours de la vie chez certaines personnes. Moi il m'a permis de voir une autre facette toi, la protectrice et bienveillant à mon égard. Ça m'a beaucoup plu, en plus de tout ce que j'ai pu découvrir de toi jusque maintenant. Mais aussi de moi j'en apprends plus sur mon petit cœur qui s'ouvre de plus en plus alors que je ne suis pas prête à laisser quelqu'un entrée dans ma vie. Je sais que serait promise un jour où l'autre, je ne peux pas me le permettre. Et pourtant, tu as besoin, et j'ai accouru. J'ai même menti à un ami pour pouvoir venir te voir. C'est mal, je le sais, mais ça me dépasse, c'est plus fort que moi. Je me présente à ton homme de garde, tu sembles avoir une bonne entente avec lui. Je me reconnais, je suis pareil avec Arlon que je connais depuis ma plus tendre enfance, et qui m'a suivi jusqu'ici à Boston pour continuer à veiller sur moi et à m'emmener partout. Il n'est plus tout jeune, mais il est toujours de bons conseils pour moi. « C'est normal, j'ai ta crème. » dis-je en te tendant le tube. Étrangement, tu ne t'approches pas de moi pour me dire bonjour, alors je tiens mes distances aussi, pourtant j'aimerai voir sous les pansements comme son tes plaies. J'aimerai avoir ma blouse avec moi, cela me permettrait de mettre une barrière et de me dire que c'est le médecin qui voudrait savoir. Mais non, c'est juste moi, Charlotte De Luxembourg, la Princesse qui s'inquiète pour toi. Surtout encore plus quand je remarque finalement que ta main ne cache pas une blessure, le fait que tu saignes. « Qu'est ce que tu as fais ? Tu veux que je t'aide ?» Je fini par m'avancer vers toi, mais ta froideur me stoppe dans mon élan, et je fini par attendre que tu me donnes l'accord pour t'aider. Je te tend finalement le tube de ma main valide. « Elle va t'aider à cicatriser ton visage, et tu devrais désinfecter ta plaie avec de l'eau et du savon si tu n'as rien d'autres.» Cette crème est miraculeuse sur ce type de blessure, parole d'une étudiante qui s'intéresse de prêt à la chirurgie reconstructrice et réparatrice. « Je t'attends là pour voir comment tu réagis à la crème et je repartirai après. » Étant donné que ma visite ne semble être qu'intéressée, je ne vais pas m'éterniser. Je confirme encore plus que cet accident va changer bien des choses.

Willem venait de se blesser à force de trop jouer avec ses limites, puisque pour évacuer les pensées négatives qui l’envahissaient, il avait décidé de s’entraîner avec l’épée aiguisée de son défunt aïeul mais voilà il s’était fait une légère coupe. Du coup, comme il grimaçait un peu de douleur, il n’accueillit pas Charlotte de la façon la plus chaleureuse du monde et elle l’avait bien remarqué. « Merci… » répondit-il en inspirant longuement avant de hocher la tête en signe d’approbation lorsqu’elle lui demanda ce qu’il avait fait, et surtout si elle pouvait l’aider. « Tu n’as pas besoin de me demander la permission Charlotte… Je suis désolé » finit-il par dire. Elle vint lui donner la fameuse crème et il écouta attentivement ses conseils de médecin, alors il afficha un léger sourire sur son visage défiguré. Il n’osait plus trop sortir maintenant à cause de tout ça, mais il n’aurait plus trop le choix bientôt puisqu’il était le Roi des Pays-Bas et qu’il fallait bien qu’il se montre en public pour faire des élocutions devant son peuple. « Non ne pars pas… J’aimerais que tu restes s’il te plaît… Je voudrais qu’on discute après. » dit-il avant de s’approcher d’elle pour déposer un baiser sur sa joue. « Je suis un connard sans cœur, je suis en train de te laisser penser que je ne veux pas te voir aujourd’hui… Ta présence me fait énormément plaisir crois-moi… ». Il inspira longuement avant de quitter la pièce, laissant son téléphone à côté de Charlotte. Il faudrait qu’il lui parle de tant de choses, mais il ne se doutait pas que ça viendrait de façon catastrophique.

