Don't touch the girls Don't kiss the girls I have the right to pull the girls Get in a fight On every night Les paroles de la musique résonne dans sa tête tandis qu’elle finisse la sous-couche sur son visage. Une expression de son cru pour parler de la quantité de crème, fond de teinte qu’elle se met sur le visage quand elle se trouve dans ce lieu. Alors que le miroir lui renvoi un reflet qu’elle cherche  à éviter elle dû se résoudre à y faire face. On voie encore un peu trop de violet sous son œil droit. Vestige d’une bagarre dans la rue, pour défendre une amie. Alors qu’elle applique une nouvelle dose du « truc qui coûte une blinde » sur cette zone sensible elle tente de transformer la grimace de douleur par un sourire. Et elle y parvient. Après tout le maquillage n’est que la matérialisation d’un mensonge. Et en mensonge elle s’y connait.

La musique change, c’est plus moderne, ça lui plait moins, mais bon c’est pas comme si elle venait pour la musique. Elle affronte son reflet une dernière fois, le masque est en place : les blessures physiques sont masquées, les blessures psychiques le sont par un petit sourire en coin. Dans quelques minutes elle montera sur une scène trop éclairée, perchée sur des talons qui lui donnent le vertige, son sourire sera plus large de temps à autre, elle en jouera comme elle jouera de son corps. Elle ondulera, bougera ses mains, se rappelant des mouvements de danse elle s’imaginera dans cette vieille salle de gym où elle allait étant petite. Une illusion de plus, toujours mieux que de rester trop terre à terre, éblouie par la lumière qui se tamise de temps à autres, elle préfère laisser courir son regard vide. C’est préférable pour le public, sinon elle aurait trop envie de se jeter dessus, de leur crier dessus. Etre strip-teaseuse, ça paie bien les factures, pour certain.e.s ça pourrait être hypocrite au vu de ses études, de ses engagements personnels, elle préfère se dire que d’un elle s’en fou et de deux c’est un parfait terrain d’étude pour comprendre les relations de domination et de pouvoir qui peuvent se jouer entre les hommes et les femmes.

C’est pratique, elle a appris à toujours trouver « du positif » ou « du moins pire » dans chaque situation. Elle partait de loin, c’est comme si elle était née pessimiste, mais elle a appris à se calmer, du moins en apparence. Peut-être à cause de la maladie qui l’avait quasiment terrassée à l’âge de 11 ans et qui court toujours en elle. Alors dans ce métier nocturne elle trouve en plus comme côté positif le fait de pouvoir se déhancher sur huit centimètres de talons, elle, qui trois ans plus tôt ne se déplaçait quasiment plus. Oui sa vie a bien changé. D’un point de vue physique et d’un point de vue social aussi. Désormais elle est étudiante à Harvard, elle se serait fustigée d’avoir un tel rêve quelques années auparavant et voilà qu’elle l’était vraiment. Son travail de recherches en troisième année lui avait valu deux prix prestigieux en Suède et une de ses enseignantes l’avait non seulement encouragée et aidée à monter son dossier de candidature pour Harvard. Une si prestigieuse école, pour elle, elle qui se noyait dans son ennui, qu’elle trompait en s’enfermant dans les livres, en défendant les autres, en s’engouffrant dans des thématiques qui de prime à bord ne la concernait pas. Elle qui disait n’avoir pas de problèmes familiaux, ne pas avoir de raison rationnelle de se plaindre. Mais sachez, qu’elle en aurait bien des raisons de se plaindre. Certes ses parents sont toujours en couple, elle a une entente disons cordiale avec ses frères et sœurs, elle a un toit au dessus de sa tête, fait des études qui lui plaisent mais ne sous-estimé pas ce qu’elle a pu traverser. Elle est douée pour cacher ses problèmes, vous pourrez compter sur elle pour vous aider à résoudre  vos problèmes, mais quand il s’agit de régler les siens elle est bien moins efficace. C’est son penchant destructeur qui s’exprime. Elle préféra vous montrez son sens étonnant de l’humour, sa loufoquerie surprenante et son sens de l’observation déconcertant.