Aujourd'hui j'étais au bord du précipice, totalement dépassé par cette maladie qui me ronge jusqu'aux os. L'envie d'arrêter de me battre m'a traversé l'esprit à de nombreuses reprises sauf que toi tu continuais de croire en moi. Tu me forces à m'accrocher à un possible futur, à penser aux autres et particulièrement à ceux qui veulent me voir vaincre ce dragon qu'est mon cancer. C'est vrai que ma décision de lâcher prise est égoïste mais également humaine. Aucun homme sur Terre n'est prêt à encaisser si forte souffrance. Tu me ramènes peu à peu à la surface avec tes paroles honnêtes et tes gestes rassurants. Je te demande de ne pas partir alors je me dois aussi de ne pas te quitter. Donnant, donnant. Telle un père qui donnerait du courage à son enfant, tu embrasses mon front et je serres un peu plus fort ta main alors que les lumières vives de l'hôpital brouille ma vision. Trop rapidement tu es éloigné de moi et la peur s'empare encore de moi mais je suis très vite assommée par des anti douleurs.

***

Étonnamment mes rêves furent assez plaisants. Je crois bien que je planais. La morphine est une drogue forte et plutôt agréable. Le bruit des machines parvient jusqu'à mes oreilles. J'y suis hélas habituée depuis l'enfance, à cause de mon diabète. A cette époque, c'est Jax qui restait à mon chevet. Mais aujourd'hui c'est toi qui roupille sur le fauteuil peu confortable. T'as de la chance que je n'ai pas mon téléphone en ma possession sinon il y aurait eu photo dossier. Malgré mes faibles forces, je réussi à t'envoyer le bip d'appel aux infirmières à la figure, afin de te réveiller." Je t'ai déjà dit d'arrêter de baver quand tu fais des rêves érotiques. " Tu vois j'ai quelque peu retrouvé mes esprits pour me moquer de toi. C'est un moyen comme un autre de te remercier de ta présence. Je savais que tu tiendrais ta promesse.

Toujours le même cauchemar, celui mettant en scène la mort de ma mère, sa tombe à son nom et moi seul devant. Je lui parle, et je peux entendre sa voix me répondre. Je sais qu'il n'en sera pas ainsi lorsque ça arrivera vraiment, et c'est ce qui me fait peur. Ne plus pouvoir me confier à la seule personne qui savait tout de moi. D'habitude, le cauchemar enchaîne en exprimant de façon très glauque la solitude qui risque de m'envahir à la mort de ma mère mais cette fois, je suis sortis de ce dernier par un choc au visage. Mes yeux s'ouvrent tout juste que j'entends ta connerie qui parvient à mes oreilles. Mon regard trouve le tien quand je te réponds en me redressant sur mon siège: "C'était toi et moi dans ce rêve érotique, t'es super souple en fait !". Voilà, ça t'apprendra à m'agresser et dire des bêtises ! Je me lève difficilement et m'approche du lit, fixe ton visage pendant plusieurs secondes sans rien dire. Bizarre ? Peut-être oui, mais je suis surtout content de voir que tu as une meilleure mine, que je ne vois plus la douleur lancinante qui s'exprimait sur ton visage il y a si peu de temps. Je brise finalement ce silence en ouvrant la bouche: "Comment ça va Macy ?". Je redeviens plus sérieux, ce qui est assez rare entre nous il faut bien l'avouer, mais si tu sembles aller mieux, je préfère l'entendre de ta bouche.  

Je n'aime pas vraiment abusé de ta présence et pourtant j'ai terriblement besoin de toi. Je veux que tu restes auprès de moi tout simplement parce que tu es la seule personne importante dans ma vie, a réellement comprendre ce que je vis depuis des mois. Ce n'est pas la première fois que tu vois quelqu'un souffrir d'un cancer. Tu sais comment appréhender la chose, tu sais quels mots employés pour m'apaiser alors que ce n'était pas gagné d'avance. Mais d'un utre côté, je culpabilise de te faire vivre cet enfer. Entre ta mère et moi, tu es vraiment malchanceux. T'as pas tiré les bons numéros à ta naissance. Ils ont vraiment du me filer une dose élevée de médocs pour que je me réveille en étant plutôt en forme pourtant j'étais bien partie pour finir en zombie. Je ne suis plus cette pile électrique que les gens avaient l'habitude de cotoyer mais je n'ai pas perdu mon sens de l'humour, ni mes gestes déplacés. C'est pas mon genre d'être tendre. Je montre mon affection en te jetant ce qui me passe par la main, me moquant ouvertement de ta tête." Ah ben oui des années de pratique. " Oui je m'enfonce toute seule mais peu importe. L'auto dérision n'a jamais tué personne. Ton regard perçant sur moi, c'est un peu gênant alors je baisse les yeux. J'ai cru pouvoir éviter une conversation sérieuse mais je me suis totalement trompée." Pour le moment oui. Je pense qu'ils ont un peu abusé sur les anti douleurs. " Dans quelques heures je risque de déchanter et me retrouver à nouveau dans un état de fatigue intense.