J'hoches la tête avec un fin sourire quand tu me remercies pour la crème. Je n'arrive pas à savoir si tu es content de me voir où non, et je me reconnais dans mon frère quand je me referme quasi instantanément comme une huître, limitant mes contacts, alors que j'accourais presque à l'idée de te voir. Je ne sais pas ce qui cause se changement d'humeur entre nos messages et là, mais bon. Tu finis par être désolé, et étrangement, je n'arrive pas à trouver ça rassurant. Allez Charlotte détend toi, tu es parano que j'essaye de me répéter en boucle dans ma tête pour me rassurer. Puis tu me souris, je pense sur l'instant être folle. Je vis un ascenseur émotionnel depuis l'accident que j'ai l'impression d'en devenir folle. Ce n'était qu'un accident de métro, on s'en ai bien sorti et pourtant j'ai l'impression que tout a changé depuis cet accident, de ne plus voir les gens ni les choses de la même façon. Je pose une main sur ta joue, sur tes blessures à ton visage qui ne me dérangent pas pendant que tu me déposes un baiser sur ma joue. A mes yeux, tu restes un très bel homme, avec des petites blessures de guerre. Tu ne t'es pas transformé en monstre. « Je t'attend alors, je ne bouge pas. » Je ne sais pas encore de quoi tu veux qu'on parle, mais j'ose supposer qu'il s'agit peut être de l'accident ou de tes fonctions de roi. Je préfère me dire ça dans un petit coin de ma tête. Surtout que tente réellement de me rassurer sur ma venue, et je fini par te sourire plus franchement. « Tu n'es un pas un connard, c'est difficile pour nous tous en ce moment... » sous-entendus toutes les personnes présentes dans ce métro. « … ça me fait plaisir que tu m'es appelé aussi. » que je fini par te dire alors que tu t'éclipses pour aller mettre la crème et soigner ta récente plaie. Je regarde mon téléphone avant de me dire que j'aurai dû te suivre pour t'aider. Je me lève, et avant que je n'ai pu faire un pas, j'entends la sonnerie de ton téléphone. Ne fait pas ça Charlotte. Ma curiosité s'attise, en voyant le prénom de Meleya sur le téléphone. Je ferme les yeux un instant, je ne peux pas regarder, je n'ai pas le droit. Sauf qu'une partie du message s'affiche. « Parce que tu m'as demandé de ne pas coucher avec Nico donc... » Que je fini par lire. Comment Nicolas peut se retrouver dans leur conversation. Je ne sais pas comment, il me semble qu'il n'y a pas de protection de verrouillage sur ton téléphone. Une conversation Tinder... entre toi et Meleya. Je fini par lire votre conversation au complet, de vos messages les plus chauds, à ses photos en sous-vêtements ou encore sa crise de jalousie. Je bouillonne, je me sens des plus idiotes d'avoir pu croire en tes bonnes valeurs. Tu as beau être un Roi, tu ne vaux clairement pas mieux que tous les autres finalement. Ce qui est bien, c'est que je n'arrive même pas à pleurer tellement ma colère prend le dessus, je ne sens pas mon épaule qui est sensé me faire mal. Heureusement que mes mains tremblent pour exprimer ma rage sinon j'aurai la sensation que tous sentiments avaient quitté ce corps qu'est le mien. Les yeux rivés sur ton téléphone, je ne les relève qu'au moment où tu ré-apparais dans la pièce. « Je suppose que c'était de Meleya dont tu voulais parler ! » Je te balance ton téléphone dans ta direction pour que tu comprennes d'où je tiens ça. Au fur et à mesure que tu avances dans la pièce, je recule. Ma confiance est dure à avoir, mais une fois qu'elle est perdue, c'est terminé. Game over.