Je suis encore dans cette salle à travailler sur un pc. Putain j'en ai marre. Au lieu de m'y mettre sérieusement, je suis en train de faire des dessins de licornes sur Paint et je suis en train de me marrer à fond dans ma tête. Les gens qui me regardent doivent me prendre pour une folle de sourire sans cesse en faisant mon travail. Bon, reconcentre-toi Jill. C'est pas compliqué. La philosophie de l'art, tout ça. Berk, pourquoi j'ai pris ce cursus déjà ? Je ne sais plus. Peut-être parce que je suis bien trop créative pour faire quelque chose de sérieux. Dans ma tête, c'est une imagination débordante. Merde, tant pis, j'me casse. J'éteins mon pc, je prends mes affaires en faisant énormément de bruit, évidemment, trop de malaisance en moi et je quitte la salle en faisant des petits pas de souris. Mais en ouvrant la porte, je bouscule quelqu'un. Ou quelqu'un me bouscule. Merde, j'ai fait tomber ses quelques feuilles sur le sol, ainsi que son bic. « oh shit, pardon, je suis désolée. » et toute rouge surtout. Je m'abaisse pour ramasser ses affaires avec ma souplesse de danseuse et je lui rapporte le tout avec une petite moue coupable.

Il avait des recherches à faire pour un projet. D’ici six mois, peut-être un an si ça traine, il voulait faire venir des enfants venu de pays défavorisés pour les opérer de maladies cardiaques diverses et variées. Mais il avait besoin d’énormément de documents, et Camila n’avait pas d’imprimante chez elle alors il préférait rester un peu plus longtemps à l’université, quitte à ce qu’il dorme sur place. Il avait imprimé déjà un bon paquet de document, réfléchissait à des vols, des financements aussi pour son projet, une publicité gratuite, si possible, de la part de sponsors comme des célébrités ou des personnalités connues. Il avait enfin fini quand il prit la porte pour rentrer… mais il se souvent qu’il avait oublié son portable à sa table. Il se retourne pour entrer à nouveau dans la salle d’informatique quand… il se fait bousculer par une espèce de nana maladroite, qui se croit au-dessus par sa petite chorégraphie. « Putain, tu pouvais pas faire attention ?! » Ces documents étaient trop précieux pour être piétinés, alors il se pencha pour rabaisser ce qu’il restait. « Pas besoin d’aider, t’en as déjà fait assez ! » Il souffle fort, frottant sa manche qui avait pris un coup de stylo.

Bon j'avoue, ce genre de truc, ça n'arrive qu'à moi. Trop maladroite, je bourre dans tout le monde, j'ai pas les yeux en face des trous et j'ai deux pieds gauche. Je renverse ses affaires et en plus de ça, je tâche son vêtement avec le stylo. Je tente de ramasser pour me faire pardonner mais je reçois une réponse incendiaire. Aie, ça fait mal à mon petit coeur ça. Je suis un coeur d'artichaut, quand quelqu'un m'agresse, directement, j'ai envie de pleurer. Mais je vais pas le faire, alors je serre les dents et je tente de me calmer. « monsieur est de mauvais humeur ? on lui a cassé son jouet ? » ça, c'est moi quand on m'énerve. Je lâche des phrases pour piquer que je regrette aussitôt. Je ne sais pas à quel mec je me frotte mais quelque chose me dit que je ferai bien de partir aussi vite que je suis venue. Mais mes pieds m'empêchent de faire le moindre pas. Je lui bloque le passage. Manque plus que je croise mes bras en prenant la pause de la grosse biatch à le détailler de haut en bas.

Pas qu’il avait du temps à perdre à faire la causette avec une nana un peu trop maladroite, mais il avait autre chose à faire de son temps. Elle essayait de piquer l’égo de Victor, mais comme il n’en avait que très peu, il était très loin d’être atteint. « Me fais pas chier là, t’aurais pu faire attention ! » Et elle était toujours dans l’encadrement de la porte où Victor souhaitait aller. Elle était là, au milieu, et Victor essayait de passer, mais comme dans ce genre de situation, les deux protagonistes allaient chacun de leurs côtés, c’était généralement la tuile qui se produisait. « Mais putain arrête de bouger ! Va à gauche ! » Il levait les mains, super énervé, Camila qui l’attendait à la maison et qui allait gueuler parce que c’était froid à son arrivée.

Tout ce que je veux ? Même pas des excuses hein, juste un merci. Même s'il est pas sincère je m'en fous. Moi, je me suis excusée, je t'ai aidée à ramasser ton brol, et toi, la politesse veut que tu me dises merci, ou c'est pas grave, un truc du genre. « je t'ai dit que j'étais désolée ! ça t'arrive pas de foncer dans les gens non ? » bien sur que non, parce que toi tu es parfait monsieur boudeur.  J'essaye de bouger mais on bouge du même côté et la situation devient un peu plus... marrante je trouve. « tu ne connais même pas ta gauche de ta droite, j'suis sûre que tu n'arriveras pas à m'épeler le mot anticonstitutionnellement. » je croise mes bras en le toisant. C'est quoi cette punchline à la con Jill ? Ouais, c'est ça, recule et va te jeter la tête la première dans la poubelle.

Il souffle Victor, bien fort, pour exprimer son mécontentement. Elle est au milieu, elle fait chier, elle lui fait perdre son temps, et en plus de ça, elle se joue de lui. Il secoue la tête de gauche à droite en la regardant. « J’suis français, j’peux épeler acide désoxyribonucléique sans faire de faute. Parce qu’on a un langage de merde. » Il la contournait pour récupérer ce qu’il avait oublié mais elle était toujours dans l’encadrement de la porte et la petite danse de qui va à droite ou à gauche recommençait. C’était ridicule et d’un point de vue extérieur, ça aurait pu être risible, mais pour Victor, grincheux, désagréable, complètement con, ça ne l’était pas. « Putain mais… Camila va m’défoncer. » dit-il pour lui-même. « Bon, bouge s’il te plait ma meuf va m’défoncer si j’arrive pas à l’heure. » Puis en fait, il adorait la voir rager quelque part parce que ça la rendait tout d’suite bien plus sexy, sa chérie. Elle était belle quand elle s’énervait, elle était charmeuse et sexy. Mais il ne pourrait pas voir ses yeux en colère s’il ne pouvait pas passer. « Chacun à gauche ? » Ca devenait ridicule. Mais drôle.

Non mais là aussi ça devient un sketch, faut croire que c'est ma journée de gags. Je sens la tension redescendre petit à petit. Ce gars a l'air moins énervé qu'avant mais toujours agacé, ça on ne peut pas se l'effacer de son visage. Je lève les yeux au ciel puis je me mets à sourire. « ta copine va te défoncer car t'arrives pas à prendre la porte ? » la faute à qui ? On va tous les deux du même côté pour laisser passer l'autre, ça ne va pas. Le jeune homme finit par prendre les commandes - non mais c'est d'un ridicule en fait - et on bouge tous les deux du côté gauche, enfin notre côté quoi. Et voilà, libéré. « bon ben, c'était pas si compliqué. » je peux enfin quitter la salle. Je ne lui adresse plus un regard, trop gênée par la situation et je m'enfuis dans le couloir pour quitter cet endroit car c'est impossible pour moi de travailler.