En vérité, j'aurais aimé qu'il ne s'agisse que d'un simple rêve érotique où j'aurais apprécié ta souplesse Macy, mais à la place je me mange ces cauchemars dès que je ferme les yeux. Et je garde ça pour moi, comme tu le sais surement, tout comme je sais que tu finiras par m'engueuler parce que je ne devrais pas faire ça alors qu'on a promis de se dire lorsque que l'on ne va pas bien. Pour l'instant, c'est plutôt ta santé qui m'intéresse le plus, tu es clairement la plus mal en point de nous deux et tu m'as fait une peur bleue. "Tu me refais un truc pareil, je te tue moi-même Macy !", dis-je alors que tu baisses les yeux en me confiant que la douleur est passée présentement, effet des anti-douleurs qui s'estomperont dans peu de temps. Mais la douleur, je peux la comprendre, je ne la connais que trop bien avec ma mère qui veut toujours faire la femme forte et cacher son mal, je crois que je tiens ça d'elle. Par contre, le fait que tu ais voulus abandonner, que tu ais voulus en finir alors que tu m'as promis de te battre jusqu'au bout pour continuer à me faire chier de longues années encore, ça je ne l'encaisse que très difficilement. "Tu ne vas pas faire une connerie Macy ?", lançais-je nonchalamment d'une petite voix, mes mains crispés sur le barreau du lit tandis que je te regarde toujours, toi, affichant une mine basse pour ne pas me regarder. Par connerie, j'entends bien évidemment stopper cette douleur par une plus succincte et plus puissante qui te permettrait de tout abandonner, aussi bien ce mal que ton entourage. Parce que si je m'implique dans ton combat comme ça, tu n'as pas le droit de me lâcher du jour au lendemain.  

J'imagine que ça arrive à tous les malades de douter, de vouloir abandonner quitte à perdre ce qu'on a de plus précieux au monde: la vie. Je suis une amoureuse de la vie. J'ai toujours voulu en profiter et ce jusque dans les moindres détails. La liberté c'était mon credo sauf que je n'y ai plus le droit aujourd'hui. Je ne contrôle plus mon corps, ma vie. C'est ce cancer qui détient ma vie, mon futur. Et l'avenir j'ai eu du mal à le voir ces derniers temps, du mal à l'affronter. Peur de l'inconnu, peur de ne pas être assez forte, de décevoir les autres alors oui j'ai baissé les bras et tu en as été spectateur aujourd'hui. Je m'en veux parce que je t'avais promis que je ne ferais pas cette erreur, que je m'accrocherais pour toi. T'as tous les droits de m'en vouloir et pourtant t'es là, accroché à mon regard, me suppliant de ne plus être aussi idiote. Je mords ma lèvre inférieure." C'est beau, tu n'auras pas mon sang sur les mains. " Je suis certaine que t'es un sauvage et que tu serais capable de testes les pires tortures qui soient sur moi. Tu ferais des expériences chelous avec moi et je finirais découper en petites rondelles. Non merci. Je serre le drap entre mes doigts alors que je reste silencieuse. Je t'ai blessé et je sais qu'un merci n'est pas suffisant. Mes yeux s'écarquillent lorsque tu poses cette question lourde de sens. Je comprends ton inquiétude, c'est légitime, mais que tu oses le dire à voix haute, ça me retourne l'estomac. Ma main se pose sur la tienne." Je chasse cette mauvaise idée de ma tête. " Pas pour moi mais bel et bien pour toi. Je suis prête à retourner au combat pour ne pas te décevoir une fois de plus." Mais tu devrais rentrer chez toi dormir Alan. Je suis en sécurité maintenant. " Je crois pas qu'ils me laisseront sortir de si tôt.